Introduction
TABLEAU PHYSIQUE ET MORAL DE LA FRANCE
La jeunesse de ce temps n’a été la jeunesse d’aucune époque : elle s’est rencontrée entre les souvenirs de l’Empire et les souvenirs de l’émigration, entre les vieilles traditions de la cour et les études consciencieuses de la bourgeoisie, entre la religion et les bals costumés…
Honoré de Balzac, Ferragus, chef des dévorants, 1833
La Restauration est une période trop négligée de l’histoire de France. Réduite à quelques lignes dans les programmes des collèges et lycées, elle a fini par disparaître, ou presque, de la culture générale, et cela depuis au moins une génération(1). Ce discrédit n’est pas aussi marqué à l’université où, depuis un siècle, la Restauration n’a pas manqué d’historiens majeurs parmi lesquels C. H. Pouthas, P. Bastid, F. Ponteil, J. Vidalenc, G. de Bertier de Sauvigny, M. Agulhon, E. Lever, E. de Waresquiel… En fait, la Restauration souffre du voisinage de la Révolution et de l’Empire, de ce quart de siècle décisif qui a infléchi durablement le cours de l’histoire européenne et même du monde. La Restauration conclut et cherche même à éloigner toute une modernité radicale. Le retour des Bourbons engage la France dans un processus de repli, le temps pour elle de reprendre des forces.
Ramené à 86 départements, à ses frontières de 1792 puis à celles de 1790 (le second traité de Paris lui retire Philippeville, Marienbourg, Bouillon, Sarrelouis, Sarrebruck, Landau et la Savoie), le royaume de France doit payer le prix des défaites de l’« usurpateur » : trois ans d’occupation – 1 236 000 hommes, Prussiens, Autrichiens, Russes, Anglais, Bavarois, Piémontais, Suisses, répartis sur tout le territoire(2) – de lourdes indemnités qu’il a fallu régler en sollicitant des banquiers étrangers. Une charge telle et si promptement payée qu’elle montrait d’ailleurs que la France conservait, dans ses profondeurs, des forces et des ressources inestimables. Pourtant, le « tableau physique et moral » du pays apparaît plutôt déprimant(3). À la langueur démographique et économique viennent s’ajouter des pesanteurs sociales qui le maintiennent dans les basses eaux.
En bref, le rythme démographique : de 29 millions d’habitants au recensement de 1806 (chiffres arrondis), on passe à 30,5 millions en 1821. Tout le passif des guerres de la Révolution et de l’Empire qui ont fauché 1,25 million d’individus, en écrasante majorité des hommes. Un manque à vivre qui peu à peu se corrige puisque la population passe à 32,6 millions d’habitants en 1831, sans migrations particulières. Il reste que l’Europe du Nord-Ouest, l’Allemagne vont désormais plus vite.
Cette population est jeune. En 1826, 67 % des Français ont moins de quarante ans. Les aînés, ceux qui ont connu l’Ancien Régime disparaissent ; les acteurs de l’épisode révolutionnaire sont moins nombreux, moins actifs et tout ce recul se lit au sein du corps électoral défini par la loi électorale après 1815.
Extraits
Commenter ce livre