Les moutons noirs

Longville Frederique

Rien ne va plus à l'école pour Pamina depuis que ses parents ont changé radicalement leur mode de vie. Mais pour les Fabrègues, pas question d'abandonner leurs collines pour revenir en arrière. Leur avenir est désormais dans une vie simple, proche de la nature, à l'écart de la ville et de la civilisation. La simplicité volontaire, tel est leur nouveau credo. Rebelles des temps modernes, leurs choix de vie ne sont pas toujours bien vus, mais qu'importe ? Le bonheur pour eux est à ce prix, au coeur de l'arrière-pays provençal, dans une marginalité choisie et assumée.

Par Longville Frederique
Chez Les Editions du Net

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Genre

Littérature française

Pamina

 

– Bon, alors ! Ce n’est pas possible, ça ! Qu’est-ce qu’il fait, ton père ? 

Assise tout au bout du banc, recroquevillée sur elle-même, le blouson soigneusement fermé jusqu’en haut, l’écharpe nouée autour du cou, Pamina enveloppa sa maîtresse d’un regard noir. Sous la frange de boucles dorées, les prunelles d’ébène lançaient des éclairs. Il lui semblait que tous ses petits copains de classe étaient déjà partis depuis une éternité, l’abandonnant à ce tête-à-tête redoutable. Du haut de ses cinq ans, la petite fille avait bien du mal à comprendre ce qui se passait. Depuis qu’elle fréquentait cette école, son père et sa mère étaient toujours parmi les premiers parents pour venir la récupérer. Jamais ils ne l’avaient fait attendre. Peu à peu, sa peur grandissait. Et s’ils ne venaient pas ? Ils avaient peut-être eu un accident ? Et si elle ne les revoyait plus jamais, ni l’un ni l’autre ? L’angoisse lui tordait les boyaux. Elle avait chaud, mal au ventre, mal au cœur ; elle avait envie de pleurer, mais elle n’osait pas. 

Debout face à la fenêtre, le visage sévère, l’enseignante, Laure Baudouin, scrutait le portail, à l’autre bout de la cour de récréation, déserte depuis de longues minutes. Pamina observait craintivement son dos, ses cheveux blonds, mi-longs, sa jupe droite, ses collants noirs et ses talons aiguille. Elle n’aimait pas cette femme ; elle en avait peur. Avec elle, elle avait toujours l’impression de mal faire. Elle n’aimait pas sa voix cassante, moqueuse. Elle n’aimait pas ses yeux, d’un bleu froid, dur : même ses sourires avaient quelque chose d’inquiétant. 

Depuis que l’attente se prolongeait, la maîtresse ne cessait de passer et repasser devant Pamina en faisant des réflexions, comme si elle était responsable du retard de son père. Qu’y pouvait-elle ? 

– Tiens, il t’en reste une ? 

Pamina tourna la tête en direction de la nouvelle venue, la seconde enseignante de l’école, Alice, la maîtresse des petits. Pamina ne la connaissait pas bien, mais s’adressait plus volontiers à elle qu’à sa propre maîtresse lorsqu’elle avait besoin d’aide, pour attacher son blouson ou ses lacets, notamment. Elle aimait bien lui parler dans la cour, pendant les récréations. Alice avait souvent plusieurs enfants autour d’elle, collés à ses basques. Mais lorsque sa collègue arrivait, cette dernière envoyait tout le monde jouer ailleurs pour laisser les adultes parler tranquillement. 

L’oreille aux aguets, la petite fille ne perdait rien de la conversation à mi-voix entre les deux enseignantes : 

– Franchement, cette famille, ce n’est pas un cadeau. La gosse est coincée, pleurnicharde…

Alice enveloppa la petite fille d’un regard admiratif et chaleureux : 

– Je la trouve belle, cette petite. Et j’adore ce prénom, Pamina. 

– Un peu « folklo », non ? Je te jure que les parents le sont aussi. Ils vivent comme des clodos dans une vieille bergerie, là-haut, dans la montagne, pas loin du hameau ruiné. Des vrais romanos. Pas jeunes, en plus ; ils ont bien la quarantaine, tous les deux. Et il y a un bébé, en plus ! 

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26/05/2015 246 pages 18,00 €
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