Nuit d’encre et d’insomnie
Rien ne sert de courir, il faut dormir à point. Sauf que moi, je ne dors pas. Il est quatre heures d’un matin qui désormais ne ressemblera plus à aucun autre matin. J’en ai le monde qui s’affole ! Sous mes pas, le sol se dérobe et des alarmes vacarment à l’infini de mes peurs. Il est quatre heures d’un matin quand des orages incendient mes féminitudes menacées. Ces crampes douloureuses, régulières, reptiliennes, montent du tréfonds de mon ventre, annonciatrices de terribles angoisses. Elles rythment les heures qui ne mesurent plus le temps de la même façon qu’avant. J’ai mal à l’abdomen. J’ai mal au cœur. Je crois que je vais vomir, moi qui garde toujours tout à l’intérieur.
Sur le pont de la nuit, c’est le branle-bas de combat. Je n’ai pas fermé l’œil. La nuit boude mes contours ouverts à toutes les inquiétudes. Je n’aime pas les insomnies. Je n’aime pas les vertiges invalidants des ténèbres. D’ordinaire, je n’ai aucun mal à m’envelopper de ses drapés délicats, à m’y attarder de longues heures réparatrices. D’ordinaire, le sommeil m’offre un refuge. Je ne suis jamais saturée de ses heures longues, paresseuses. Dans les draps de ses bras, j’oublie tout. Surtout ce qui égratigne les sens. Pour l’heure, ce n’est pas le cas. Morphée me fait la gueule. Le marchand de sable ne semble pas non plus succomber à mon charme. J’ai mis – en vain – tous les atouts de mon côté : la peau parfumée, je porte une nuisette taupe, du même genre que celle qui produisait un effet non dissimulé chez Lamine, mon dernier amoureux. Il y a si longtemps, une éternité silencieuse. Lamine ! Cet amant-là ne s’est attardé sur mes courbes éveillées à notre tendresse que le temps de quelques insomnies volontaires. Ce temps n’a pas pu s’inscrire dans la durée. Il n’a pas eu le temps de décliner la gamme des couleurs de mes vêtements de nuit. Dommage ! J’avais en réserve l’une ou l’autre perle de satin à opposer à ses désirs. Mais si l’homme voulait de moi, il ne prescrivait pas de s’encombrer de mes valises. Mes enfants le dérangeaient. Ils le renvoyaient à l’espace temporel qu’il devait partager. Lamine n’était pas enclin à la répartition du temps et des rôles. N’en parlons plus.
La nuit n’a cure de ma peau soyeuse. La nocturne étire son impertinence jusque sous mes tissus froissés. Je m’ennuie au creux de ce lit qui n’abrite plus mes périples accompagnés ni mes exils solitaires. Je m’isole sur cette couche qui ne permet même plus l’ébauche d’un simple assoupissement. Je suis agitée, nerveuse. Comme égarée dans le labyrinthe de mes affolements existentiels. J’ai peur, anéantie par le choc d’une collision frontale avec un engin fantôme sur une voie rapide. Les mots manquent de reliefs. Je souffre d’une carence subite en vocabulaire adapté. Je suffoque, dévastée par les répliques sismiques d’une nouvelle que je n’attendais pas. Ce n’est pas tous les jours que la vie se prend les pieds dans le tapis d’un effroyable constat. Tant mieux ! On n’y survivrait pas.
Extraits
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