#Roman francophone

Mémé dans les orties

Aurélie Valognes

Ferdinand Brun, 83 ans, solitaire, bougon, acariâtre, certains diraient : seul, aigri, méchant, s’ennuie à ne pas mourir. Son unique passe-temps ? Eviter une armada de voisines aux cheveux couleur pêche, lavande ou abricot. Son plus grand plaisir ? Rendre chèvre la concierge, Mme Suarez, qui joue les petits chefs dans la résidence. Mais lorsque sa chienne prend la poudre d’escampette, le vieil homme perd définitivement goût à la vie... jusqu’au jour où une fillette précoce et une mamie geek de 93 ans forcent littéralement sa porte, et son coeur. Un livre drôle et rafraîchissant, bon pour le moral, et une véritable cure de bonne humeur !

Par Aurélie Valognes
Chez LGF/Le Livre de Poche

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Genre

Littérature française (poches)

À Laetitia.

 

 

PROLOGUE


Déménager à la cloche de bois

 

Avachi sur sa valise, Ferdinand Brun, quatre-vingt-trois ans, contemple, impuissant, son appartement, qu’il quitte pour toujours. Lui qui déteste les déménagements. Lui qui déteste la vie en communauté. Lui qui déteste les gens. Comment en est-il arrivé là ?

Son cœur se serre.

Il inspire profondément : l’odeur de naphtaline emplit ses narines. Le parfum familier l’apaise immédiatement. Cette odeur va lui manquer, le papier peint marron à grosses fleurs aussi, même s’il ne l’a jamais aimé.

Il s’est habitué à toutes ces choses. Ses meubles sous bâche. Ses livres rangés dans des sacs plastique. À l’abri de la poussière. Du temps. De la vie.

Cela fait des années que Ferdinand habite reclus, sans famille, sans ami. Il l’a cherché en un sens. Tout au long de son existence, il a fait ses choix, seul. Rarement les bons. Toujours dictés par des rancœurs ou des pulsions. Il n’a cependant jamais changé de cap, ni montré qu’il avait tort. Ses faiblesses, ses erreurs, ou juste ses sentiments, il les a toujours gardés pour lui. Un vrai Bélier, comme disait sa grand-mère.

Alors, comment a-t-il pu laisser un inconnu le piéger et influer sur son destin ? Lui qui déteste qu’on lui dise quoi faire ! À son âge, en plus. Et puis, il ne supportera jamais de vivre aussi loin de chez lui.

Là-bas, il le sait, on va tenter de l’infantiliser, de le transformer en papy guimauve. Pas folle la guêpe ! Et puis, toutes ces vieilles harpies… Non. Ça ne va pas être possible. Ras le bol, de ces bonnes femmes !

Cela fait plus de vingt minutes que Ferdinand, chaudement vêtu, attend son taxi.

Il fouille dans ses souvenirs à la recherche du moment exact où son destin a commencé à lui échapper. Tout a débuté ici même, il y a trois ans. Dès son arrivée, ça n’a pas collé avec les voisines. Et il y a un an exactement, la situation s’est dégradée, sans qu’il sache pourquoi. Le vieil homme est en train de se remémorer les événements qui se sont succédé, quand le téléphone résonne dans l’appartement. Il faut un certain temps à Ferdinand pour réaliser que la sonnerie lui est destinée. Il se lève alors brutalement, chancelant. Cela ne fait ni une ni deux, Ferdinand décroche et raccroche dans un mouvement sec, agrémenté d’un :

– Non mais on croit rêver ! On peut pas être tranquille chez soi ! Y a toujours quelqu’un pour nous emmerder ! Et aujourd’hui, en plus !

Ferdinand arrache la prise du téléphone du mur et retourne se poster dans l’entrée.

À aucun moment, le vieil homme ne pense que ce coup de fil puisse être important : tout le monde sait qu’il faut l’appeler entre 20 heures et 20 h 30. À aucun moment, il ne se dit que ce pourrait être le chauffeur de taxi. À aucun moment, il n’a conscience que cet appel aurait pu changer sa vie s’il avait écouté ce que la personne à l’autre bout du fil avait à lui dire.

Non. Perdu dans ses pensées, Ferdinand songe qu’il n’est peut-être pas trop tard pour tout arrêter. Ne dit-on pas que l’on a toujours le choix ? Il pourrait s’échapper, faire le mort : sa spécialité. Et s’il n’y allait pas, que se passerait-il ? Il serait juste égal à lui-même, prévisible dans son inconstance. Car, après tout, n’est-il pas toujours le vieillard acariâtre qui, pas plus tard qu’au nouvel an dernier, terrorisait ses voisines et dictait sa loi dans la résidence ? N’est-il pas toujours l’homme au passé trouble que tout le monde fuit ? Celui que l’on surnomme le serial killer ? Il y a forcément une porte de sortie. Il suffit de la trouver. Et de ne pas regarder en arrière.

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09/03/2016 254 pages 7,20 €
Scannez le code barre 9782253087304
9782253087304
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