#Imaginaire

Les Cités englouties

Paolo Bacigalupi

Dans une Amérique en plein chaos, où la guerre est omniprésente et les enfants transformés en machines à tuer, deux orphelins vivent à l'écart d'un village, protégés des maltraitances par leur amitié et le vieux médecin qui les a recueillis. Au cours d'une exploration, ils rencontrent Tool, un homme génétiquement modifié pour la guerre, mercenaire aujourd'hui fugitif réfugié dans la jungle. Avec lui, nos deux jeunes héros vont être placés devant un choix crucial, un choix qui va transformer leur destin : se sauver soi-même, ou sauver la vie de celui qui a sauvé la vôtre ? Un choix qui va emporter nos héros dans une puissante histoire de loyauté, de survie, et finalement, d'espoir.

Par Paolo Bacigalupi
Chez Au Diable Vauvert

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Genre

12 ans et +

 

 

 

Première partie

Vers de guerre

 

 

 

Chapitre 1

 

Les chaînes tintaient dans la pénombre des cellules de rétention.

La puanteur de l’urine, les miasmes de la sueur et de la peur se mélangeaient avec les relents douceâtres de la paille pourrissante. De l’eau gouttait le long des parois en marbre, les noircissant de mousses et d’algues.

L’humidité et la chaleur. L’odeur de la mer, lointaine, un parfum cruel rappelant aux prisonniers qu’ils ne goûteraient plus jamais à la liberté. Parfois, un détenu, chrétien hauturier ou dévot du Saint de la rouille, élevait la voix, priait, mais la plupart des captifs attendaient en silence, préservaient leur énergie.

Un cliquetis de ferraille à l’extérieur leur annonça que quelqu’un approchait. Le bruit de nombreuses bottes.

Quelques prisonniers levèrent les yeux, surpris. Ils n’entendaient aucune foule en liesse, aucun soldat qui appelait au sang. Pourtant, on ouvrait la porte de la prison. Mystère. Ils attendirent, avec l’espoir que ce mystère ne les concerne pas. L’espoir de survivre un jour de plus.

Les gardes entrèrent en groupe pour se donner du courage, se poussèrent en avant les uns les autres jusqu’à la dernière cellule rouillée. Plusieurs avaient des pistolets. Un autre brandissait une matraque électrique qui crépitait d’étincelles, un outil de dresseur, même s’il n’en avait pas la maîtrise.

Tous puaient la peur.

Le préposé aux clés jeta un coup d’œil entre les barreaux. À première vue, ce n’était qu’une cellule comme les autres, sombre et étouffante, jonchée de paille moisie, mais, dans le fond, il y avait autre chose. Une énorme flaque d’ombre.

— Debout, Face de chien, dit le portier. On t’attend.

Il n’y eut pas de réponse.

— Debout !

Toujours pas de réponse. Dans la cellule voisine, quelqu’un toussa grassement, symptôme de tuberculose. L’un des gardes marmonna :

— Il est mort. Enfin. Il est forcément mort.

— Non, ces choses ne meurent jamais. (Le portier sortit sa matraque et cogna les barreaux d’acier.) Lève-toi, maintenant, ou ce sera pire. On va se servir de l’électricité, et on va voir si tu aimes ça.

La chose dans le recoin ne broncha pas. Aucun signe de vie. Les minutes passèrent.

Finalement, un garde annonça :

— Il ne respire pas.

— Il est canné, acquiesça un autre. Les panthères ont fait le boulot.

— Il a mis le temps.

— Cette chose m’a fait perdre une centaine de billets rouges. Quand le colonel a dit qu’il allait affronter six panthères des marais… (Le garde secoua la tête à regret.) Ç’aurait dû être gagné d’avance.

— T’as jamais vu ces monstres combattre dans le Nord, sur la frontière ?

— Non. Sinon, j’aurais parié sur Face de chien.

Ils fixaient tous la masse morte des yeux.

— Bon, c’est plus que de la viande pour les vers maintenant, constata le premier gardien. Le colonel va pas être content. File-moi les clés.

— Non, grinça le préposé aux clés. Je n’y crois pas. Les faces de chien sont les fils du démon. Le commencement de la purification. Saint Olmos les a annoncés. Ils ne mourront pas avant l’inondation finale.

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trad. Sara Doke
08/11/2013 453 pages 18,00 €
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