LES AVENTURES DE PLUMETTE ET DE SON PREMIER AMANT. 3ème édition

Amélie Plume

Les Aventures de Plumette et de son premier amant, c’est l’histoire ordinaire et merveilleuse d’une passion, et c’est le contraire d’une écriture romantique. Amélie Plume fait dépeindre à son personnage les affres et les extases de l’aventure amoureuse sans une once de drame. A l’inverse, grâce à une langue orale et visuelle, un esprit jubilatoire, une perspicace ironie, de l’aplomb, un sacré sens de la vérité, mais aussi beaucoup de tendresse, on rit, avec elle, de sa douleur. Son regard, explique Catherine Safonoff, « nous propose un récit aussi comique, tel qu’il apparaît, que sa source secrète était, sans doute, tragique (…) Et elle trace, Plume-Plumette, au seul coup d’œil elle file, mène leste et preste un texte physiquement svelte sur les pages où il fuit et court presque aussi vite que la main les tourne. » Et Safonoff de s’enchanter, si justement, des majuscules de Plumette : « zooms drolatiques, soudain coups de gong, elles scandent le récit comme on frappe du pied un tempo. »

Par Amélie Plume
Chez Editions Zoé

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Genre

Littérature française

 

 

J’entends l’autre jour cette exclamation :

— Ma parole, il me tourne en chèvre !

Le ton était vif, la mine drôle, de quoi masquer un vrai chagrin. L’enchanteur en question, plutôt marlou, était en effet l’amant ; de quelles siennes il retournait, je n’ai pas su, mais je notai que la “tournée en chèvre” était une jolie femme qui aurait pu dire “bourrique” sans risquer gros sur ce funeste plan des apparences. Reste que, bourrique ou bique, de visu belle ou laide, son amoureux et ses amours la rendaient bête. Elle n’en avait pourtant pas l’air. Encore une, me suis-je dit, avec un vague regret, et que sûrement ça ne serait pas la dernière.

Mais encore ? Qui, la dernière quoi, et comment, moins vaguement ?

L’occasion de reprendre la question m’est donnée par, peu après cette anecdote, ma lecture des Aventures de Plumette, qui citent, à propos, le conte d’Alphonse Daudet. Et de revenir à mes chèvres — si je peux : l’animal, domestiqué ou sauvage, est agile et bondissant, sans même parler des pointes de ses cornes.

Si Plumette, l’ombre portée d’Amélie Plume, a des Aventures, c’est que son amant, le premier, elle ne l’a pas, lui. Pas vraiment, pas assez, pas à sa guise à elle. D’emblée, le titre juxtapose et sépare : d’un côté Plumette, de l’autre l’amant. Certes, une autre qu’elle, moins ingénument exigeante, aurait pu l’avoir, le bonhomme ; le duo se soldant soit par une aventure sans lendemain ni histoire, soit, qui sait, par un divorce (et un remariage) se passant également de chronique, tel changement d’état civil ne figurant après tout qu’une soumission répétée à l’ordre du social et du familial. Mais Plumette n’est pas de celles à quitter leur premier clos pour s’enfermer benoîtement dans un autre (le même !). Et l’aventure dès lors, essentiellement, c’est celle de ne pas avoir, et donc de désirer et de poursuivre ; la grande aventure, désirant, poursuivant, quitte à ne jamais tout avoir, alors au moins pour ne pas tout perdre, c’est d’écrire, de tracer et retracer désir et poursuite.

Et elle trace, Plume-Plumette, au seul coup d’oeil elle file, mène leste et preste un texte physiquement svelte sur les pages où il fuit et court presque aussi vite que la main les tourne. Heureusement qu’il y en a une certaine somme, de ces pages sommaires, ou l’on risquerait de glisser le long d’elles trop rapidement et de se retrouver au bout comme après un tour de grand 8, étourdi, mais frustré de cette substance nécessaire, tout de même, d’une manière ou de l’autre, au sens.

Ce sens — quel autre ? — qui cause l’émotion à écrire, et l’émotion à lire.

Emotion, motion : Amélie Plume invente une formule d’écriture où l’amour point de départ et moteur, en s’écrivant, se fait amour de mouvement — se fait mouvement littéralement. Le transport amoureux dynamise et talonne son récit. Vélocité, fluidité, économie bienvenues après tant de nappes d’encre où tâchent et tâcheronnent tant de Sophies modernes. (Réalité indéniable de leurs malheurs. Mais comprendre aussi, à force et à la longue, qu’à malin, maligne et demie, et que “libération” ne se passera ni de roueries ni de ruses. Vils moyens, condamneront certaines, finesses démodées, indignes, trop femelles, peut-être ; mais à qui veut la fin ? Passons.) Comme chèvre sur braise. Les minces se déplacent plus vite que les gros, et les lourds ne sont pas toujours les plus forts ni les meilleurs. Amélie Plume rationne son récit, le sous-alimente ; pas d’étalement, pas d’épaisseur, presque pas de chair et de consistance ; mais une frêle ossature de texte, un élémentaire noyau d’action ; mais un filet de voix, des rudiments de phrases, cette trame réduite très mobile dans beaucoup d’air, beaucoup de blanc. Dans beaucoup de marge où le lecteur est libre, lui, d’en mettre et d’en remettre ; libre s’il le veut et le peut de greffer, d’étoffer, de reconstituer ; de revoir et d’augmenter selon ses goûts et son expérience : selon ce fameux vécu personnel, si banal et si sublime, si inepte et si splendide, tellement pareil et tellement différent dans tous les tours et détours de ses infimes affaires d’infinie passion. Tout cela même dont Amélie Plume élague à priori l’in extenso, comme postulant que nous en savons assez le scénario de base : Madame X, Y ou Z se languit au fond de sa prison de famille — fronton affichant pour la vie Fatalité, Légalité Maternité — et la pauvre n’a d’autre recours que d’attendre sans même l’espérer un ange sauveur qui, pour se présenter sous forme de Monsieur Z, Y ou X, tiède fonctionnaire quelconque, marié et père de sainte famille itou, ne sauvera rien du tout. Or, ce qu’Amélie Plume laisse tomber, elle le démystifie ; personnages et histoire, au départ ordinaires, communs et plats se retrouvent pour être rognés et dénudés au maximum (on dit : un style dépouillé), glorieusement plats, communs et ordinaires. C.Q.F.D. : la vie n’est pas un conte merveilleux et aucune belle ne s’y éveille sous aucun baiser charmant, les hommes étant, maris, amants, tous des monsieurs Seguins sans imagination — réalité oblige.

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01/05/1998 224 pages 14,90 €
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