Editeur
Genre
Poches Littérature internation
Avant propos du traducteur
Le lecteur connaît Nosaka pour la restitution romanesque qu’il fait de son expérience personnelle de la plus terrible des épreuves – la guerre (cf. La Tombe des lucioles, entre autres œuvres), dont il n’hésite d’ailleurs pas à faire le thème de Contes de guerre qui sont parfois proprement insoutenables –, ainsi que pour son obsession du sexe et de la mort, de leur commerce aussi, qu’il traite sur le mode parodique (dans Les Pornographes, Les Embaumeurs…). Toujours dans un style qui n’appartient qu’à lui, débridé, fait de phrases partant en écheveaux mêlant continûment narration et dialogues, mais avec une faconde toujours agréablement balancée.
La présente nouvelle (titre d’un recueil) nous montre une autre facette de cet auteur hors normes. D’abord parce qu’il nous transporte dans le Japon de l’époque pré-moderne d’Edo (début XIXe siècle), qu’il connaît remarquablement, et dont il se rapproche par le style ; ensuite parce que le choix de cette remontée dans le temps lui permet de renouveler le binôme récurrent sexe-mort en le mariant à un motif fréquent du folklore, et donc des arts, de la littérature en particulier : le fantastique. Le tout en se pliant avec brio à la contrainte de la sobriété propre à la nouvelle : en moins de cinquante pages (dans l’original), il boucle un récit jalonné de phrases qu’on dirait suspendues, composées de segments ici plus brefs que d’ordinaire, rythmés, qui donnent une impression de balancement encore jamais vu.
Nous voici donc plongés dans un Japon vieux de deux siècles, pour un voyage qui conduit, par la route, du Centre (Hyôgo, l’ancienne Kôbe, donc non loin de la capitale économique d’alors, Ôsaka, et de la résidence impériale, Kyôto) vers l’Ouest, plus exactement Nagasaki, la geisha Koto à la recherche, avec sa fille, d’un amant qu’elle imagine oublieux. Contrainte de revenir dans l’Est, elle meurt avant de gagner Edo, laissant à la jeune Tomi le soin de retrouver celui qui est son père mais qui, en fait, est loin de penser qu’il a quitté Koto en la laissant enceinte de ses œuvres. Pour cela, Koto confie, à l’heure de mourir, le fameux dessin qui figure dans le titre, un dessin qu’elle exécute en le saupoudrant de sables de diverses couleurs, et sur lequel s’inscrit, littéralement, l’endroit le plus intime de la malheureuse, tout empreint de sa rancune, et qui doit lier l’homme jusqu’à ses retrouvailles avec celle qui est sa fille.
Ce talisman, censé donc mettre la jeune fille sur la voie paternelle, la mènera en fait à sa perte, tragiquement. Toutefois, la rencontre du mystérieux dessin et de l’homme s’effectuera en dépit de tout, et ceci par le biais d’un bien mystérieux intermédiaire vindicatif, par lequel s’accomplira le karma. Ainsi la boucle fatidique se boucle-t-elle, et de saisissante façon : le sexe dessiné pour la fille par l’amoureuse morte d’épuisement finit par s’effacer du papier d’origine, « entre les mains », dirons-nous simplement, de l’amant retrouvé, et l’acte d’exorcisme qui amène cette disparition signe, par le geste de ce dernier qui met fin sciemment à sa vie, le salut de l’amante (dans l’au-delà, s’entend).
Extraits
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