#Bande dessinée

L'assassin court toujours et autres expressions insoutenables

Frédéric Pommier

"L'assassin court toujours", "une opération escargot", "la guerre des chefs", "un appel d'air", "une signature vocale", "on n'est pas chez les Bisounours" : autant d'expressions qu'on entend à longueur de journée sans y prêter attention. Frédéric Pommier excelle à les pister, les triturer, pour révéler ce qu'elles ont d'absurde et de drôle. Chaque formule devient l'objet d'une chronique aussi fine qu'amusante. On rit avec lui de nos tics de langage, et on retrouve pour notre plus grand bonheur sa grand-mère, sa voisine au caniche abricot, sa tante Nadine ou Diane Kruger.

Par Frédéric Pommier
Chez Seuil

0 Réactions | 2 Partages

Editeur

Seuil

Genre

Humour

2

Partages

On a tous nos petites phobies. Ou nos grosses phobies.Voire nos très grosses phobies. Il y en a qui ont peur du vide et d’autres qui ont peur de l’avion. Il y en a qui ont peur de leur patron et d’autres qui ont peur de parler en public. Il y en a qui ont peur du père Fouettard, d’autres du père Noël, d’autres du Père-Lachaise.

 

Il y en a également qui ont peur de l’islam, comme Véronique Genest. « Je suis islamophobe, comme beaucoup de Français », a-t-elle déclaré sans rire dans une interview. Aujourd’hui,Véronique Genest, c’est celle qui dit tout haut ce que Nadine Morano pense tout bas. Et moi, parfois, j’ai les pétoches devant Julie Lescaut... Faut dire que les enquêtes sont tellement bien ficelées et que la comédienne est tellement habitée, j’en oublie de manger mon potage !

 

Il y en a d’ailleurs qui ont peur de manger. Et d’autres qui ont peur de vivre. D’autres encore ont peur de leur ombre. Et puis il y en a qui ont peur des petites bêtes : peur des fourmis, des araignées, peur des blattes, peur des poules. Ma cousine, par exemple, a la phobie des poules. Ça caquète et ça piaille et ça chique les mollets – elle n’aurait jamais pu travailler dans une ferme ! À cause des poules. Les vaches et les moutons, elle trouve ça très mignon, mais les poules, ça l’effraie.Autant que m’effraient les serpents. Ma phobie, c’est celle-là : j’ai une peur panique des serpents. À part en sac à main, ils me donnent des frissons dans le dos... Ce corps en forme de lasso, cette tête toute plate, ces yeux rouges et cette langue fourchue qui vient vous cracher son venin. Psitt, psitt, psitt... Les yeux, la fourche et le lasso... Suffit que j’entende le mot « serpent », je tremble ! Psitt, psitt, psitt...

 

Chaque fois que je vais voir Andromaque, de Racine – «Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » –, je sors du théâtre absolument tétanisé ! Vous me direz, par chez nous, ce n’est pas le genre d’animal que l’on croise très souvent. Dans la rue, on voit parfois des poules, des vaches et parfois des moutons, mais les serpents, c’est rare. Pourtant, dans les médias, on nous en parle souvent. Quasiment toutes les semaines, on nous parle de serpents de mer. Psitt glouglou, psitt glouglou : ça fait ce bruit-là, un serpent de mer!

 

Les exemples se ramassent à la pelle : le serpent de mer des impôts prélevés à la source, le serpent de mer du vote des étrangers aux élections locales, le serpent de mer de la dépénalisation du cannabis, le serpent de mer de la pilule pour homme, le serpent de mer de l’arrivée deVéronique Genest à la tête de l’UMP...

 

Le serpent de mer, en langage journalistique, c’est un sujet récurrent, un projet dont on discute depuis des lustres, mais dont la mise en œuvre est sans cesse repoussée. C’est un casse-tête, une question non résolue, parfois totalement impossible à résoudre, à l’instar du débat sur le sexe des anges. Et si l’on parle de serpent de mer, c’est parce que cet animal est un animal de légende, comme le monstre du Loch Ness. Un truc auquel ne croient que les illuminés.

Commenter ce livre

 

02/05/2014 251 pages 15,00 €
Scannez le code barre 9782021175714
9782021175714
© Notice établie par ORB
plus d'informations