#Essais

Petit dictionnaire des étymologies curieuses

Pierre Larousse

Notre livre est donc le vrai dictionnaire de la langue française ; c'est-à-dire qu'il en enseigne les mots non plus comme le font les dictionnaires, au hasard et d'une façon tout empirique, mais il donne la science des mots, comme la grammaire donne la science des règles. Quiconque a étudié cet ouvrage possède la raison des mots. [...] Il peut lire enfin, il peut parler.

Par Pierre Larousse
Chez Editions Manucius

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Genre

Critique littéraire

 

 

 

 

 

A

 

 

 

ACARIÂTRE. D’humeur fâcheuse. Il se rattache à ce mot une tradition anecdotique que nous donnons pour ce qu’elle vaut. Saint Acaire, évêque de Noyon, appelé en latin Acarius, passait autrefois pour avoir la puissance de guérir l’humeur des personnes aigres et querelleuses, qu’on menait en pèlerinage à sa chapelle, témoin ces vers d’un ancien poète :

Tu serais plus hors de sens

Que ceux qu’on mène à saint Acaire. (Eustache Deschamps)

On a induit de là que le mot acariâtre pourrait bien venir du nom de saint Acaire. Acariâtre, qu’on trouve écrit achariâtre, ne peut raisonnablement venir que du grec a privatif et charis, grâce, étymologie qui répond pleinement au sens intime du mot français. Toutefois plusieurs étymologistes le font venir de l’espagnol cara, visage, et du latin ater, noir, sombre.

 

 

ALCORAN. Mot formé de l’article arabe al et de Coran qui signifie livre, c’est-à-dire le livre par excellence. L’Alcoran est pour les musulmans ce qu’est pour nous la Bible (biblion, livre). L’usage a prévalu de dire le Coran au lieu de l’Alcoran, afin d’éviter l’emploi de deux articles, l’un français, l’autre arabe, anomalie qu’on a laissé subsister dans l’alcade, l’alcali, etc.

ALIBORON. Le savant Huet rapporte qu’un avocat, plaidant en latin et voulant dire que sa partie adverse n’était pas recevable dans les alibis qu’elle invoquait, s’écria : Nulla ratio habenda est isforum aliborum3. Le nom de cet affreux barbarisme resta à l’avocat, et fut depuis donné à l’ignorant qui se mêle de tout et veut parler de tout. La Fontaine l’a donné à l’âne :

Arrive un troisième larron

Qui saisit maître Aliboron.

 

AMADOU. AMADOUER. Dans la Revue de l’Instruction publique du 21 juin 1860, M. Charles Nisard donne de ces mots l’étymologie suivante : « Les anciens argotiers, ceux du moins qui avaient établi leurs pénates dans la cour des Miracles, et dont la profession était de vivre d’aumônes en simulant des infirmités, exprimaient la substance particulière au moyen de laquelle ils se faisaient paraître jaunes et malades, par le mot amadou… Quel était le but de cette grimace, sinon d’attirer les regards, d’exciter l’intérêt des passants, de les toucher, de les x, de les amadouer. »

Voilà une opinion qu’il nous est impossible de partager. L’amadou est une sorte d’agaric extrêmement doux au toucher. Ce mot est évidemment composé de l’adjectif doux, de la préposition à, et du vieux substantif man, pour main ; mot à mot, doux à la main. Amadouer est de la même famille. Qu’est-ce, en effet, qu’amadouer quelqu’un ? c’est le flatter, le caresser pour le rendre plus doux, plus traitable, plus bienveillant, plus facile. On peut ajouter que c’est le prendre en douceur avec des paroles aussi douces que l’amadou.

 

 

AMIRAL. Chef d’une armée navale. Ce mot, d’origine arabe, a été formé d’une manière très bizarre. Dans les autres mots empruntés à cette langue, l’article, quand nous l’avons accolé au substantif, le précède ; ici, au contraire, il le suit :amir-al. Cela vient de ce que amiral n’est qu’une altération de émyr albahir, chef de la mer, dont on a conservé le premier mot en le faisant suivre de l’article du second.

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17/03/2005 156 pages 13,20 €
Scannez le code barre 9782845780477
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