#Polar

Une enquête de Milo Sturgis et Alex Delaware : L'inconnue du bar

Jonathan Kellerman

Le psychologue Alex Delaware et sa compagne Robin prennent un verre au bar du Fauborg Hotel à Los Angeles. Une ravissante jeune femme vêtue de blanc attire leur attention : elle boit martini sur martini tout en consultant fébrilement sa montre. Deux jours plus tard, Alex rejoint Milo Sturgis sur les lieux d'un crime brutal et constate avec horreur que la victime défigurée n'est autre que l'énigmatique beauté aperçue au Fauborg. L'enquête des deux compères les mène à une agence d'escort girls d'un style particulier, qui permet à des "petites chéries" de rencontrer des "papas gâteaux" sur un site lnternet. L'inconnue y figurait sous le nom de Mystery. Tout un programme...

Par Jonathan Kellerman
Chez Seuil

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Editeur

Seuil

Genre

Policiers

Celui-ci est pour Kim Hovey

Telle une crapule en cavale, Los Angeles enterre son passé. Voilà sans doute pourquoi personne ne protesta quand la sentence tomba : l’hôtel Fauborg était condamné à disparaître. J’habite une ville spécialisée dans la fabrique des illusions. Dans l’univers parallèle où règnent les sociopathes qui fabriquent des films, les relations humaines se résument aux répliques incisives, le bistouri l’emporte sur les gènes. Autrefois, L.A. comptait plus de demeures victoriennes que San Francisco, puis on a fait appel aux démolisseurs et tout le patrimoine architectural a été remplacé par des pavillons années trente, lesquels ont ensuite cédé la place à la camelote d’après-guerre, qui a été à son tour évincée par les tours-dortoirs aux cloisons si fines que le poing d’un bambin passe sans peine à travers. Les défenseurs du patrimoine tentent de contenir l’érosion, mais ils en sont réduits à se battre pour des stations-service et des motels de bric et de broc. On verse des dessous-de-table, on contourne le code de l’urbanisme et des chefs-d’œuvre tels que l’hôtel Ambassador disparaissent comme des rides injectées de Botox.

Sans rivaliser avec l’Ambassador, le Fauborg n’était pas dénué de charme. Les trois étages de sa sombre façade en brique rouge étaient nichés entre un pressing et une maison de retraite dans Crescent Drive, une rue tranquille de Beverly Hills. À deux pas des cafés pour m’as-tu-vu européens deCanon Drive et de la frénésie consumériste de Rodeo Drive – et pourtant on se serait cru dans un autre monde. Le Fauborg ne figurait dans aucun guide touristique et jouissait néanmoins d’un des meilleurs taux d’occupation de la ville. Édifié en 1949 par un certain Marcel Jabotinsky, un Français rescapé de l’Holocauste, l’édifice s’inspirait des belles demeures des films américains qui l’avaient captivé à l’adolescence. Au début, l’établissement avait été fréquenté par des émigrés du vieux continent en quête d’un lieu paisible et tranquille. Une clientèle attachée à cette quiétude discrète s’était constituée au fil des ans, mélange d’Européens nettement plus distingués que la présente génération et de quelques Américains avertis qui sacrifiaient volontiers le chic tendance et décalé pour une bonne nuit de sommeil.

Je connaissais le Fauborg car il m’arrivait de venir y prendre un verre. Situé à l’arrière, le bar était de taille modeste et sans prétention. Éclairage tamisé, lambris de planches de chêne débitées sur mailles, médiocres paysages de l’école de Barbizon. L’octogénaire bossu qui officiait derrière le comptoir concoctait l’un des meilleurs side-cars de Los Angeles, un cocktail que Robin apprécie. Divers pianistes, pour la plupart des musiciens de studio à la retraite, se relayaient au Steinway de concert disposé dans un angle, mais la musique n’interférait jamais avec le plaisant bourdonnement des conversations et le tintement harmonieux des verres en cristal. Le personnel se montrait attentif mais discret, les amuse-gueules étaient corrects et l’on en ressortait en se sentant de nouveau civilisé. Robin et moi y avons passé bien des dimanches soir, installés dans un box du fond sur une banquette au cuir craquelé, main dans la main, à grignoter des crackers au fromage en appréciant des airs de Gershwin.

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trad. Frédéric Grellier
17/04/2014 369 pages 19,90 €
Scannez le code barre 9782021061321
9782021061321
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