LA FACULTÉ DE HARPE EST AMOUREUSE
Ce matin-là, Josephine Stanislowski est en train de ranger en pleurant les vêtements d’hiver dans un grand carton destiné au grenier quand son amie et voisine Ruthie lui téléphone à propos de la soirée surprise qu’elle donne en l’honneur de son mari Andrew, nouvellement diplômé de l’université. Cette fête, Josephine a plusieurs semaines plus tôt aidé à la préparer avec enthousiasme. « Ah, oui, mince, on est vendredi aujourd’hui, laisse-t-elle échapper avant d’avoir pu s’en empêcher. C’est vrai.
— Tu n’avais pas oublié.
— J’ai perdu le fil des jours, Ruthie. Désolée.
— Est-ce que ça va ? On dirait que tu viens de pleurer.
— J’ai mangé un sandwich à l’œuf et au poivre, répond Josephine, aussitôt dégoûtée par son mensonge. C’est pour ça que j’ai le nez qui coule.
— T’as une voix atroce. »
Ruthie l’émotive, la volubile, ne connaît de la situation de Josephine que les grandes lignes — lundi, après une scène terrible, John Stanislowski est parti s’installer dans son petit studio en ville, l’appartement donnant sur le fleuve où avant il vivait et travaillait ; il dit que c’est fini entre eux. À Ruthie, Josephine a expliqué qu’il s’agissait d’un changement provisoire, pour qu’il puisse se consacrer à sa nouvelle composition.
« Le gâteau n’est pas prêt, continue Ruthie. Et cet idiot, il vient de m’appeler pour m’annoncer qu’il finit une heure plus tôt.
— Aïe, parvient à répondre Josephine de façon automatique.
— J’aurai jamais tout installé à temps, ça chamboule tout et c’est impossible de prévenir tout le monde, continue Ruthie. Mais il va passer devant chez toi. Tu crois que tu pourrais le retenir un moment pour moi ? » Depuis l’université, il faut un quart d’heure de marche.
Elles savent toutes les deux qu’il s’arrêtera en chemin pour acheter un litre de bière à la petite épicerie coréenne, comme il le fait tous les jours. Donc : vingt minutes.
« Je... Je ferai semblant d’avoir besoin d’aide, lâche finalement Josephine. Est-ce qu’on se donne un signal pour quand tu seras prête ?
— On n’a qu’à dire que je t’appellerai. Et débrouille-toi pour qu’il se doute de rien. Trouve une bonne idée.
— C’est tout trouvé. J’ai un gros carton de vêtements assez lourd à monter au grenier.
— Tu ranges ses vêtements ?
— Les vêtements d’hiver. Je fais ça tous les ans.
— Il ne viendra probablement pas à la fête.
— Si, il a dit qu’il viendrait peut-être.
— Ça compterait beaucoup pour moi. »
Josephine marque un temps avant de dire : « Appelle-moi quand tu seras prête. »
Elles discutent un petit moment de comment Ruthie aimerait que les choses se passent, et Josephine s’entend réagir comme si elle se sentait encore concernée. Elle réussit à trouver la force d’articuler : « Ça sera parfait, Ruthie.
— Tu me rassures toujours, toi », lui dit Ruthie.
Extraits
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