Le roman des filles. Confidences, SMS et prince charmant

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Vendredi 9 octobre, 8 h 45

Une dizaine de jours plus tard, lorsque le bus passa sans s’arrêter devant l’Abribus où attendait habituellement Lily, Chiara eut une pensée émue pour ses amies qui étaient depuis près d’une heure déjà sur les bancs du lycée. Mais, même si elle les plaignait de tout cœur, elle n’aurait échangé sa place pour rien au monde : elle adorait commencer plus tard que le commun des mortels, cela lui procurait un petit sentiment de fantaisie précieux dans sa vie trop rangée.

Pourtant, ces matins-là, même si elle coupait son alarme, elle était généralement réveillée aussi tôt que d’habitude par la cafetière à espressos que son père mettait en route à sept heures précises. Il prétendait que c’était la seule à faire un café buvable. « La seule aussi à faire vibrer les murs de tout l’immeuble », aurait-elle pu ajouter.

Mais cela ne la dérangeait pas trop. Pelotonnée sous sa couette, elle profitait de ces minutes oisives pour reprendre en douceur contact avec la réalité. À sept heures trente (toujours précises), il frappait à sa porte, glissait la tête dans l’entrebâillement et rappelait :

– Surtout ne te rendors pas, cara1, il ne faut pas manquer le bus !

– Papa, grommelait-elle alors, je n’ai encore jamais raté le bus !

– Je sais, je sais, mais c’est justement parce que je te le rappelle chaque fois…

Mais même si Chiara ronchonnait volontiers, les matins restaient pour l’adolescente et son père le meilleur moment de la journée. Les tensions de la veille ayant été effacées par le sommeil de la nuit, il retrouvait à cette heure-là ses réflexes de papa poule, et sa fille encore à moitié endormie avait de son côté oublié ses velléités de rébellion.

Vêtu d’un costume gris ou bleu marine, il se rendait ensuite en métro à son bureau où il exerçait avec beaucoup de sérieux et peu de passion le métier de comptable.

En se délectant du luxe de temps supplémentaire que lui offrait cette rentrée tardive, Chiara finissait par se lever, dévorait un copieux petit déjeuner en écoutant son chanteur préféré du moment, Pete Doherty, puis se préparait pour partir à son tour.

Comme l’immeuble dans lequel ils vivaient était assez éloigné du lycée, il arrivait que la jeune fille soit la seule passagère du bus pendant quelques minutes. Elle en profitait alors pour se perdre dans des rêves où le théâtre prenait toute la place.

Elle revint soudain à la réalité lorsque des passagers, l’oreille collée au portable, montèrent à l’arrêt suivant. Être privée de téléphone mobile était frustrant, mais, heureusement, l’interdiction d’utiliser l’ordinateur avait été levée quelques jours après la rentrée, ce qui avait permis hier soir au trio d’amies de passer un long moment à s’envoyer des messages sur MSN. Maëlle les avait bien fait rire en leur racontant en détail ses dernières prises de bec avec ce Maxime à la foulée exceptionnelle. Depuis leur première rencontre, elle ne décolérait pas et chaque séance d’entraînement la rendait plus furieuse. Connaissant son amie, Chiara se doutait qu’il y aurait des suites à l’affaire et elle s’en réjouissait d’avance.