#Roman francophone

Le parfum de l'hellébore

Cathy Bonidan

Derrière les grilles du centre psychiatrique Falret, s'épanouissent les hellébores, ces fleurs dont on pensait qu'elles soignaient la folie. Est-ce le secret de Serge, le jardinier taciturne qui veille sur les lieux, pour calmer les crises de Gilles ? Toujours est-il que le petit garçon, autiste de onze ans, s'ouvre au monde en sa présence. Deux jeunes filles observent leur étrange et tendre manège, loin des grandes leçons des médecins du centre. Anne a dix-huit ans, c'est la nièce du directeur. Fuyant un passé compromettant, elle a coupé tout lien avec ses proches, si ce n'est sa meilleure amie, avec qui elle correspond en cachette. Elle se lie d'amitié avec Béatrice, malicieuse jeune fille de treize ans, qui toise son anorexie d'un oeil moqueur, pensant garder le contrôle des choses. Mais rien ne va se passer comme prévu. Dans ce roman lumineux et plein d'espérance, les destins de chacun vont se croiser, entre légèreté et mélancolie. La vie réserve heureusement bien des surprises.

Par Cathy Bonidan
Chez Editions de la Martinière

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Genre

Littérature française

À tous les enfants qui décrivent le monde

dans la marge de leurs cahiers…

 

 

PREMIÈRE PARTIE

 

È pericoloso sporgersi.

Trois mots dans une langue étrangère pour résumer ces derniers mois. Une mise en garde dont elle n’avait pas tenu compte.

Le paysage qui défilait à l’envers lui donnait mal au cœur sans pour autant lui apporter la consolation d’un possible retour en arrière. Au contraire, bercée par le martèlement lancinant des roues sur les rails, elle voyait son enfance s’éloigner irrémédiablement.

Malgré le bruit, elle se surprit à retenir sa respiration. Elle craignait qu’un soupir importun ne vînt perturber la lecture de la femme assise en face d’elle, entraînant le redressement du chignon et le jugement sans appel d’un regard courroucé.

Elle ferma les yeux.

 

 

1


Septembre 1956

 


* * *

 

 

Paris, le 21 septembre

Chère Lizzie,

Je me confonds en excuses pour ce mois de silence.

Je sais la promesse que j’avais faite de t’écrire sitôt mon installation à Paris, mais je n’avais pas soupçonné à quel point ce déracinement se révélerait difficile.

Rien ne m’avait préparée à cela, ni mon désir d’émancipation ni la joie de quitter la province, fût-ce à la suite des événements que tu connais. Pas même ma répugnance à l’idée d’entamer une nouvelle année dans la cour du lycée Sainte-Geneviève, sous la vigilance méprisante de certaines sœurs dont je préfère taire les noms.

Lorsque j’ai débarqué le 19 août sur le quai de la gare, ma tante et ma cousine guettaient mon arrivée. J’ai lu dans leurs regards le portrait peu flatteur qu’on avait esquissé de ma personne. Je m’y attendais.

Je venais de parcourir six cents kilomètres en m’imaginant suivre un rite initiatique à la manière des héroïnes des romans de Jane Austen, que je vénère au point de t’avoir affublée de ce diminutif qui t’amuse depuis trois ans.

Mais, comme tu es ma meilleure amie (et la seule désormais), tu connais les remords qui ont pu me poursuivre lors de ce voyage. À peine descendue du train, j’ai été escortée (ce terme est choisi, car j’avais l’impression d’être une mauvaise fille que l’on mène à sa cellule) jusqu’au métro, pour y découvrir un monde que je ne soupçonnais pas.

Les scènes que nous avons parfois commentées dans nos rêves de la capitale n’ont rien à voir avec le tableau auquel j’ai été confrontée ce jour-là. On oublie que les films que nous voyons au cinéma ont connu des arrangements, sur le plan tant des images que du son, qui trahissent la réalité. Je t’avoue qu’à cet instant, au cœur de ce souterrain, tout n’était que bruit, fureur et précipitation. Mes sens n’avaient jamais été violentés de la sorte.

Mes yeux discernaient plus de silhouettes que je n’en avais aperçues les jours de fête votive sur la place du marché de Cesnas. Mes oreilles percevaient dix conversations à la minute dont certaines ponctuées de cris, d’insultes ou de rires sans que personne autour de nous y prêtât la moindre attention. Enfin, je tairai ce que me rapportait mon nez, car je sais que tu en serais incommodée, même là où tu te trouves.

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12/01/2017 301 pages 18,00 €
Scannez le code barre 9782732472515
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