De madame Boisseau
À monsieur le Grand chancelier
Compiègne, le 15 octobre 1810
Monsieur le Grand Chancelier,
Veuve du Commandant Boisseau, lequel est décédé le 21 mai 1809 à la bataille d’Essling, je viens solliciter votre aide afin que ma fille Héloïse puisse jouir des bienfaits de l’instruction que reçoivent les filles des officiers de la Légion d’honneur dans les Maisons impériales Napoléon.
Je suis mère de quatre enfants : mes trois fils se destinent à servir l’Empereur par les armes ; mon unique fille, Héloïse, née en 1796, n’aura point de fortune et ne peut espérer une situation digne que par une éducation soignée. Je vous supplie de prendre en considération l’état des services de mon défunt époux et son entier dévouement à la cause de l’Empire. Par sa mort prématurée, je me trouve plongée dans une gêne extrême et dans la triste position de ne pouvoir élever convenablement cette enfant. C’est pourquoi, connaissant l’inépuisable bonté du cœur paternel de l’Empereur, j’ose vous implorer cette grâce spéciale pour elle.
Croyez, Monsieur le Grand Chancelier, en l’éternelle reconnaissance d’une mère qui vous est tout obligée.
Madame Boisseau
Du Comte de Lacépède,
Grand Chancelier de l’ordre de la Légion d’honneur
À madame Boisseau
Paris, le 1er février 1811
Madame,
Sensible au dévouement de votre époux et à votre douloureuse situation, je viens vous annoncer, au nom de Sa Majesté l’Empereur Napoléon, l’admission de votre fille Héloïse dans la Maison impériale de Saint-Denis. Une place se libérant le 8 février, à la suite du départ d’une de nos élèves, l’entrée se fera le 10 février 1811. Un examen déterminera le niveau de la classe qui l’accueillera.
Votre fille Héloïse est admise à titre gratuit, c’est-à-dire aux frais de la Légion d’honneur. Vous veillerez néanmoins à verser quatre cents francs de frais de trousseau à son entrée, ainsi qu’une pension annuelle du même montant qui lui sera remise sous forme de dot à sa sortie de la Maison.
Veuillez recevoir, Madame, l’expression de mes salutations les plus respectueuses.
Bernard de La Ville,
Comte de Lacépède,
Grand Chancelier de l’ordre de la Légion d’honneur.
CHAPITRE I
Héloïse passa l’imposante porte en courbant ses épaules. Ses yeux se posèrent sur une plaque de marbre où l’on pouvait lire, gravé en lettres d’or, « HONNEUR ET PATRIE ». Elle en eut un frisson et, lorsque la porte se ferma dans un bruit sourd et menaçant, elle se raidit d’un coup. Il lui semblait qu’elle laissait derrière elle les années insouciantes de son enfance. Bien qu’elle eût promis à sa mère de ne pas manifester son chagrin entre les murs de la Légion d’honneur, Héloïse avait toutes les peines du monde à retenir ses larmes depuis son arrivée à Saint-Denis. La demoiselle chargée de l’emmener jusqu’au bureau de la Surintendante énonça quelques recommandations d’usage, mais Héloïse ne l’écoutait pas. Tous ses efforts étaient concentrés sur la nécessité de ne pas laisser transparaître la tristesse qui la submergeait. On arriva enfin devant le bureau de madame du Bouzet, Surintendante de la Légion d’honneur.
Extraits
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