Pendant la vie, combien de gens on rencontre ! On leur parle, on rit un peu, on vide avec eux un bock de bière, on chante. Mais une fois l'homme couché sous une croix, fini, il n'existe plus. Il est couché et il se tait. Il se tait. Et si on entend quelqu'un répondre, ça ne vient pas du fond de la tombe, c'est seulement qu'on rêve. Quelqu'un vient parfois nous causer. Ou se promener ici ou là. Ou bien il reste assis. Comme s'il n'était pas mort. Ou il prend la charrette, commence même un travail ou un autre. Tout à fait comme un vivant. Comme un vrai vivant, pas comme un défunt Pourquoi, on n'en sait rien, mais un mort, dans un rêve, on ne le voit jamais dans sa tombe, ni même dans le cercueil où il est couché pendant l'office des morts. Dans les rêves, les morts marchent, sont assis à l'avant d'un tombereau, vous font des signes de la main. Tout à fait comme de vrais vivants. Peut-être est-ce pour cela que le Seigneur a donné le rêve à l'homme, pour qu'il voie, comme s'ils étaient vraiment vivants, ceux qui ne sont plus, mais qu'il a tellement envie de revoir un peu.
YOUOZAS BALTOUCHIS,
La Saga de Youza (Vilnius, 1979),
traduit du lituanien en français
par D. Yoccoz-Neugnot,
Paris, Alinéa, 1990, pp. 303-304.
Au fil des ans, ce livre s'est peu à peu enrichi des suggestions d'innombrables collègues, étudiants et amis, en France et hors de France. Qu'ils sachent tous que ma gratitude est grande à leur égard. Mes pensées vont tout particulièrement à Pauline Schmitt-Pantel et à Jérôme Baschet pour leur lecture sans complaisance, à Jean-Claude Bonne et Michel Pastoureau pour ce qu'ils m'ont appris des images médiévales, à Danièle Alexandre-Bidon pour les documents figurés qu'elle m'a aidé à retrouver, à Daniel Fabre et aux ethnologues toulousains pour leur écoute généreuse et notre vieille amitié sur le front de l'anthropologie historique. Enfin, que Pierre Nora soit, une fois encore, remercié de sa confiance.
Les morts n'ont pas d'autre existence que celle que les vivants imaginent pour eux. Différemment selon leur culture, leurs croyances, leur époque, les hommes attribuent aux morts une vie dans l'au-delà, dépeignent les lieux de leur séjour et se figurent ainsi le sort qu'ils espèrent ou redoutent pour eux-mêmes. À ce titre, l'imaginaire de la mort et du devenir des morts dans l'au-delà constitue universellement une part essentielle des croyances religieuses des sociétés. Il prend des formes diverses, mais très largement attestées, parmi lesquelles les visions et les rêves occupent toujours une place de premier plan1. Ici est reconnue la capacité de certains hommes, tels les chamans sibériens, de voyager dans l'au-delà en songe ou dans un état de transe. Ailleurs, des êtres d'exception, comme le Christ ou, à sa suite, les saints du christianisme, auraient eu le pouvoir de ressusciter les morts. Universellement est présente aussi ce qu'on a coutume d'appeler la « croyance aux revenants2 ».
Extraits
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