#Roman francophone

La Ballade de l'enfant gris

Baptiste Beaulieu

C'est l'histoire de Jo', jeune interne en pédiatrie à la personnalité fantasque, à qui tout sourit. C'est l'histoire de No', un petit garçon de sept ans attachant et joueur, qui est atteint d'un mal incurable et ne comprend pas pourquoi sa maman ne vient pas plus souvent le voir à l'hôpital. C'est l'histoire de Maria, une mère secrète, qui disparaît à l'autre bout du monde au lieu de rester au chevet de son fils. Un matin, dans la chambre de l'enfant, survient un drame qui lie à jamais le destin de ces trois êtres. Jo' devra tout quitter pour partir sur les traces de Maria et percer ses mystères. Inspiré par le choc ressenti lors de la disparition de l'un de ses jeunes patients, l'auteur livre une quête initiatique et poétique, semée de recoins obscurs qui s'illuminent. Un magnifique troisième roman, porté par des personnages profondément humains.

Par Baptiste Beaulieu
Chez Editions Mazarine

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Genre

Littérature française

À Augustin, mon enfant gris.

À ma mère, et celles des autres.

 

 

Tous les Crétois sont des menteurs.

Épiménide le Crétois

 

Parle tout bas, si c’est d’amour,

Au bord des tombes.

Paul-Jean Toulet

 

 

Le jour de la Déchirure


Le nombre total d’étoiles dans l’univers tombe-t-il pair ou impair ? Jonas ne savait pas, mais la question lui paraissait importante.

Dimanche, 9 h 54, grande banlieue de Paris. Le brillant étudiant en médecine de vingt-quatre ans observait le ciel nocturne peint dans la cabine d’ascenseur quand une secousse le sortit de sa rêverie. Il y était. Septième étage. Pédiatrie. Ça sentait toujours pareil, ici : antiseptique répandu sur le sol et urine froide. Il aimait ça, Jo’, c’était comme si l’odeur avait une vieille voix – une de ces voix à mâchonner des clopes plutôt qu’à les fumer – et qu’elle lui chuchotait : « Hey, hey, gamin ! Ici on sauve des vies ! »

À 9 h 58, Jo’ poussa mollement la porte du service quand son téléphone vibra. Sa mère lui annonça la nouvelle qui le fit vaciller. Il promit d’arriver au plus tôt, puis raccrocha. Il tremblait.

Il était alors 10 h 02. À quelques mètres de la chambre 33, il se baissa pour boire à la fontaine à eau dans le couloir, heurta le robinet.

« Fais pas ta chochotte ! » se gronda-t-il, une main posée sur son front qui saignait, l’autre sur la poignée de porte.

Chambre 33…

Aurait-il su ce qui l’attendait dans cette pièce que Jo’ aurait immédiatement fait demi-tour et pris ses jambes à son cou. Car le destin avait décidé qu’il n’arriverait pas à temps pour soutenir sa mère : il resterait dans cet hôpital toute une journée et toute une nuit, et ne le quitterait que le lendemain matin, deux heures avant les lueurs de l’aube, éreinté, l’âme vieillie.

À 10 h 04, Jo’ entra dans la chambre 33, vit Maria Tulith et son enfant de sept ans, allongé sur le lit.

À 10 h 10, il se produisit entre eux ce que Jonas appellerait la « Déchirure ». Toute sa vie, il y aurait un avant et un après cette Déchirure.

À cause d’elle, il partit en voyage, par-dessus les montagnes puis au-delà des mers, jusqu’au bout du monde, pour réinventer sa vie et trouver la vérité.

Avec le fantôme de l’enfant.

 

 

Première partie


La porte magique

 

 

Après la Déchirure


Jo’


Avant l’irruption de l’enfant gris dans ma vie, celle-ci semblait parfaite.

Quand je pense au jour de ma naissance, par exemple, j’imagine un chérubin joufflu et rose jaillir du giron maternel. Il serre entre de petites mains potelées un ciseau en or prêt à couper, tendu entre les genoux de sa maman, le ruban d’inauguration de la longue fête que sera son existence jusqu’à la Déchirure.

Mon enfance a été paisible, sans heurt ni violence. J’ai été choyé par deux grandes sœurs très douces et une mère bienveillante. Toutes m’ont appris à aimer le beau, chercher le vrai et refuser l’injustice.

Je suis plutôt grand (la taille qui plaît aux femmes, et donc la seule qui vaille ici-bas). Au collège avant que mon corps ne se charpente, j’ai été élu « plus belle fille de troisième », ce qui était cruel, mais moins que le sort réservé à Laure, une camarade qui pleura en décrochant le titre, peu enviable, de « plus moche garçon du collège ». Mon visage rappelle celui de ma mère, avec des mâchoires plus fortes. Ma mère est belle, je suis beau. Les yeux verts. Des fossettes profondes, grâce auxquelles toutes mes phrases ont l’air de plaisanteries entre guillemets. Une mélancolie charmante appuie sur mes épaules voûtées ; ce n’est pas grave, car j’ai des épaules larges et cela plaît aussi.

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28/09/2016 416 pages 18,00 €
Scannez le code barre 9782863744444
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