#Roman étranger

L'enfant de la valise. Comment un petit garçon a survécu à l'enfer de Buchenwald

Bruno Apitz

Buchenwald, début 1945, la fin de la guerre est proche. Certains des 50 000 prisonniers ont créé des réseaux secrets afin de se rebeller au moment de la libération. Le quotidien du camp est bouleversé le jour où un prisonnier polonais arrive avec une valise dans laquelle se trouve un enfant de trois ans. Les hommes décident contre l'avis de leur chef de sauver le petit garçon et de le dissimuler dans leur atelier de travail. Il est pour eux comme une bouffée de liberté et d'espoir. Malheureusement, il est bientôt découvert par le SS en charge de l'atelier...

Par Bruno Apitz
Chez Editions Denoël

0 Réactions |

Genre

Littérature étrangère

Je dédie ce livre

à nos frères d’armes de toutes les nations que,

sur notre route de sacrifices,

nous avons dû abandonner au camp de Buchenwald.

Pour leur rendre honneur,

j’ai donné à de nombreux personnages de ce livre

leurs noms.

 

 

Au sommet de l’Ettersberg, les arbres ruisselaient d’humidité et se dressaient, immobiles, dans le silence qui enveloppait la montagne et la séparait de la campagne alentour. Les feuilles mortes, détrempées et malmenées par l’hiver, luisantes, jonchaient le sol.

Le printemps ne venait là qu’à reculons.

Des écriteaux, accrochés entre les arbres, semblaient d’ailleurs le mettre en garde.

« Territoire sous commandement du camp de concentration de Buchenwald. Attention, danger de mort ! Défense d’entrer, tir sans sommation. » En dessous, un signe fait d’une tête de mort et de deux os en croix.

La bruine éternelle collait également aux manteaux des cinquante SS qui, en cette fin d’après-midi de mars 1945, se tenaient sur la plate-forme bétonnée abritée de la pluie par un toit. Cette plate-forme, appelée gare de Buchenwald*, marquait le terminus de la voie ferrée qui conduisait, depuis Weimar, jusqu’au sommet de la montagne. Le camp se trouvait à proximité.

Les prisonniers faisaient leur apparition pour l’appel du soir sur la place allongée qui descendait en direction du nord. Block après block, Allemands, Russes, Polonais, Français, Juifs, Hollandais, Autrichiens, Tchèques, témoins de Jéhovah, prisonniers de droit commun… ; une foule s’étendant à perte de vue, à laquelle on donnait des ordres pour la contenir dans un carré, immense et parfait.

Aujourd’hui, de sourdes rumeurs parcouraient les prisonniers. Les Américains avaient franchi le Rhin, au niveau de Remagen.

« T’es déjà au parfum ? » demanda Runki, le doyen du block, à Herbert Bochow, son voisin du premier rang du block 38. « Ils ont dû établir une tête de pont. »

Schüpp, au deuxième rang, derrière les deux autres, s’immisça dans la confidence. « Remagen, c’est encore loin ? » Il n’eut pas de réponse. Pensif, il regardait la nuque de Bochow. Le visage constamment naïf et étonné de Schüpp, l’électricien du camp, à la bouche ronde et aux yeux de bille derrière des lunettes cerclées d’une monture noire, trahissait l’excitation que produisait cette nouvelle. D’autres prisonniers du block murmuraient également entre eux, et Runki mit fin aux bavardages d’un « attention ! » chuchoté. Les chefs de block, SS de grades subalternes, arrivèrent d’en haut et se séparèrent en direction de leurs subordonnés de chaque block. La rumeur mourut, et l’excitation disparut des visages redevenus inexpressifs.

Remagen !

C’était encore loin de la Thuringe.

Tout de même. Le front de l’ouest s’était déplacé grâce à l’offensive hivernale de l’Armée rouge, qui marchait sur l’Allemagne en passant par la Pologne.

Les visages des détenus ne laissaient rien paraître de l’excitation qui les animait.

Commenter ce livre

 

trad. Pierre Malherbet
03/04/2014 471 pages 23,50 €
Scannez le code barre 9782207116395
9782207116395
© Notice établie par ORB
plus d'informations