#Polar

Maigret : Maigret et le client du samedi

Georges Simenon

Un entrepreneur du quartier des Abesses menace de tuer sa femme et son amant, qui depuis deux ans s'est installé dans le foyer familial...

Par Georges Simenon
Chez LGF/Le Livre de Poche

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Certaines images, sans raison, sans que nous y soyons pour rien, se raccrochent à nous, restent obstinément dans notre souvenir alors que nous sommes à peine conscient de les avoir enregistrées et qu’elles ne correspondent à rien d’important. Ainsi, sans doute, Maigret, des années plus tard, pourrait-il reconstituer minute par minute, geste par geste, cette fin d’après-midi sans histoire du Quai des Orfèvres.

D’abord la pendule de marbre noir, aux ornements de bronze, sur laquelle son regard s’était posé alors qu’elle marquait six heures dix-huit, ce qui signifiait qu’il était un peu plus de six heures et demie. Dans dix autres bureaux de la P.J., chez le grand patron comme chez les autres divisionnaires, des pendules identiques étaient flanquées de leurs candélabres et, depuis des temps immémoriaux, elles retardaient aussi.

Pourquoi cette pensée le frappait-il aujourd’hui et pas les autres jours ? Un instant, il se demanda dans combien d’administrations, de ministères, un certain F. Ledent, dont la signature, en belle anglaise, figurait sur le cadran blême, avait fourni jadis un lot de ces pendules et il rêva aux tractations, aux intrigues, aux pots-de-vin qui avaient précédé un si important marché.

F. Ledent était mort depuis un demi-siècle, peut-être un siècle, à en juger par le style de ses pendules.

La lampe à abat-jour vert était allumée, car on était en janvier.

Dans le reste de la maison aussi les lampes étaient pareilles.

Lucas, debout, glissait dans une chemise jaunâtre les documents que Maigret venait de lui passer l’un après l’autre.

— Je laisse Janvier au Crillon ?

— Pas trop tard. Envoie-lui quelqu’un ce soir pour le relayer.

Il venait d’y avoir, coup sur coup, comme toujours, une série de vols de bijoux dans les palaces des Champs-Élysées et on avait établi dans chacun une surveillance discrète.

Maigret, machinalement, pressait un timbre électrique. Le vieux Joseph, l’appariteur à chaîne d’argent, ne tardait pas à ouvrir la porte.

— Plus personne pour moi ? demandait le commissaire.

— À part la folle...

Ce n’était pas important. Il y avait des mois qu’elle pénétrait deux ou trois fois la semaine au Quai des Orfèvres, se glissait sans mot dire dans la salle d’attente où elle se mettait à tricoter. Elle ne s’était jamais fait annoncer. Le premier jour, Joseph lui avait demandé qui elle désirait voir.

Elle lui avait souri d’un air malicieux, presque espiègle, et avait répondu :

— Le commissaire Maigret m’appellera quand il aura besoin de moi...

Joseph lui avait tendu une fiche. Elle l’avait remplie d’une écriture régulière qui sentait le couvent. Elle s’appelait Clémentine Pholien et habitait rue Lamarck.

Cette fois-là, le commissaire l’avait fait recevoir par Janvier.

— On vous a convoquée ?

— Le commissaire Maigret est au courant.

— Il vous a envoyé une convocation ?

Elle souriait, menue, gracieuse malgré son âge.

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12/12/2011 157 pages 6,20 €
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