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La main gauche. [nouvelles

Guy de Maupassant

"Et je voyais que tous avaient été les bourreaux de leurs proches, haineux, déshonnêtes, hypocrites, menteurs, fourbes, calomniateurs, envieux, qu'ils avaient volé, trompé, accompli tous les actes honteux, tous les actes abominables, ces bons pères, ces épouses fidèles, ces fils dévoués, ces jeunes filles chastes, ces commerçants probes, ces hommes et ces femmes dits irréprochables. Ils écrivaient tous en même temps, sur le seuil de leur demeure éternelle, la cruelle, terrible et sainte vérité que tout le monde ignore ou feint d'ignorer sur la terre". (Extrait de La Morte).

Par Guy de Maupassant
Chez Editions Gallimard

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Genre

Littérature française (poches)



 

 

 

 

PRÉFACE

 

 

La Main gauche est l'avant-demier recueil publié du vivant de Maupassant. Il parut chez Ollendorff à la fin de mars 1889 ; il contenait des récits parus en journal entre mai 1887 (« La Morte ») et le 15 mars 1889 (« Le Port »). Cette dernière date indique assez avec quelle hâte Maupassant fit fabriquer le recueil : une hâte qui est caractéristique de l'état mental dans lequel il se trouvait. Se sentant de plus en plus menacé par les événements de sa vie privée, de plus en plus atteint aussi par la maladie, Maupassant devinait que les jours étaient comptés pour sa création. De fait, à partir de 1890, elle est allée en diminuant.

Aussi La Main gauche fait-elle partie des œuvres que Maupassant, avec une fécondité extraordinaire, elle-même preuve d'une hyperactivité névrotique, accumule durant ces ultimes années : en 1888, Pierre et Jean, Sur l'eau, Le Rosier de Madame Husson ; en 1889, La Main gauche, puis, en mai, Fort comme la mort, roman qu'il a donc préparé en même temps qu'il écrivait les récits de notre recueil. La fin de l'année est marquée par la composition de La Vie errante, dont la publication en journal commence au début de janvier 1890. Ajoutons que plusieurs des textes qui ont composé le dernier recueil de récits paru du vivant de Maupassant, L'Inutile Beauté, ont paru en journal en 1888 et 1889. On mesure la fièvre dans laquelle vivait l'écrivain.

Pour bien comprendre les récits de La Main gauche, ces circonstances sont importantes. Maupassant souffre de plus en plus de sa maladie, causée par un tempérament névrotique héréditaire sur lequel s'est greffée une syphilis mal soignée. Si les symptômes s'en sont manifestés dès 1880, ils vont s'aggravant : depuis 1884, il a des hallucinations passagères, des troubles de la vue, l'impression d'être suivi. Il passe de plus en plus par des alternances d'excitation et de stérilité mentale. En septembre 1888, il écrit à Mme Straus qu'il se trouve « dans un état de souffrance constant », que ses migraines ne le quittent plus1Ce qui exacerbe son impression d'être menacé par la folie, c'est l'état de son frère Hervé, dont le déséquilibre est devenu patent dès l'été 1887, et s'est révélé de plus en plus dangereux durant l'année 1888. Maupassant organise pour lui des consultations, vit de terribles épisodes auprès de lui et de leur mère. L'internement sera jugé indispensable durant l'été 1889. Déjà hanté par la névrose et par la mort, Maupassant voit donc se développer, tout proche, une sorte de double affreux.

 

On ne dira jamais assez cependant combien l'explication de l'œuvre de Maupassant par sa névrose est réductrice ; la preuve en est donnée ici même : son frère Hervé, élevé tout comme lui, malade mental lui aussi, n'a nullement été, lui, un écrivain. Tant que Maupassant a pu écrire, il a même fermement dominé au contraire les troubles de son esprit. Et, contrairement à une idée reçue qui ne tient pas à l'examen, plus il a craint la venue d'un irrémédiable désordre, moins il a écrit de contes fantastiques, comme pour mieux se garder de l'avenir. Les récits de l'étrange diminuent en nombre dans son œuvre à partir de 1886, et deviennent rares dans les derniers temps de la vie consciente de l'écrivain : « La Nuit2 », « Qui sait ?3 ». Pour La Main gauche, on peut dire que le recueil en est dépourvu : le réveil des morts évoqué dans « La Morte » est plutôt destiné à illustrer une idée morale qu'à instaurer une inquiétante étrangeté, dont nous, lecteurs, ne ressentons ici nullement le malaise. On peut en dire autant de « L'Endormeuse ». Ce récit, paru en septembre 1889, a été ajouté au recueil après la disparition de Maupassant, et ajouté à juste titre, dans la mesure où il révèle comme beaucoup de ses voisins une obsession de la mort, voire une fascination pour elle.

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23/06/1999 218 pages 6,30 €
Scannez le code barre 9782070402311
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