Préface
L’histoire de la cardiologie est bien connue et il y a eu d’excellents ouvrages pour en raconter tous les détails. Alors pourquoi un de plus ? D’abord parce qu’il existe plusieurs façons de relater la même histoire, et puis, pour le dire à la manière surréaliste de Magritte, parce que ce livre n’est pas un livre sur l’histoire de la cardiologie. Son propos est d’en présenter la face cachée et d’en explorer les coulisses – qui sont communes à toutes les découvertes –, c’est-à-dire le contexte historique dans lequel la pensée médicale et scientifique a évolué. Ce travail se veut donc une réflexion sur les causes qui contribuent au développement ou à la régression de la science, à partir d’un exemple : la découverte de la circulation sanguine, d’où est née la cardiologie.
Cette histoire offre une occasion d’analyser les facteurs qui ont influé sur la science. Les questionnements sur le système cardiovasculaire commencent avec les premiers balbutiements de la science pour aboutir, à notre époque, à l’amélioration spectaculaire du pronostic des maladies cardiovasculaires. Ces résultats obtenus en cardiologie valident le chemin suivi depuis l’Antiquité. Comme l’écrivait Kant : « On juge bientôt par le résultat si l’on a suivi ou non la route sûre de la science . »
Cette « route sûre de la science » n’est pas spécifique à la cardiologie mais commune à plusieurs disciplines. L’astronomie, par exemple, a connu une histoire parallèle et similaire. Les deux sciences sont apparues chez les pythagoriciens au VIe siècle av. J.-C. et ont connu le même blocage : Ptolémée a imposé pendant des siècles ses idées fausses sur le soleil tournant autour de la terre. Galien a joué le même rôle négatif, décrivant une circulation sanguine fantaisiste et un septum interventriculaire perméable.
À la période arabe, Nasîr al-Dîn al-Tûsî, de l’école de Marâgha, propose un système astronomique différent de celui de Ptolémée, système repris en partie par Copernic. De son côté, son contemporain Ibn al-Nafis corrige Galien et décrit correctement la petite circulation sanguine.
En 1543, Copernic publie son livre De revolutionibus orbium caelestium où il conteste Ptolémée et développe ses théories sur l’héliocentrisme . La même année, Vésale publie la Fabrica, corrige plusieurs erreurs de Galien et bouleverse l’étude de l’anatomie, annonçant la description de la petite circulation.
Le XVIIe siècle voit la description en Angleterre à la fois de la grande circulation sanguine par Harvey et des lois de la gravitation par Newton. On observe une sorte de déblocage brutal de la pensée scientifique occidentale aux XVIe-XVIIe siècles, ouvrant la voie aux grandes découvertes qui se multiplieront au cours des siècles suivants.
Notre époque a su transformer ces connaissances abstraites en un savoir-faire pratique qui se traduit pour la cardiologie par un recul de la mort et de la maladie, et pour l’astronomie par la conquête spatiale. Ces résultats, inconcevables par les plus grands savants de jadis, sont l’aboutissement de 2 500 ans d’évolution de la pensée scientifique et médicale.
Extraits
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