#Essais

L'homme le plus dangereux d'Amérique

Bill Minutaglio, Steven L. Davis

La nuit du 12 septembre 1970, l'apôtre de la contre-culture hippie et grand manitou du LSD Timothy Leary s'évade d'une prison californienne. A Washington, la nouvelle fait l'effet d'une bombe. Le président Nixon, embourbé dans la guerre du Vietnam et cerné par les scandales, aligne les nuits sans sommeil. Les manifestations pacifistes tournent à l'émeute, des explosions retentissent partout dans le pays et des groupes radicaux menacent même la Maison-Blanche. Le président n'a dès lors plus qu'une obsession : mettre la main sur Timothy Leary, qu'il qualifie "d'homme le plus dangereux d'Amérique". Basée sur de nombreux témoignages et documents inédits, voici l'histoire d'une trépidante chasse à l'homme menée parle FBI, des USA à l'Afghanistan. Un récit déjanté où se croisent hippies défoncés, radicaux américains, aristocrates européens, trafiquants d'armes et agents secrets. Un trip délirant au coeur de la contre-culture américaine !

Par Bill Minutaglio, Steven L. Davis
Chez Nevicata

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Editeur

Nevicata

Genre

Histoire internationale

Pour Michael Horowitz et Robert Barker,
qui ont sauvegardé les archives

Pour Rosemary, Joanna,
et tous ceux qui ont partagé leurs récits

« Richard Nixon qualifiait régulièrement Timothy Leary d’homme le plus dangereux d’Amérique. »

New York Times

« Quand Nixon dit cela de moi, j’étais aux anges. Que le président des États-Unis, considéré par de nombreux Américains et le reste du monde comme un psychotique allumé et dangereux, m’appelle ainsi… C’est mon prix Nobel, mon autocollant sur le pare-chocs de la voiture, mon trophée sur l’étagère du salon. »

Timothy Leary

« Si Richard Nixon n’est pas sincère, alors il est l’homme le plus dangereux d’Amérique. »

Martin Luther King Jr.


 

Avant-propos

Il y a bien des années, l’un de nous rencontra Timothy Leary à Houston par une journée humide et pluvieuse. Il essayait alors désespérément de mettre en lumière sa vie de fugitif et ce qu’il eut à subir quand le président des États-Unis était à ses trousses.

Confortablement installé dans un fauteuil en bois grinçant dans l’un des plus vieux bars de la ville, il confia, en descendant quelques bières, qu’il n’arrivait pas à faire toute la lumière sur cette époque où le FBI et la CIA de Richard Nixon l’avaient pourchassé, le qualifiant d’« homme le plus dangereux d’Amérique ».

Dans les discussions qui suivirent, Leary se fit visionnaire, prédisant avec justesse que le monde serait connecté grâce aux ordinateurs, et que l’exploration et le voyage spatial pourraient être la norme. Mais un profond regret l’habitait. Celui de ne pas être en mesure de découvrir avant de mourir l’ampleur des révélations le concernant : comment, en peu de temps, il devint l’enjeu d’une course impliquant des révolutionnaires poseurs de bombes, des militants armés, un marchand d’armes international, des agents secrets des quatre coins du monde et le pensionnaire du Bureau ovale en personne.

Ce livre n’est pas une biographie de Timothy Leary. Il a été écrit pour révéler un pan méconnu et fascinant de l’histoire contemporaine des États-Unis, une chasse à l’homme insensée conduite à l’internationale sur vingt-huit mois.

Des milliers de sources nouvellement accessibles et inédites furent consultées : des rapports de procès, des courriers privés, des dossiers criminels, des retranscriptions de communications cryptées du gouvernement américain, des documents internes provenant de gouvernements étrangers, ainsi que des enregistrements clandestins faits à la Maison-Blanche. Des centaines de cartons remplis de dossiers à New York, en Californie, à Washington, au Texas, dans le District de Columbia, en Algérie, en Afghanistan et en Suisse, furent parfois consultés pour la première fois. Des personnages clés de la traque lancée contre Leary firent leurs premiers entretiens.

Des témoignages provenant de sources européennes inédites dévoilèrent de nouveaux détails. Des documents du FBI autrefois sous scellés, accessibles pour la première fois, furent utilisés pour établir la chronologie et les éléments de langage. Des épisodes méconnus de la cavale de Leary furent reconstitués grâce à son archiviste personnel et au conservateur de la Bibliothèque publique de New York, qui supervisa lui-même la publication de ses archives. Ce livre repose sur des sources de première main et des témoignages de proches du dossier. Les dialogues précis et les citations exactes de Leary, de Nixon et des autres protagonistes ont été utilisés quand cela était possible. Une liste complète des références est disponible sur nos sites.

À la fin, une réalité étonnante émergea. Timothy Leary et Richard Nixon étaient en fait plus proches l’un de l’autre qu’ils ne l’auraient imaginé. Ils vécurent tous deux une vie intense et remplie.

Chacun voyant la vérité comme un univers sans fin, malléable à souhait.

Chacun estimant que l’autre était responsable de la déchéance de l’Amérique.


Bill Minutaglio et Steven L. Davis

 

 

Préambule

Un sale type

23 juillet 1971

C’est le plein été à Washington, une journée étouffante. Le président Richard Nixon passe du Bureau ovale au Salon ministériel attenant. Il peut apercevoir le Jardin des Roses à l’extérieur, mais demande que les rideaux soient tirés.

Le président a l’impression d’être entouré d’ennemis. Des opposants radicaux à la guerre posent des bombes devant le Capitole et d’autres bâtiments officiels. Des militants Black Panthers ont mis sa tête à prix. Des explosions retentissent dans tout le pays, des villes sont la proie des flammes. Pour Nixon, le pire dans tout cela, ce sont les attaques des Démocrates et des médias, qui pourraient compromettre sa réélection.

Il est décidé à rendre coup pour coup, à sortir la grosse artillerie.

La Maison-Blanche finalise aujourd’hui la mise en place d’une équipe de contre-espionnage ultrasecrète, une unité d’élite composée d’hommes de confiance voués à réduire en miettes ses opposants politiques. Le président apprécie particulièrement l’un de ses responsables en chef, un ex-agent du FBI nommé G. Gordon Liddy.

Il s’assied dans un fauteuil en cuir surélevé, tandis que ses conseillers et membres du cabinet les plus fidèles prennent place un à un. Nixon est le seul à avoir connaissance des deux micros dissimulés sous la table en bois, dont les fils sont reliés à un enregistreur à l’abri dans un casier au sous-sol. Il s’enclenche à chaque parole prononcée.

Les derniers sondages le préoccupent. Malgré sa déclaration de guerre à la drogue, les Américains considèrent qu’il n’a jamais été aussi faible dans sa bataille contre ce fléau.

— On doit continuer à communiquer, on doit insister ! leur dit-il.

Nixon se fait acariâtre, rumine à voix haute contre ses opposants, comme ces Démocrates et Teddy Kennedy, qui font amis avec « les camés » – les fumeurs d’herbe. Pourquoi les gens n’arrivent-ils pas à le comprendre, à apprécier ce qu’il fait pour l’Amérique ?

— J’ai beau faire énormément… On dirait que ça ne change rien, poursuit-il de façon résignée.

Avec sa voix rauque et épaisse de Texan, le Secrétaire au Trésor John Connally avance une hypothèse. Nixon n’a pas présenté un « visage de la drogue » suffisamment précis à cibler.

— On ne vous associe pas à un protagoniste identifiable, ou à un événement précis, à quelque chose qui marque les esprits, argumente Connally.

— À un sale type ! émet Nixon soudain en alerte.

Connally explique que Nixon doit trouver un individu qui personnifiera à lui seul le problème de la drogue aux États-Unis. Quelqu’un qui sera présenté comme « la tête pensante du trafic de drogue dans ce pays » ajoute-t-il.

— Tout à fait ! répond Nixon, dont l’humeur s’éclaircit. Ça marquerait les esprits.

Des conseillers du président y vont soudain de leurs commentaires, couvrant chacun la voix de l’autre. Tout le monde s’accorde.

Nixon doit se trouver un méchant clairement identifiable, comme les célèbres parrains de la mafia Carlo Gambino ou Lucky Luciano, quelqu’un qui puisse personnifier l’ennemi.

Quelqu’un que Nixon pourra arrêter et exhiber comme un trophée.

Il faut trouver le moyen de l’identifier, dit Nixon au milieu de nouvelles éructations. Le bon contre le méchant !

Connally ajoute de sa voix rocailleuse et traînante :

— En fait, il y a bien ce type, celui qui est allé en Algérie.

Nixon et ses conseillers se mettent à scander :

— Leary, Leary, Leary… Timothy Leary, Timothy Leary !

La pièce est prise d’un rire convulsif.

Triomphal, Nixon regarde l’assemblée.

— Eh bien, nous avons toute la place nécessaire pour le recevoir en prison !

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trad. Jean-Marie Doury
18/10/2019 474 pages 22,00 €
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