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Du recul. Je dois prendre du recul. Ce n’est pas comme si c’était un tremblement de terre, ou un tireur fou ou même une catastrophe nucléaire, quand même ! Sur l’échelle des désastres, ce n’est pas énorme. PAS énorme. Un jour, quand je me rappellerai ce moment, je rirai sûrement : « Ah ! ah ! Ce que j’étais bête de m’inquiéter… »
Arrête, Poppy ! Ne fais pas semblant ! Je ne ris pas – en fait, je me sens hyper mal. Comme une furie, je fais le tour des salons de l’hôtel, scrutant la moquette bleue à motifs, derrière les chaises dorées, sous les serviettes en papier froissé. Mais où peut-elle bien être ?
Je l’ai perdue. La seule chose au monde que je ne suis pas censée perdre. Ma bague de fiançailles.
Dire que c’est une bague exceptionnelle serait en dessous de la vérité. Elle est dans la famille de Magnus depuis trois générations. C’est une fabuleuse émeraude avec deux diamants qu’il a sortie du coffre de la banque juste avant de demander ma main. Je la porte tous les jours depuis trois mois sans le moindre problème. La nuit, je la pose religieusement dans une petite soucoupe en porcelaine ; le reste du temps, je la touche toutes les trente secondes pour m’assurer qu’elle est bien là… Et juste le jour où ses parents rentrent des États-Unis, je la perds ! Il a fallu que ça arrive ce jour-là !
À ce moment précis, Antony Tavish et Wanda Brook-Tavish, deux éminents professeurs, sont dans l’avion, de retour de six mois de congé sabbatique à Chicago en train d’avaler des cacahouètes grillées au miel et de lire des documents universitaires sur leur tablette Kindle respective. Je ne sais pas lequel des deux est le plus intimidant.
Lui : il est tellement sarcastique.
Non, elle. Avec ses cheveux frisés et cette manière de me bombarder de questions sur le féminisme.
OK. Tous les deux sont flippants. Alors l’idée qu’ils atterrissent dans une heure avec la ferme intention de voir la bague… Vous pouvez imaginez !
Bon. Calme-toi, Poppy. Sois positive. Je dois aborder le problème sous un autre angle. Comme par exemple… Tenez, à ma place, que ferait Hercule Poirot ? Il ne paniquerait pas. Il garderait son calme et utiliserait ses petites cellules grises pour se souvenir du détail minuscule mais vital qui le mettrait sur la bonne piste.
Je me frotte les yeux. Petites cellules grises, s’il vous plaît, volez à mon secours.
Évidemment, Poirot n’avait sans doute pas descendu trois coupes de champagne rosé et un mojito avant de résoudre le mystère de l’Orient-Express.
— Mademoiselle ?
Une femme de ménage aux cheveux gris me contourne avec son aspirateur. Mon Dieu ! Elles commencent déjà à passer l’aspirateur ? Mais elles vont avaler ma bague !
J’attrape sa blouse en nylon bleu.
— Vous pouvez me laisser encore cinq minutes avant de nettoyer ?
— Vous cherchez toujours votre bague ? Arrêtez de vous faire du mauvais sang ! Je suis sûre qu’elle est chez vous. Elle y a toujours été !
Extraits
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