#Roman étranger

Les femmes de Brewster Place

Gloria Naylor

Dans une banlieue urbaine du Nord des États-Unis, 1970's. Mattie Michael a tout perdu : rejetée par sa famille, ruinée par son fils, le peu qu'elle a pu sauver de la main des huissiers, la vieille femme l'a emporté à Brewster Place. Là, dans cette grappe d'immeubles délabrés et grisâtres, isolés du monde par un haut mur de brique, la matriarche propose désormais son soutien à celles qui n'oseront jamais le demander. Il y a la belle et indépendante Etta Mae qui, au volant de sa Cadillac vert pomme affole le quartier de son franc-parler et fait rougir les pasteurs. Il y a la jeune Kiswana, fervente militante de la cause des Noirs, qui a abandonné les quartiers riches pour défendre ses idéaux. Sans oublier Cora Lee, la femme-enfant qui accumule les bébés et les amants d'un soir. Ou encore Luciella, la jeune mère éplorée. Mais celles qui font jaser, ce sont ces deux jeunes filles du 312. Le "couple", celles dont on préfère murmurer le nom. La fête de l'immeuble se prépare. Et sous les yeux des femmes de Brewster Place, un drame terrible va se jouer. Un drame qui changera à jamais leur destin et celle de tout un quartier…

Par Gloria Naylor
Chez Belfond

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Editeur

Belfond

Genre

Littérature étrangère

Qu’arrive-t-il à un rêve interrompu ?

Va-t-il sécher

comme un grain de raisin au soleil exposé ? Ou s’envenimer comme une plaie,

avant de se vider ?

Va-t-il répandre une odeur de viande avariée, ou se couvrir d’une croûte, et se cristalliser comme un entremets sucré, de sirop enrobé ? Peut-être va-t-il tout bonnement s’affaisser, comme un trop lourd paquet ?

Et s’il explosait ?

 

Langston HUGHES

 

 

 

 

 

 

 

Aube

 

 

 

Brewster Place est un enfant bâtard : elle est le fruit de plusieurs rencontres clandestines entre le conseiller municipal représentant de la sixième circonscription et le directeur de la société immobilière Unico. Ce dernier souhaitait vivement obtenir le limogeage du commissaire de police de cette même circonscription, un homme trop honnête pour accepter les pots-de-vin et qui, dans son honnêteté, s’entêtait à troubler le bon fonctionnement des maisons de jeu dont le directeur était propriétaire. De son côté, le conseiller municipal voulait obtenir du groupe immobilier qu’il construisît son futur centre commercial sur un terrain appartenant à son cousin, dans la partie nord de la ville. Les deux hommes se réunirent, procédèrent à un échange de vues et, de discussion en discussion, parvinrent finalement à un accord qui assurait à chacun d’eux la satisfaction de ses intérêts. Ils décidèrent même, au dernier moment de leur réflexion, de faire bâtir, sur un terrain sans valeur de cette circonscription pourtant déjà quelque peu surpeuplée, quatre immeubles jumeaux. Cela dans le dessein d’affaiblir la position de la communauté irlandaise, laquelle n’allait pas manquer de protester contre le renvoi de son commissaire de police ; et puisque les frais de construction seraient pris en charge par la ville et que le conseiller pourrait faire valoir cette initiative pour appuyer sa candidature à la mairie lors des prochaines élections, chacun y trouvait des raisons de ne pas se sentir défavorisé. C’est ainsi que, dans un local humide et enfumé, fut conçue Brewster Place.

Un acte législatif de la municipalité lui donna naissance trois mois plus tard, et comme elle était de parents inconnus, la moitié de la circonscription se dérangea deux ans après pour assister à son baptême et applaudir à tout rompre lorsque le conseiller, le visage épanoui, fracassa une bouteille de champagne contre l’angle de l’un des nouveaux immeubles. Il eut du mal à se faire entendre au milieu des acclamations assourdissantes quand il déclara, la larme à l’œil, que c’était là le moins qu’il pût faire pour aider à recaser les jeunes et vaillants soldats qui, après avoir bien mérité de la Patrie, revenaient de la Grande Guerre.

Dans leur jeunesse, les briques grises de B.P. avaient la tonalité de l’argent mat. Malgré l’absence de pavés – on pataugeait jusqu’aux chevilles pour rentrer chez soi après une grosse averse – , la rue et l’époque étaient porteuses de promesses. La ville grandissait et prospérait ; on parlait d’aménager un boulevard au nord de la rue, et les habitants avaient ainsi l’impression que Brewster Place allait faire partie de l’artère principale de ladite ville.

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trad. Claude Bourguignon
16/05/2013 319 pages 17,00 €
Scannez le code barre 9782714454812
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