#Essais

La CIA en France. 60 ans d'ingérence dans les affaires françaises

Frédéric Charpier

Depuis sa création en 1947, la CIA n'a cessé d'intervenir en France. Pendant soixante ans, des dizaines d'agents américains, agissant le plus souvent sous couverture officielle, ont mené dans l'hexagone d'innombrables opérations clandestines, infiltrant, finançant et manipulant des syndicats, des partis politiques, des fondations, des instituts, des agences de presse. des journaux ou encore des associations culturelles. La CIA est parvenue à pénétrer la haute administration, le monde universitaire et intellectuel, et à surveiller étroitement la recherche nucléaire et aéronautique française. Aujourd'hui, la CIA poursuit ses activités, plus discrètement, dans le domaine de l'espionnage industriel. Après une longue et délicate enquête. menée dans les coulisses du renseignement français et américain, La CIA en France lève le voile sur ce tabou que constitue l'intervention clandestine des Etats-Unis dans l'hexagone. Nourrie de témoignages inédits et d'archives officielles, ce livre retrace plus d'un demi-siècle d'opérations secrètes et met en scène les acteurs de cette politique ininterrompue d'ingérence.

Par Frédéric Charpier
Chez Seuil

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Editeur

Seuil

Genre

Sciences politiques

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De l’OSS à la CIA

 

L’OSS

 

 

L’existence de l’OSS est officialisée en juin 1942, lorsque Franklin Delano Roosevelt ratifie son acte de création, quelques mois après l’attaque de Pearl Harbor et l’entrée en guerre des États-Unis. Dirigé par l’avocat d’affaires et général de brigade William Bill Donovan, l’OSS est officiellement chargé, le 13 juin 1942, d’une double mission auprès du président Roosevelt et des chefs d’état-major de l’armée américaine : recueillir partout dans le monde des renseignements et mener des opérations clandestines. L’organisation va s’acquitter de ces tâches au-delà des espérances, en innovant à peu près dans tous les domaines du renseignement, de l’action clandestine et de la propagande, en faisant souvent preuve d’une audace et d’une ingéniosité sans limite. Par principe, l’OSS n’a jamais écarté une idée, si saugrenue soit-elle ! Ainsi William Donovan songea à harnacher des chauves-souris de bombes incendiaires destinées à être larguées sur les villes japonaises. Il valida un autre plan, tout aussi osé, dont l’objectif consistait à ternir l’image d’Adolf Hitler, en provoquant la chute de sa moustache et en l’affligeant de la voix de soprano d’un jeune garçon avant la mue. Pour cela, le Führer devait ingérer une certaine quantité d’hormones féminines. Afin de réaliser ce plan, qui, en cas de réussite, l’aurait obligé à se cacher et à se taire, l’OSS décida d’envoyer à Berchtesgaden un « jardinier » muni des doses nécessaires d’hormones pour contaminer les légumes du potager personnel de Hitler, dont nul n’ignorait alors le végétarisme militant. Finalement, l’agent spécial que l’OSS avait dépêché au nid d’aigle de Hitler n’accomplit pas sa mission et ne reparut jamais devant ses chefs1. Il semble s’être volatilisé avec une confortable somme d’argent.

Au cours de sa brève existence, l’OSS a rodé et expérimenté de nouvelles méthodes, mais aussi tissé une fabuleuse toile relationnelle dans des milieux aussi variés que ceux de la presse, de la littérature, du syndicalisme, de la Résistance, de la politique, des affaires, de la publicité, de l’université et, bien sûr, du renseignement. N’est-ce pas au fond le propre d’un service de disposer d’agents dans tous les milieux ? À la fin de l’année 1944, l’OSS forme une armée hétéroclite et cosmopolite de douze mille agents, dans laquelle servent aussi bien des avocats d’affaires, des PDG, un lutteur de foire et un jockey. Sorte de Légion étrangère bigarrée, elle recrute des Américains, des Turcs, des Français, des Lituaniens, des Allemands, des prêtres, des francs-maçons, des libertaires et des anciens des Brigades internationales. Dans la lutte antinazie, l’OSS et son chef Donovan ne reculent devant aucune alliance et font flèche de tout bois. Se sont pris dans les filets de l’OSS un nombre non négligeable de syndicalistes, de marxistes ou d’anciens trotskistes, et le service a même collaboré avec son homologue soviétique, certes avec prudence et circonspection2. En 1944, peu après la libération de Paris, l’OSS installe son QG sur les Champs-Élysées au-dessous du célèbre dancing le Mimi-Pinson, à quelques encablures d’un des mess les plus prisés des soldats américains, alors situé rue de Berri, périmètre dans lequel se concentrent nombre d’agents de renseignement le plus souvent logés à l’hôtel California. Mais ses troupes ne s’attardent pas et migrent vers l’Allemagne, l’Autriche ou les Balkans, jusqu’à la reddition du régime hitlérien en mai 1945. Un des chefs de l’OSS, Allen Dulles, basé en Suisse, à Berne, depuis la fin 1942, a supervisé les négociations secrètes avec une fraction de l’état-major allemand3, tandis qu’un autre agent de l’OSS s’est employé à l’automne 1943 à retourner une partie de l’armée et du gouvernement italiens. L’OSS ne se contente pas des prérogatives d’un simple 2e Bureau. Il se mêle au jeu politique. Et, à l’image de son modèle anglais, l’IS, il s’efforce d’être un acteur de la diplomatie secrète.

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10/01/2008 364 pages 21,30 €
Scannez le code barre 9782020818810
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