#Roman francophone

La Patience des buffles sous la pluie

David Thomas

Une succession de voix d'hommes et de femmes de tous âges. Précis de la vie quotidienne ou dramatique, ces 73 textes sont des petits croquis de gens plus moins ordinaires aux prises avec leurs doutes, leurs convictions, leurs failles, leurs forces et leurs petitesses. Dans chacun de ces polaroïds, les personnages s'expriment avec leur propre langage. Certains avec familiarité, d'autres avec retenue, ou encore naïveté, mauvaise foi ou élégance. C'est parfois drôle, parfois un peu moins. Il y est souvent question d'amour , de désamour, d'ennui ou de bonheur de la vie conjugale, mais aussi de ces moments insignifiants de l'existence qui nous révèlent autant que les grands rendez-vous. Les joies côtoient les peines, les vérités redressent les apparences, on se ment ou se livre sans pudeur comme on le ferait à un inconnu dont on se moque du jugement. On dit le faux pour adoucir le vrai, on hurle le vrai, fatigué par le faux, on fuit, on se repent, on ironise, on supplie, on se fâche, bref, on tente simplement de rester vivant. Et ce, autant dans le rire que dans l'amertume.

Par David Thomas
Chez Bernard Pascuito (Editeur)

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Genre

Littérature française

Je me demande parfois ce que je serais devenu si j'avais vécu d'autres choses que celles que j'ai vécues jusqu'à aujourd'hui.

Où en serais-je si je n'avais pas entrepris ce long voyage au Laos à vingt ans. Verrais-je la vie de la même façon si j'avais été luthier plutôt que cadre et habité un autre quartier ou une autre ville qu'ici ? Aurais-je le même jugement si je n'avais pas eu d'enfants, si je n'avais pas aimé cette femme et si nous avions divorcé ?

Serais-je le même homme si je n'avais pas passé deux jours avec ce Navajo, si je n'avais pas vu ce jongleur danser torse nu dans un cirque ou entendu cette saeta accueillir une Vierge de bois par une nuit de pleine lune dans le quartier juif de Séville ?

 

Si je n'avais pas ressenti ce délicieux malaise en lisant mes premières pages d'Henry Miller, si cette gamine ne m'avait pas annoncé qu'avant de prendre le train elle venait de tuer sa mère à bout portant avec un .44 Magnum ? Serais-je un autre si j'éprou­vais pour une sculpture de Praxitèle la même émo­tion que pour la petite Jeanne de France de Biaise Cendrars, et, pour les hommes, la même phobie que pour les rats ?

Il peut paraître vain de s'interroger sur de telles considérations, je connais beaucoup de gens qui balayeraient ce genre de questions d'un revers de manche. Je ne peux m'empêcher de penser réguliè­rement à cela. Quels bonheurs m'ont glissé entre les doigts, quels drames ai-je effleurés sans prendre conscience des conséquences qu'ils auraient pu avoir? Pourtant, jamais je ne tente d'imaginer, de visualiser, ce que j'aurais pu devenir, je ne tiens pas à assumer d'autres vies que celle qui m'est bien réelle.

Je me demande souvent ce que je serais devenu si ma vie ne s'était pas meublée de toutes ces petites choses auxquelles je me suis attaché et de toutes celles que j'ai négligées. Je me demande souvent qui mène la danse. Si c'est ma vie qui fait de moi ce que je suis ou si c'est moi qui fait de ma vie ce qu'elle est.

 

 

Perdu

 

J'ai perdu ma femme parce que j'ai perdu ma libido. J'ai perdu ma maison parce qu'elle était au nom de ma femme et qu'elle m'a foutu dehors. J'ai perdu dix ans de ma vie parce que j'aurais jamais dû épouser cette salope. J'ai perdu mon boulot parce que j'ai perdu ma femme et ma maison et que je devenais complètement chèvre. J'ai perdu ma voi­ture parce que j'ai perdu mon boulot et que j'avais besoin d'argent. J'ai perdu mes papiers parce que j'ai pris une énorme cuite et que je ne sais plus ce que j'ai fait. Et j'ai perdu les derniers billets qui me restaient parce que j'ai joué au PMU. J'ai misé sur un outsider, Où va-t-il il s'appelait, il était à vingt-sept contre un, j'aurais pu me refaire et repartir du bon pied, mais bon, il a perdu, ce con.

 

 

Slip

 

Tu sais quoi? Je crois qu'il va falloir inventer une façon plus sexy de mettre son slip. Parce que de te voir tous les matins plié en deux, les bras qui pendouillent et les jambes qui visent le trou, fran­chement, ça va pas. Ça colle pas avec ton image d'homme élégant. Ça casse quelque chose. Alors, je sais pas, débrouille-toi comme tu veux, mais trouve une autre façon d'enfiler ton slip.

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05/02/2009 154 pages 16,95 €
Scannez le code barre 9782350850672
9782350850672
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