Nous tournant donc vers les jeunes gens… nous ne pouvons que leur dire : Prenez garde… Quand vous parlez à la légère, quand vous traitez légèrement, si légèrement la République, vous ne risquez pas seulement d’être injustes… vous risquez d’être sots… Ces élections aujourd’hui vous paraissent une formalité grotesque, universellement menteuse, truquée de toutes parts. Et vous avez le droit de le dire. Mais des hommes ont vécu… des hommes ont souffert, des hommes sont morts, tout un peuple a vécu pour que le dernier des imbéciles aujourd’hui ait le droit d’accomplir cette formalité truquée.
La politique n’est pas une voie royale. Ma première expérience, comme celle de nombreux élus, s’est soldée par un échec. Et jamais je ne l’oublierai – pas seulement parce que j’ai été battu –, mais surtout parce que j’ai découvert à cette occasion d’étonnantes pratiques.
C’était lors de la campagne pour le scrutin municipal de 1971 à Laon, ville moyenne de 27 000 habitants et chef-lieu du département de l’Aisne. J’avais 30 ans et je travaillais au service d’études économiques de la Chambre d’agriculture de l’Aisne où j’étais entré en 1967. Ma participation, en 1968, à la rédaction d’un livre intitulé Connaissance de l’Aisne m’avait donné une notoriété locale. Robert Aumont, nouveau conseiller général socialiste, m’a alors demandé de figurer, à titre d’expert issu de la société civile, sur la liste qu’il conduisait pour reconquérir la mairie, perdue par la gauche en 1965 au bénéfice d’une majorité de droite dirigée par le député UNR Guy Sabatier.
Avec cette campagne, je plongeai au cœur de la vie politique laonnoise. Quarante ans plus tard, j’ai encore présente à l’esprit la stupéfaction qui fut la mienne en découvrant l’impréparation de l’opposition d’alors.
Le principal angle d’attaque retenu concernait la piscine municipale « panoramique », ouverte depuis deux ans. « Panoramique », car elle était située sur une extrémité isolée de la ville haute. Cette localisation avait d’ailleurs nécessité d’importants travaux d’accès en voirie. Or la majorité de la population (et des jeunes) résidait en ville basse où l’implantation de cet équipement aurait été plus judicieuse. Sa faible fréquentation avait provoqué une polémique persistante qui portait sur son déficit, et donc sur son coût pour les contribuables. À chaque réunion électorale organisée dans les divers quartiers de la ville, notre équipe stigmatisait ce déficit, mais le montant évoqué n’était jamais le même. Au fil de la campagne, il augmentait chaque jour !
Si cette improvisation m’amuse aujourd’hui, à l’époque j’en étais consterné : comment prétendre gérer une collectivité en ignorant les données budgétaires de base ? Curieuse pratique de la politique qui consiste, en quelque sorte, à raconter n’importe quoi, l’essentiel étant de l’affirmer sur un ton que personne ne mettra en doute. Faut-il s’étonner, dans ces conditions, de l’échec complet de la liste de gauche ?
Extraits
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