Editeur
Genre
Littérature française
Chapitre 1
Lundi 26 mars 1973, Kinshasa, Zaïre. (Ex-Léopoldville, Congo)
Alors que le pilote annonçait l’atterrissage imminent de l’avion, un homme regardait songeusement à travers le hublot les paysages contrastés du continent africain. Ses yeux verts reflétaient une mélancolie et une tristesse profondes. Âgé d’une trentaine d’années, il avait le teint hâlé et les cheveux bruns ondulés, coiffés en bataille. Douze ans s’étaient écoulés depuis sa fuite de Kinshasa pour Bruxelles. Douze années au cours desquelles tant de choses avaient changé. Depuis son départ, Mobutu était parvenu à détrôner Kasa-Vubu et dirigeait le Zaïre d’une main de fer. Son arrivée au pouvoir avait engendré de nombreuses réformes de toutes sortes. Jacques avait d’ailleurs dû demander l’autorisation au nouveau président d’ouvrir son centre de vacances en plein cœur de Kinshasa. Mobutu avait beaucoup d’ambitions pour ce qu’il voulait voir devenir le premier grand complexe hôtelier zaïrois. Grâce à la double nationalité de Jacques, celui que l’on surnommait le « léopard du Zaïre » se garantissait de conserver de bonnes relations entre son pays et la Belgique. Ce centre devait également attirer une riche clientèle issue des autres continents, attestant du même coup de véhiculer l’image d’un Zaïre en plein essor et indépendant à l’échelle internationale. Mobutu cherchait à réinstaurer les valeurs ancestrales du Zaïre et réclamait pour son pays un retour à ce qu’il appelait l’authenticité. Il avait imposé que les noms de villes et du pays lui-même, stigmates de la colonisation, changeassent : Léopoldville était donc devenu Kinshasa, tandis que le Congo se nommait le Zaïre. Après de nombreuses années de travail, mêlées à de longs mois de démarches administratives, il revenait enfin dans son pays d’enfance, qui n’était devenu pour lui qu’un lointain souvenir. Il repensait avec douleur à tous ceux qu’il avait dû abandonner de nouveau pour revenir ici, mais aussi à ceux qu’il s’apprêtait aujourd’hui à retrouver. Lorsque l’avion se posa à terre, Jacques sentit son cœur se serrer, ne quittant plus des yeux ce paysage qui lui était devenu étranger.
*****
Quelques mois plus tôt, Bruxelles.
– J’ai bien réfléchi. Je vais venir avec toi à Kinshasa…
Le sang de Jacques ne fit qu’un tour. Ému et ne sachant comment contrôler sa joie, il lança :
– Vraiment ? Tu es sûre, chérie ?
– Oui… Mais seulement pour l’inauguration pour le moment… C’est tout ce que j’ai pu obtenir. J’espère pouvoir prendre un congé sabbatique ultérieurement pour rester avec toi le temps que tu voudras.
– Je ne t’y oblige pas…
– Oui je sais. Mais je n’ai pas envie de me demander ce qu’on aurait pu devenir si on s’était laissé une chance.
Il sourit.
– Merci. C’est déjà plus que ce que j’espérais.
– Je pense rester une semaine ou deux, reprit-elle, le temps que tout se mette en place. Tu resteras sûrement bien plus longtemps.
Extraits
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