#Essais

Le tigre et le moucheron. Sur les traces de Chinois indociles

Jordan Pouille

Dans "Le Lion et le Moucheron" de La Fontaine, le fort est aux prises avec un moucheron qui le pique, le harcèle, et le fait périr d'épuisement. En Chine, le Tigre insatiable endure ses propres moucherons, de paisibles citoyens capables d’encaisser toutes les corruptions, toutes les violences… jusqu'à un certain point. Pêcheur de cadavres sur le fleuve Jaune, chef d’un village dévoré par les usines chimiques, curé de campagne en cavale, enfant surnuméraire sans papiers et autres, Jordan Pouille, correspondant en Chine, les a rencontrés. Il décrit leur ingénieuse indocilité.

Par Jordan Pouille
Chez Editions Les Arènes

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Genre

Sciences politiques

 

 

 

 

 

 

 

PROLOGUE

 

 

 

Le 8 août 2008, je me trouvais, comme un tiers de la population mondiale, devant ma télévision, ébloui par la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques de Pékin. Mon cœur battait alors à l’unisson des 2 008 tambours résonnant dans le stade national érigé en forme de nid.

De l’invention du papier à l’exploration spatiale, la Chine retraçait en musique l’éclosion d’une glorieuse civilisation cinq fois millénaire. Et en quelques décennies de communisme, cette gloire s’était accrue en hissant le pays le plus peuplé du monde au rang de superpuissance économique. Tel était le message délivré aux Chinois et aux étrangers, béats d’admiration.

Peu après, je m’installais à Pékin, parvenu, après des mois de tractations avec une administration ubuesque, à ouvrir le bureau de l’hebdomadaire chrétien La Vie. Une première correspondance vite enrichie d’autres titres de presse : Médiapart, Marianne, les journaux belge et suisse Le Soir et Le Temps, ainsi que Metro International. À ces travaux d’actualité et d’analyse s’ajoutaient de passionnants et lointains reportages pour la revue XXI, Le Monde diplomatique et même S.A.S., les romans d’espionnage. Pour assumer cette tâche à l’échelle d’un continent, je me réconfortais auprès d’autres correspondants partageant le bureau, c’est-à-dire un appartement, mes confrères du Guardian anglais, du danois Politiken et du finlandais Sanomat. Plus encore, je m’en remettais à Lei, une Pékinoise francophone, rencontrée à Paris et devenue depuis ma compagne. Amoureux dans la vie, en tandem partout sur le terrain, elle me prêtait sa voix et nos sensibilités s’entremêlaient, parfois s’entrechoquaient pour le meilleur et pour le pire. Pour elle, je me suis efforcé d’éviter tous les poncifs couramment accolés à la Chine. Avec moi, le pays ne serait plus « un colosse aux pieds d’argile » et encore moins « un eldorado ».

 

Un matin, le facteur m’apporta une enveloppe cartonnée, déjà ouverte, comme toujours… J’en extrayais le livre, traduit en français, d’un auteur italien, Tiziano Terzani, intitulé Le Grand Voyage de la vie. Cadeau d’un ami, cet ouvrage allait devenir ma bible. Terzani, ancien reporter du magazine allemand Der Spiegel, a longuement parcouru et étudié la Chine communiste. Fils d’ouvriers, il fut, en 1979, l’un des premiers correspondants étrangers à pénétrer l’empire du Milieu et y exerça son métier avec une méthode d’une simplicité désarmante : s’asseoir et regarder, puis se laisser emporter par l’étonnement. Il lui fallait ensuite le restituer avec une précision scientifique, sans étouffer ses émotions ni sombrer dans l’exotisme. Au fil du temps, cet idéaliste s’appliqua à révéler une réalité crue, celle du peuple chinois perdu entre glorification du passé et émergence d’une modernité s’annonçant foudroyante. Sa perception authentique des êtres et des événements lui valut d’être expulsé au milieu des années 1980. Après différents séjours au Japon puis en Inde, toujours pour le compte du Spiegel, Terzani se retira dans un cadre spartiate pour méditer les leçons de sa vie et les transmettre à son fils dans ce livre de sagesse, Le Grand Voyage de la vie.

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13/11/2014 191 pages 19,80 €
Scannez le code barre 9782352043652
9782352043652
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