#Polar

Meurtres pour mémoire

Didier Daeninckx

Le 17 octobre 1961, dans le contexte troublé de la guerre d'Algérie, une manifestation se tient à Paris et se heurte à une sanglante répression. Dans une rue déserte, un homme tombe, assassiné. L'inspecteur Cadin est chargé de l'enquête. Mais, au fil des pages, les découvertes font resurgir des moments, bien refoulés, de l'histoire de France. Des questionnaires progressifs de compréhension et d'analyse du texte. Des exercices de lecture d'images. Des exercices de vocabulaire à partir de champs lexicaux. Des travaux d'écriture. Une interview de Didier Daeninckx. Les grands thèmes de l'oeuvre 1. Roman policier ou roman noir ? 2. Mémoire et oubli 3. Une écriture engagée. Deux groupements de textes 1. Le roman policier dans tous ses états 2. Ecrire contre l'oubli. Recommandé pour la classe de 3e.

Par Didier Daeninckx
Chez Belin

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Editeur

Belin

Genre

Policiers

et Aurélie

En oubliant le passé,

on se condamne à le revivre.

La pluie se mit à tomber vers quatre heures. Saïd Milache s’approcha du bac d’essence afin de faire disparaître l’encre bleue qui maculait ses mains. Le receveur, un jeune rouquin qui avait déjà son ordre de mobilisation en poche, le remplaçait à la marge de l’Heidelberg.

Raymond, le conducteur de la machine, s’était contenté de ralentir la vitesse d’impression et il revenait maintenant à la cadence initiale. Les affiches s’empilaient régulièrement sur la palette, rythmées par le bruit sec que faisaient les pinces en s’ouvrant. De temps à autre Raymond saisissait une feuille, la pliait, vérifiait le repérage puis il glissait son pouce sur les aplats pour s’assurer de la qualité de l’encrage.

Saïd Milache l’observa un moment et se décida à lui demander l’une des affiches de contrôle. Il s’habilla rapidement et sortit de l’atelier. Le gardien faisait les cent pas devant la grille. Saïd lui tendit l’autorisation d’absence obtenue le matin en prétextant la maladie d’un proche. Trois motifs en moins de dix jours ! Il était temps que cela se termine.

Le gardien prit le papier et le mit dans sa poche.

— Eh bien Saïd, on dirait que tu les fabriques ! Si ça continue tu n’auras même plus besoin de venir jusqu’ici, tu enverras tes bons de sortie par la poste !

Il se contraignit à sourire. Les relations avec ses compagnons de travail restaient amicales tant qu’il s’efforçait de fermer son esprit à leurs incessantes remarques.

Lounès l’attendait plus haut, au coin du passage Albinel. Il lui fallait traverser le canal Saint-Denis et longer les cabanes de bois et de tôle qui avaient envahi les berges. Le pont faisait une bosse, et par temps clair, on voyait le Sacré Cœur en entier, derrière l’énorme cheminée en brique rouge de Saint-Gobain. Il ralentissait et s’amusait à bouger la tête pour placer la Basilique sur les collines de soufre entreposées dans l’enceinte de l’usine. Pour y parvenir, il se baissait parfois sans se soucier de l’étonnement des passants. En contrebas, sur le quai, une grue extrayait des profondeurs d’une péniche des blocs de métal qu’un Fenwick emmenait aussitôt vers les hangars de Prosilor.

Il traversa l’avenue Adrien Agnès pour s’enfoncer dans le quadrillage serré du bidonville. Quelques Français occupaient encore les maisons situées en périphérie. Deux vieilles femmes, de larges cabas de toile cirée à la main, discutaient à voix haute des mérites comparés de l’huile Dulcine et de la margarine Planta. Le café-épicerie du « Breton » était vide hormis un jeune garçon qui jouait au flipper.

Chez Rosa, chez Marius, Café de la Justice, l’Amuse Gueule, le Bar du Gaz. Les cafés, restaurants, hôtels, plus misérables les uns que les autres se succédaient maintenant. Au fil des années les propriétaires avaient revendu leur affaire à des Algériens et ceux-ci conservaient l’enseigne d’origine.

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19/08/2008 277 pages 5,60 €
Scannez le code barre 9782701148755
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