Paroles de femmes. Sur ces machos qui nous gouvernent

 « La femme est capable de réaliser les tâches les plus difficiles, de combattre au côté des hommes, et elle ne crée pas comme on le prétend de conflit d’ordre sexuel dans les troupes. »

CHE GUEVARA, La Guerre de guérilla.

Avant-propos

« Vas-y en jupe. Il adore les jolies femmes. » Le conseil est de mon rédacteur en chef, la veille de mon interview de Valéry Giscard d’Estaing. J’ai trente ans. Des années d’études et d’expérience professionnelle. Je suis atterrée. Nous sommes en 2006, presque quarante ans après la naissance du Mouvement de libération de la femme. Et pourtant lorsque l’on entre aujourd’hui les lettres « MLF » sur Google ou Yahoo, c’est « mouvement laïque français » qui apparaît en premier. Je me rends donc dans les bureaux de l’ancien président boulevard Saint-Germain… en pantalon. Ensemble nous balayons ses années de présidence, évoquées dans le troisième tome de ses mémoires, Le Pouvoir et la Vie. Choisir¹, qu’il s’apprête alors à publier. Le fameux petit déjeuner avec les éboueurs, sa complicité avec Helmut Schmidt ou Deng Xiaoping, la valise nucléaire et le risque de conflit avec l’URSS, le Téléphone rouge, l’exil intérieur de l’après-Élysée… Après deux heures d’entretien, et alors que nous ne nous étions jamais rencontrés avant ce jour, l’ancien président tient à me faire la bise pour me saluer. Ma ressemblance avec Lady Di n’est pourtant que très vague ! Jupe ou pas jupe, comme le disait Jean-Pierre Raffarin à propos d’un tout autre sujet, dans la sphère politique, pour les femmes, « la route est droite, mais la pente est forte »…

Régulièrement renvoyées à leur différence, les élues de la République et les collaboratrices de parlementaires et ministres vivent, elles, le machisme au quotidien. Il prend parfois les mêmes habits que dans l’entreprise, parfois d’autres. Réflexions sexistes, procès en incompétence, renvoi systématique à l’apparence, usage intempestif de la rumeur, refus de leur accorder des investitures pour les présenter au suffrage universel… Les hommes politiques établis ne manquent pas de ressources pour assurer leur domination, même si ceux qui sont issus de la jeune génération sont plus prudents. Le sort des proches, les époux des femmes politiques, par exemple, n’est pas plus enviable. Ils subissent un machisme inversé. Quant aux « femmes de », elles sont enfermées dans un rôle de faire-valoir, comme Anne Sinclair, ou réduite à la solitude, comme le dit pour la première fois ici, avec pudeur et humour, Marie-Laure de Villepin.

Le comportement des élus n’est certes pas un cas isolé. La société française tout entière est encore traversée par ces réflexes d’un autre temps. Mais le bât blesse plus particulièrement en politique car ces hommes élus par le peuple sont censés le représenter et donc tenus à un certain devoir d’exemplarité.

La parole est à l’accusation. Ségolène Royal, Nathalie Kosciusko-Morizet, Valérie Pécresse, Élisabeth Guigou, Chantal Jouanno, Marylise Lebranchu, Marielle de Sarnez et les autres… ces femmes investies dans la sphère publique ont décidé de dire « stop », dans ce livre, chacune à leur manière, anecdotes à l’appui. Elles assurent même être prêtes à s’unir pour faire reculer le machisme, et promouvoir leur manière originale d’exercer le pouvoir. Tout un programme…