#Polar

La vieille qui voulait tuer le bon dieu

Nadine Monfils

Mémé Cornemuse, fan d'Annie Cordy et de Jean-Claude Van Damme, est une vieille bique, entre Ma Dalton et Carmen Cru, à la sauce belge. Elle a trouvé un emploi de concierge dans un immeuble foutraque…où son arrivée va déclencher des horreurs rocambolesques. Ce soir-là, Ginette, une des locataires, gaga de Lady Di, s'envoie en l'air dans un parking et trompe son mari pour la première fois. L'extase est de courte durée ! De retour chez elle, elle découvre le cocu en kit dans son plumard. Ses mains ont été coupées et son zizi est rangé au frigidaire. Panique à bord ! Ginette va mener son enquête tandis que mémé Cornemuse prépare un casse dans la bijouterie d'à côté, avec un ancien braqueur qu'elle héberge dans la cave. Elle fait les repérages et lui, il creuse…Un événement imprévu, l'arrivée d'une criminelle hébergée au couvent d'en face, va bouleverser leurs plans…

Par Nadine Monfils
Chez Belfond

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Editeur

Belfond

Genre

Policiers

1

 

 

 

Ce jour-là, le soleil avait dénoué son écharpe et inondait Pandore de ses rayons dorés. L’après-midi touchait à sa fin et il faisait une chaleur à cuire un œuf sur le dos d’un pitbull. Ginette Plouf (elle avait tenu à conserver son nom de jeune fille) s’arrêta pour souffler et déposer son sac rempli de canettes de bière. Tous les vendredis, après son boulot, elle se coltinait les boissons pour le week-end, et ce, pour la simple raison que l’unique troquet de son quartier affichait CLOSED du samedi au lundi matin. Depuis que Roger, le patron, avait eu un Japonais égaré dans son boui-boui, il se la pétait English et avait appris deux mots en dehors de « closed » :

« Hello ! » et « Tank you very mouche », comme il disait, persuadé d’avoir l’accent.

Ginette était femme de ménage dans une entreprise de pompes funèbres. Elle se présentait à qui voulait l’entendre comme « technicienne de surface », ce qui à ses yeux était plus gratifiant et imposait le respect. À Pandore, ville qui ne se trouve sur aucune carte et qui pourtant existe bel et bien, tout est un peu bizarre… L’entreprise de pompes funèbres employait pas mal de monde et fonctionnait selon une méthode piquée aux Américains et légèrement améliorée. Les morts étaient traités en stars. On les asseyait dans des fauteuils de Premier ministre, face à un miroir orné d’ampoules, et une maquilleuse leur faisait tout le tralala, du make-up au rouge à lèvres flashy assorti de faux cils pour les dames. Puis ils étaient confiés à la coiffeuse, qui leur enroulait des bigoudis, les gratifiait d’un brushing monté en choucroute à la Amy Winehouse ou, selon l’état de la toiture, se rabattait sur une perruque pour les femmes et une moumoute pour les hommes. On passait ensuite à l’habillage, en suivant les volontés du défunt. Il n’était pas rare de voir la vieille tante en minijupe ou le pépé en bermuda. Chacun avait droit à son dernier fantasme. Le point final consistait à photographier le macchabée en compagnie de sa vedette préférée, montage effectué grâce à Photoshop, merci la technologie.

Tel était le quotidien de Ginette. Pour le reste, elle vivait depuis dix ans avec Marcel, qu’elle avait épousé pour ses bacchantes et sa bagnole de m’as-tu-vu, un cabriolet jaune canari dont il s’était débarrassé aussitôt après leur mariage, prétextant que c’était « trop voyant ». Du coup, il s’était aussi rasé la moustache, au grand désespoir de son épouse, auprès de qui il invoqua la même raison que pour le cabriolet.

Suite à une longue période de célibat, malgré tous ses efforts pour rencontrer le prince charmant, Ginette avait enfin cru décrocher le gros lot. Il était temps, car elle frôlait déjà la quarantaine quand Marcel avait pointé sa bobine de Latin Lover. Après quelques années de baise poétique genre « viens que j’te bourre » et une montagne de canettes de bière, le bellâtre ressemblait plus à une épave qu’à un yacht. Ginette en avait pris son parti et cherchait désormais ses contes de fées dans les magazines people, genre Voici ou Point de vue. Elle était devenue intarissable sur les mystères de la couronne et les secrets d’alcôve. Mais à force de vivre les pieds dans le cambouis et la tête dans les paillettes, Ginette avait fini par clapoter du couvercle. Le Marcel se bourrait de pizzas Quattro Stagioni – toujours les mêmes – qu’il se faisait livrer un soir sur deux. Il était devenu un gros tas encombrant, qui en plus l’empêchait de dormir à cause de ses ronflements intempestifs. L’efficacité des boules Quies ? Mon œil, elle entendait péter une mouche à des kilomètres ! Et les somnifères lui donnaient des aigreurs à l’estomac. Ah, elles étaient loin, les nuits qu’elle imaginait à l’époque de tous les possibles, dans la douceur des bras musclés d’un mâle au regard de velours… Une autre lui aurait sans doute filé de la mort-aux-rats distillée dans son potage, au Marcel. Pas Ginette. C’était une brave fille qui trimballait sa conscience comme un boulet et demandait pardon aux fleurs quand elle les arrachait pour en faire un bouquet. Si encore il avait été causant, le rustre ! Mais non. Il vidait son auge devant sa télé, zappait à toute berzingue sans se soucier de sa dulcinée, et les rares fois où elle lui demandait de lui parler de son passé, il faisait pareil : il zappait. « Le passé, c’est l’passé », qu’il lançait comme un couperet.

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07/03/2013 245 pages 19,00 €
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