À propos des Énigmes du vampire
Tous les mythes ont cela de commun que des êtres surnaturels y apparaissent sous la forme humaine et se mêlent à la vie des hommes. Les événements du quotidien se confondent avec les événements extraordinaires, il n’existe pas de barrière entre la vie et la mort, et tout est digne de foi.
Ces histoires traversent les âges et sont connues de tous sans que l’on sache vraiment quelle en est leur source : sans doute parce qu’elles remontent à la nuit des temps, à l’époque où l’on se transmettait oralement ces récits, de génération en génération, avant qu’ils ne soient immortalisés un jour à la faveur de l’invention de l’écriture.
Voilà comment nous sont parvenues Les Énigmes du vampire que nous vous présentons ici. Ces contes forment un recueil (en sanskrit, la Vetâlapañcavimsatikâ) parmi les plus fameux de l’Inde ancienne. Ils se sont transmis d’abord de façon orale dès le Ve et le VIe siècle, puis ont été fixés en langue sanskrite à partir du XIe siècle. Vingt-quatre à vingt-sept histoires, selon les versions, se succèdent et sont reliées entre elles par un fil conducteur. Chacune des histoires se termine par une énigme à résoudre.
De nombreuses traductions voient le jour en Occident dès le XIXe siècle, sous différents titres, même si l’appellation de référence de cette œuvre est Contes du vampire. Nous avons choisi de nous distinguer par un titre mettant en valeur la finalité de ces contes, c’est-à-dire les énigmes, car elles constituent le tissu narratif qui relie les contes au récit principal.
Dans le folklore occidental, le vampire, né en Roumanie et immortalisé par Dracula, est une sorte d’esprit qui vient sucer le sang des vivants, faisant de ses victimes de nouveaux vampires. Mais pour la croyance indienne, le vampire fait partie du décor semi-démoniaque : c’est une forme de fantôme logé dans un cadavre, mais qui n’est pas suceur de sang ; il n’est ni bon ni mauvais, comme c’est le cas dans ce récit, puisqu’il ne fait que raconter des histoires sous forme d’énigmes pour mettre le roi à l’épreuve.
Pour présenter Les Énigmes du vampire, nous avons utilisé plusieurs sources ou traduction, en nous efforçant de rester fidèle à l’étoffe commune à toutes les versions, notamment celle de Somadeva, brahmane cachemiri de la seconde moitié du XIe siècle. Nous présentons douze contes sur les vingt-cinq, les plus représentatifs de la globalité de l’œuvre.
Chapitre I
Chaque matin, entouré de ses conseillers, le roi Vikramâ siégeait dans la grande salle d’audience du palais, écoutant les doléances de ses sujets.
Un jour, un moine mendiant s’inclina devant son roi et lui tendit un fruit.
– Noble seigneur, daigne accepter cet humble présent.
Bien que le cadeau fût dérisoire pour un roi, Vikramâ reçut le fruit et remercia respectueusement le moine mendiant.
Après que le pauvre homme eut fait l’anjali1 et se fut retiré, le roi se débarrassa discrètement du fruit entre les mains de son trésorier et reprit sa séance…
Extraits
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