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Jardins de Trianon, août 1780
Il faisait si chaud ! Marie-Antoinette, délaissant ses habits d’apparat, avait revêtu ce matin-là une simple robe de soie blanche garnie d’une large ceinture de satin bleu. Assise au frais sous un arbre, ses cheveux blonds relevés en chignon et coiffés d’un large chapeau de paille, elle tenait dans ses bras une jolie corbeille de roses.
– Levez un peu la tête, s’il vous plaît, lui demanda Élisabeth Vigée-Lebrun d’une voix douce. Le menton plus haut…
La souveraine obéit de bonne grâce à sa portraitiste préférée qui, mine de plomb en main, croquait son modèle avec habileté.
Par-dessus son épaule, sa protégée, Hermine Charvey, observait le dessin d’un œil admiratif. Élisabeth, « Lisette », comme la surnommait la reine, était à vingt-cinq ans la peintre la plus renommée de la Cour. Cette jolie brune savait mieux que personne mettre en valeur ses modèles dans des attitudes du quotidien. On était bien loin de ce maintien rigide et digne que les aristocrates affectionnaient autrefois sur leurs portraits !
– Parfait, Votre Majesté, reprit Mme Vigée-Lebrun. Ce mouvement du menton ajoute de la noblesse à la pose, et vos roses sont ravissantes.
Aimée de Croisselle lança un regard empli de fierté à Roselys d’Angemont, sa cousine. Ces fleurs, c’était elle qui en avait créé la variété, après des mois de travail.
– Si je n’étais pas reine, plaisanta Marie-Antoinette, on trouverait que j’ai l’air insolent avec ce menton levé, n’est-ce pas ?
Les jeunes filles de sa suite, assises dans l’herbe à ses pieds, se récrièrent aussitôt.
– Qui donc pourrait penser une telle chose ! répliqua Aglaé de Guiche. Vous, l’air insolent ? Il n’y aurait guère que quelques rustres du peuple pour le croire.
– C’est impossible, Madame ! approuva Louise de Polastron. Tout le monde vous aime !
Marie-Antoinette répondit par un sourire ravissant, sans pour autant être dupe. Et elle plaisanta de nouveau tout en gardant la pose :
– Ah, mes chéries, que vous êtes mignonnes ! Allons, je n’ignore point que les mauvaises langues m’affublent de noms d’oiseaux. Depuis une semaine, je les entends sur mon passage à Versailles… Dieu que les courtisans sont méchants ! Pourtant, je ne fais guère de mal. Jouer au théâtre est un passe-temps bien innocent qui ne dérange personne…
Roselys d’Angemont se mordit les lèvres. La reine oubliait-elle que l’Église réprouvait le théâtre, et que les comédiennes étaient souvent assimilées à des femmes de mauvaise vie ?
Yolande de Polignac, l’amie intime de Marie-Antoinette, persifla :
– Laissez, Madame. De toute façon, tout leur est bon pour vous critiquer.
– Vous avez raison, mon cher cœur. Rien ne va jamais. Tenez, on m’a accusée d’abandonner Versailles. Depuis huit jours, j’y rentre tous les soirs et je subis cette maudite étiquette sans broncher. Je participe aux repas en public avec mon époux. Je m’oblige à rester impassible à ces stupides et interminables « levers » et « couchers » qui m’ennuient à mourir, et pourtant tous continuent à me faire des museaux de chats dégoûtés par du lait tourné !
Extraits
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