Les dix philosophes incontournables du bac philo

Avant-propos

La philosophie est, pour moi, inséparable de cette joie qu’il y a à vivre plus fort grâce à la pensée. Pas exactement ce que promet, a priori, un « manuel ». Pourtant, peu à peu, le désir s’est imposé de concilier les deux. J’ai la chance, dans mes cours ou conférences, de me trouver face à des publics extrêmement variés, de pouvoir observer ce qui fait qu’une idée « passe » ou pas. Je l’ai aussi éprouvé dans mon travail pour Philosophie Magazine, où je réponds chaque mois à une interrogation de lecteur. Il m’a donc semblé possible de proposer un manuel différent.

Avec, ici, des portraits de grands philosophes – Platon, Spinoza, Hegel… – mais débouchant sur l’examen critique de leur « phrase de trop ».

Platon

(428/427-348/347 av. J.-C.)

Philosphe grec, disciple de Socrate (qui lui n’a rien écrit), fondateur de l’Académie… et de l’idéalisme.

Platon est l’inventeur du « Ciel des Idées ». Notre monde, selon lui, n’est pas le « vrai » monde. Le « vrai monde » est ailleurs : au-dessus du nôtre, dans ce « Ciel des Idées » où brillent éternellement les idées de ce que nous vivons imparfaitement au-dessous. Bref, en haut brillent les principes, tandis qu’en bas nous nous agitons, plus ou moins conscients de l’existence de ces principes. Le platonisme repose donc d’abord sur la distinction entre le monde sensible (mundus sensibilis), dans lequel nous vivons, pour un temps simplement, et le monde intelligible (mundus intelligibilis), où « vivent » les idées – d’une vie éternelle. Si, dans le monde sensible, les hommes sont tous différents, petits ou grands, lâches ou courageux, vils ou moraux…, il n’y a dans le ciel des idées qu’une seule idée de l’homme : un seul principe de ce que c’est qu’être humain. Et il est donc possible de juger les différents hommes, sensibles, concrets, à l’aune de cette idée intelligible, abstraite.

Cette idée platonicienne ressemble fort à un idéal : c’est pourquoi on parle d’idéalisme platonicien. Nietzsche voyant même en Platon le fondateur de cet idéalisme que le christianisme ne fera selon lui que vulgariser, en distinguant à son tour un au-delà éternel de l’ici-bas. Le monde sensible est caractérisé par la multiplicité, la diversité, la contingence, la relativité – c’est le monde de l’inessentiel. On y trouve, par exemple, une multitude de tables toutes différentes, des basses, des hautes, des belles, des laides, des tables de nuit, des tables d’opération… À l’inverse, les idées du monde intelligible sont caractérisées par leur unité, leur nécessité, leur universalité, leur éternité –, c’est le monde de l’essentiel, ces « idées » pouvant être comparées à des essences. On y trouve donc l’idée de la table, le principe de ce que c’est qu’une table : des pieds et un plateau servant à poser des choses dessus. Inutile d’observer dans le détail toutes les tables qu’il est possible de rencontrer dans le monde sensible pour savoir ce qu’est une table : il suffit de « lever les yeux au ciel », c’est-à-dire en fait de les fermer, de se détourner de la diversité étourdissante du monde sensible pour regarder en soi et réfléchir à ce qu’est une table.