#Roman francophone

L'expédition de l'espoir

Javier Moro

La formidable saga de l'une des plus grandes prouesses humaines de tous les temps et de ceux qui l'ont accomplie, contre vents et marées. Le 30 novembre 1803, un bateau quitte le port de La Corogne sous mille acclamations et applaudissements. A bord, une vingtaine d'orphelins, des enfants de tous âges, qui partent avec la plus noble des missions : porter le vaccin contre la variole, à peine découvert, de l'autre côté de l'océan, en Amérique. Les accompagne la douce et maternelle Isabel Zendal, chargée de prendre soin d'eux. Les héros de cette folle expédition, dirigée par l'intransigeant médecin Francisco Javier Balmis et son généreux assistant Josep Salvany, devront affronter tempêtes et naufrages, et se heurteront à l'opposition du clergé, à la corruption des élus et à la cupidité de ceux qui cherchent à s'enrichir aux dépens des plus démunis. Aujourd'hui reconnue comme l'une des plus grandes prouesses humaines de l'Histoire, cette aventure a été portée par le courage de ces enfants, sur qui reposait la vie de tant de gens, mais aussi par l'audace de deux hommes que tout opposait, si ce n'est leur amour pour la seule femme à bord.

Par Javier Moro
Chez Robert Laffont

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Genre

Romans historiques

À Carlos, Carolina, Candela et Violeta.

À Rina Anoussi, à Francisco Gómez Bellard, in memoriam.

 

 

« Les épidémies ont eu plus d’influence que

les gouvernements dans l’évolution de notre histoire. »

George Bernard Shaw

 

« Il n’existe pas de héros dans la solitude ; les actes sublimes

sont toujours déterminés par l’enthousiasme de beaucoup. »

Éliphas Lévi

 

« La miséricorde brille davantage que la justice. »

Miguel de Cervantès, Don Quichotte

 

 

1.

La jeune fille se fraya un passage parmi les bêtes qui obstruaient l’entrée de la maison toujours plongée dans la pénombre. Outre les puanteurs habituelles d’urine, de sueur animale et de paille mouillée, elle fut alertée par un relent de mandragore. Le médecin ? s’interrogea-t-elle, surprise. On n’entendait que le souffle de la vache et le piaillement des poulets qui picoraient laborieusement le sol. Aucune voix, aucun son humain, aucun aboiement ne sortait de l’intérieur du logis la plupart du temps bourré de gens et d’animaux. C’est bizarre, pensa Isabel. Elle savait que sa mère se trouvait à l’intérieur, car elle était alitée. Elle déposa donc sur une étagère la botte de choux que son père lui avait demandé de ramasser, ôta ses sabots boueux et poussa le portail. Il y avait une odeur de fumée, d’humidité et de rance.

Elle plissa les yeux, qui mirent quelques secondes à s’adapter à l’obscurité. Le rai de lumière qui filtrait à travers une fissure dans l’un des murs lui fit découvrir, à sa grande surprise, la présence de la famille au grand complet dans cette pièce unique qui servait d’étable, de cuisine, de porcherie, de chambre à coucher, de séjour et même d’infirmerie. Sur la litière en bois remplie de paille et recouverte d’un drap d’étoupe, où ils dormaient tous ensemble, gisait sur le dos une femme qui paraissait beaucoup plus vieille que son âge. Sa mère. La Ignacia. Celle qui n’arrêtait pas de s’activer, qui encourageait les autres, qui ne se laissait pas effrayer par le froid ni la faim, celle qui semblait immortelle. Pourtant, elle avait de la fièvre depuis trois jours, des sueurs froides, des vomissements et des convulsions. Isabel eut peur quand elle découvrit des taches rouges sur son visage. Agenouillé par terre, un chapelet entre les mains, le curé, don Cayetano Maza, un gros homme aux joues écarlates, marmonnait une prière. Isabel sentit son cœur se serrer. Le prêtre n’entrait jamais chez les gens, il n’aimait se frotter ni à la misère ni à la maladie. La dernière fois qu’il était venu, c’était pour baptiser son petit frère nouveau-né, mais il était arrivé trop tard, le bébé était déjà mort.

— Maman ? prononça Isabel d’une voix tremblotante.

Elle aperçut ses petites sœurs, María et Francisca, qui pleuraient en silence. Juan, l’aîné, était absorbé dans la contemplation du corps étendu ; son père, Jacobo Zendal, un paysan noueux à la peau tannée et ridée, se tenait à côté de lui. Il leva les yeux sur sa fille ; ils étaient gonflés, fébriles.

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trad. Eduardo Jiménez
16/05/2018 443 pages 21,50 €
Scannez le code barre 9782221195611
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