#Polar

L'OTAGE DU TRIANGLE D'OR

Gérard de Villiers

Malko n'osait pas bouger. Sa vie ne tenait qu'à un fil. Avec une agilité rare, Khun Sa se leva soudain. Il n'était pas très grand, mais il émanait de lui une puissance étonnante. Son regard fixé sur Malko exprimait une haine incroyable. Sa main droite se glissa jusqu'à la crosse en ivoire de son colt et il l'empoigna, l'arrachant violemment de son étui.

Par Gérard de Villiers
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Policiers

PROLOGUE
Le paysage était d’une beauté sauvage. Du promontoire créé à coups de bulldozer on distinguait l’ancienne piste du Kuo-min-tang, un sentier étroit de latérite troué d’ornières qui se transformait en bourbier dès les premières pluies. Partant de la route de Chiangmai-Mae-Hong-Son, il s’enfonçait vers le Triangle d’Or, jusqu’en Birmanie. Le regard de Mike Herald embrassait une végétation d’un vert sombre que recouvrait d’un manteau uniforme une multitude de petites collines séparées de vallées étroites. Les seuls points de repère étaient, à l’est, le mont Doï That, avec ses 1 800 mètres, et à l’ouest, le Doï Khu, haut de 1 300 mètres.
La frontière entre la Thaïlande et la Birmanie sinuait au nord de ces deux pics, purement théorique. Elle comptait un point de passage contrôlé tous les cent kilomètres environ. Mais elle était traversée par des dizaines de pistes comme celle où se trouvait l’Américain. Des voies impraticables une partie de l’année, même pour des 4 x 4. Quelques postes de la Border Patrol Police thaïe étaient censés surveiller la frontière, du côté thaï, mais installés sur des pitons, les policiers ne sortaient guère, et surtout pas la nuit.
Du côté birman, il n’y avait rien. Toute cette zone était sous le contrôle du « général » Khun Sa, métis shan-chinois considéré par la majorité des gens normaux comme un des plus grands trafiquants de drogue du monde, et par quelques naïfs comme un courageux leader indépendantiste désireux d’arracher le pays shan aux griffes du SLORC1, dernière incarnation de la junte totalitaire birmane.
Depuis plusieurs années, Khun Sa régnait sans partage sur l’Etat shan peuplé de huit millions d’habitants, une zone de vallées perdues, de collines et de hauts plateaux, recouverte d’une jungle épaisse, grande comme le quart de la France et soumise à aucune autorité légale. Les vingt mille soldats de la MTA2, l’armée privée de Khun Sa, suffisaient amplement à contenir les molles attaques de l’armée birmane ou des bandes rivales du Yunnan ou du Laos. C’est que le Triangle d’Or méritait bien son nom... Chaque année, Khun Sa expédiait en direction du monde civilisé environ cent cinquante tonnes d’héroïne de la meilleure qualité – White china ou N° 4 — à travers ces innombrables pistes secrètes.
Le pavot était cultivé plus au nord, dans le pays kachin birman ou au Laos, les raffineries installées au bord des rivières du pays shan.
Dans la journée, rien n’était visible, les pistes restaient désertes. Le trafic commençait dès la nuit tombée, en pick-up, à cheval, à pied même. Des centaines de « fourmis », qui achetaient le container de 700 grammes d’héroïne 100 000 baths3chez Khun Sa pour le revendre 150 000 à Chiangmai, plaque tournante du trafic, quarante kilomètres plus au sud, se mettaient en route.
Mike Herald, au bord de la nausée, contemplait le moutonnement vert. La jungle, il n’aimait pas. Il préférait encore le béton bourgeonnant et la pollution de Bangkok, où il dirigeait la station de la Central Intelligence Agency depuis cinq ans.
Il avait chaud, le siège était trop petit pour ses cent dix kilos et sa panse de buveur de bière. Excédé, il ouvrit d’un coup d’épaule la portière de la Suzuki louée à Chiangmai, pour aller se dégourdir les jambes sur le petit promontoire gagné sur la jungle. Le silence était absolu, à part le bruissement des insectes, et la chaleur accablante. Des mouches piquaient sa nuque couverte de sueur. Son regard se reporta sur la piste déserte. La circulation locale « officielle » s’arrêtait au village précédent, Nan-mon. Ensuite, vingt kilomètres plus au nord, on trouvait Mai-lun, mais c’était en territoire birman et la frontière était fermée par une barrière en bois symbolique, cadenassée, qui coupait la piste.
Mike Herald alluma l’avant-dernière cigarette de son paquet de Lucky Strike avec l’inusable Zippo qui ne l’avait jamais quitté depuis les rizières de Ca-Mau et portait sur une de ses faces une devise lapidaire : Live by chance, Love by choice, Kill by profession 4. Il consulta sa montre.
Cinq heures dix. Matt Grit avait près de deux heures de retard.
Le risque qu’il ait fait une mauvaise rencontre était négligeable. Cette piste était « agréée » par la Border Police thaïe. C’est-à-dire qu’en échange de substantiels bakchichs, les policiers thaïs assuraient à leurs supérieurs qu’elle n’était empruntée que par quelques villageois birmans venant se procurer les produits de première nécessité qui manquaient cruellement chez eux.
Pourtant, dès la nuit tombée, des pick-up partaient de Mae-Hong-Son, de Nam-ka, de Pai, chargés de riz, de viande, de munitions. Direction Ho-mong, « capitale » de l’Etat shan, de l’autre côté de la frontière ; deux à cinq heures de route, selon l’état de la piste.
Au retour, les véhicules ramenaient de l’héroïne... Bien entendu, jamais leurs propriétaires ne conduisaient eux-mêmes, ils laissaient cet honneur à des jeunes gens qui risquaient dix ans de prison pour 5 000 baths 5.
En effet, quelques malfaisants des Special Forces de l’armée thaïe, grassement rétribués par la DEA6 américaine, tendaient parfois des embuscades, et confisquaient quelques kilos d’héroïne, lorsque leur puissance de feu le leur permettait.
Ces velléités légales n’allaient jamais très loin... Quand un de ces chasseurs de prime tapait trop fort, mettant en péril l’approvisionnement en héroïne des gros marchands de drogue, on retrouvait sa tête piquée au bout d’un bambou, à un virage de la piste KMT.
Mike Herald réprimait une sensation de malaise. En dépit du silence et du calme, il se sentait moins en sécurité que dans les rues de Bangkok. Il avait l’impression qu’on l’observait. La Loi s’arrêtait à la route goudronnée aux deux mille virages, entre Chiangmai et Mae-Hong-Son. Au-delà, c’était le Far West, en plus féroce ; et en cas d’incident, la « cavalerie » n’arrivait jamais : à l’apparition de la première étoile, les policiers de la Border Police se calfeutraient frileusement dans leurs quartiers avec du coton dans les oreilles.
Cinq heures vingt ! L’Américain commençait à s’angoisser sérieusement, et pestait intérieurement contre son impuissance. Pas question de s’avancer sur la piste au-devant de Matt Grit. Des « sonnettes » invisibles la jalonnaient, et une rafale de M. 16 pouvait mettre fin à l’audace d’un voyageur imprudent.
Revenu à la Suzuki dont la tôle lui brûlait les doigts, Mike Herald vérifia machinalement la présence de son Uzi glissé dans son sac de sport. Avec l’arme, il retrouva un numéro du jour du Bangkok Post, acheté à l’aéroport. Pendant le voyage, il s’était endormi et n’avait pas pris le temps de le lire.
La « une » était inévitablement consacrée aux à-coups de la politique intérieure thaïe. Il ouvrit le quotidien et la manchette de la page 3, sur huit colonnes, lui sauta à la figure : « TOP AIDE OF DRUG WARLORD KHUN SA READY TO BE EXTRADITED TO U.S. »7
Il lut avidement l’article. Grâce à une collaboration sans faille entre la DEA et l’ONCB8 thaïlandais, la police avait arrêté une dizaine de trafiquants d’héroïne, qui écoulaient la production de Khun Sa.
Aux yeux de la DEA, ce dernier était le Diable en personne. Mike Herald, lorsqu’il était arrivé à Bangkok pour prendre la direction locale de la CIA, avait eu droit à un briefing de ses collègues de la DEA. Ils lui avaient désigné sur une carte les dix-sept laboratoires d’héroïne situés sur le territoire contrôlé par Khun Sa, l’adjurant de n’avoir aucun contact avec lui. La CIA avait mauvaise réputation en Asie du Sud-Est... Durant les années 70, à cause de la guerre du Vietnam, l’héroïne du Triangle d’Or avait souvent voyagé sur les avions d’Air America. Il fallait alors à tout prix faire basculer du bon côté les Meos et les Yaos producteurs d’opium. La guerre terminée, ceux-ci avaient perdu de leur importance, mais la DEA continuait à se méfier.
Du côté des Thaïs, le gouvernement avait mis à prix la tête de Khun Sa, mais pour 50 000 dollars seulement, ce qui relativisait fortement les déclarations martiales des responsables de l’ONCB. En réalité, Khun Sa faisait entrer chaque année en Thaïlande un bon milliard de dollars. Argent qui celui-là n’était pas théorique. La DEA estimait que 1 % de la croissance annuelle du PNB thaï provenait des coupables activités de Khun Sa. Aussi, les Thaïlandais s’étaient-ils contentés d’arracher les champs de pavot situés sur leur territoire, ce qui avait provoqué la hausse instantanée du prix de l’héroïne, et du même coup une augmentation des profits de Khun Sa...
Les Birmans étaient les seuls qui auraient pu mettre fin aux exploits du trafiquant. Mais ils ne montraient pas un enthousiasme excessif. Les Américains étaient persuadés que les officiers supérieurs birmans étaient secrètement les associés de Khun Sa. Ils lui fournissaient les produits chimiques indispensables à la transformation de l’héroïne, contre une part de ses fabuleux profits.
La Birmanie était de toute façon un cauchemar pour les responsables de la Maison Blanche. S’obstinant à refuser toute forme de démocratisation, même formelle, ce pays était devenu un univers ubuesque et clos où une poignée d’officiers s’accrochaient farouchement au pouvoir, après avoir mis en résidence surveillée, cinq ans avant, le chef de l’opposition démocratique, la belle Aung San Suu Kyi, et avoir massacré la plupart de ses partisans.
Alors, la CIA avait reçu l’ordre d’évaluer les forces alternatives à la junte au pouvoir. Il n’y en avait que deux : les Karens et les Shans. Concernant ces derniers, cela signifiait évaluer le poids politique réel du général Khun Sa. Mike Herald avait été chargé de cette petite et obscure mission « Humint »9. La Birmanie n’était pas en tête sur l’agenda du président Clinton, et c’était simple, sur le papier.
Peut-être que Mike Herald se serait contenté d’un rapport creux basé sur des on-dit et des sources « ouvertes », si le hasard n’avait pas volé à son secours. Depuis longtemps, le chef de station de la CIA à Bangkok était lié avec Matt Grit, comme lui ancien combattant du Vietnam, qui, amoureux de l’Asie, s’était installé à Bangkok pour y faire des affaires. Officiellement, il dirigeait une société s’occupant de télécommunications et de téléphonie par satellite : la Far East Communication Corporation.
Très peu de gens savaient que Matt Grit travaillait pour la CIA depuis 1963. D’abord, comme field officer pour des missions spéciales. Ensuite, comme clandestin, à Bangkok, Sa couverture lui permettait de pénétrer des milieux très divers et d’effectuer de nombreuses missions ultra-secrètes d’écoutes « classifiées », notamment dans les affaires de blanchiment d’argent. Parlant chinois et thaï, il était précieux.
Un jour, il était venu dîner discrètement chez Mike et lui avait fait part d’une information particulièrement hot.
Il avait été contacté par un businessman chinois qui lui avait demandé si sa compagnie pouvait améliorer le système de communication satellite de Khun Sa ! C’était tellement inespéré que Mike l’avait pressé d’accepter. Cela n’avait posé aucun problème.
Pour la forme, Matt Grit avait discuté les tarifs, exigé une importante avance. Quoi d’étonnant à ce que Khun Sa fasse appel à des Américains ? Le trafiquant n’était pas sectaire et professait une admiration sans borne pour des personnages aussi divers qu’Hô Chi Minh et George Washington...
Les Chinois avaient sûrement enquêté sur la Far East Communication Corporation, mais celle-ci était « claire », exerçant une véritable activité.
Matt Grit avait donc donné rendez-vous au représentant de Khun Sa sur cette piste, et s’était fait accompagner par un de ses « collaborateurs », Mike Herald. Cinq jours plus tôt, ils s’étaient retrouvés à l’aéroport de Chiangmai pour prendre la route. A l’endroit indiqué, un Thaï massif aux cheveux coupés en brosse attendait au volant d’un pick-up noir Toyota. Il leur avait exhibé une carte plastifiée jaune de la MTA ornée de sa photo, et il était reparti avec Matt Grit. Il devait le ramener cinq jours plus tard, même heure, même endroit. C’est-à-dire trois heures de l’après-midi...
Mike Herald replia le journal, l’estomac tordu par l’angoisse. Certes, l’opération menée par la DEA n’avait rien à voir avec la sienne, mais ce coup de filet avait pu semer la panique dans la zone frontière ; peut-être l’envoyé de Khun Sa ne voulait-il plus se risquer en Thaïlande. Mike Herald essayait de chasser de son cerveau une autre explication.
Réinstallé dans la Suzuki, il décida que si Matt Grit n’était pas arrivé à six heures, il reviendrait le lendemain à la même heure au rendez-vous.
Un peu plus tard, alors qu’il scrutait machinalement les tronçons de la piste qui émergeaient de l’océan vert, il aperçut enfin, venant du nord, un véhicule. Celui-ci franchissait un mini-col ; il disparut aussitôt dans un creux de la jungle. Mike Herald repéra peu après un nuage de poussière rougeâtre. Il n’avait pas rêvé. Une voiture se rapprochait, venant de la frontière.
Un pick-up Toyota noir émergea du virage précédant le promontoire. Mike Herald sauta de la Suzuki au moment où il s’arrêtait sur le terre-plein. Le conducteur, seul dans la cabine, descendit à son tour. C’était le Thaï massif aux cheveux très courts qui avait emmené Matt Grit.
– Où est Matt Grit ? aboya Mike Herald. Ça fait deux heures et demie que j’attends.
L’autre ne se troubla pas.
– Le général lui a demandé de rester à Ho-mong. Je suis venu vous prévenir.
– Jusqu’à quand ?
Presque de la même taille, ils se toisaient sans aménité. Avec son visage large au nez épaté, ses petits yeux noirs profondément enfoncés, sa voix tonitruante et sa carrure de lutteur, Mike Herald était plutôt impressionnant.
Lorsqu’il était en colère, comme maintenant, il émanait de lui une brutalité animale, primitive. L’envoyé du général Khun Sa ne parut cependant guère perturbé.
– Je l’ignore, répliqua-t-il. Je suis seulement chargé de vous remettre une lettre deKhun10 Grit.
Il tira de la poche de sa chemise kaki une enveloppe cachetée qu’il tendit à l’Américain, avant de faire demi-tour pour regagner son véhicule.
– Hold it ! lança Mike Herald d’une voix tremblante de fureur.
Le Thaï s’arrêta. Mike déchira l’enveloppe et découvrit une carte portant quelques lignes de la main de Matt Grit. Le message était très court : « Mike, il y a un gros problème. Le général sait qui je suis. Il a décidé de me retenir ici. Il exige en échange de ma libération qu’on lui livre Lo Te Ming, le type qui a demandé à être extradé. Fais ce que tu peux. Tout va bien, j’ai le moral. »
Il y avait un post-scriptum : « Tu peux prendre de mes nouvelles ou communiquer des informations en appelant le 01 953 7598. »
Le numéro d’un téléphone portable... L’écriture de Matt Grit était ferme. Et pourtant, il était retenu en otage. Lo Te Ming était le bras droit de Khun Sa que la police avait arrêté. Il avait accepté de collaborer avec elle à condition d’être extradé. Si Khun Sa voulait le récupérer, ce n’était pas pour lui tresser des couronnes...
– Je peux partir ?
Le balèze thaï attendait, impassible. Mike Herald se sentit pris d’une brutale envie de meurtre, mais parvint à se dominer. Il lança :
– Alors, Khun Sa a pris Matt Grit en otage !
– Je ne sais pas.
La fureur de Mike Herald redoubla. Il leva un doigt menaçant en direction de l’envoyé de Khun Sa.
– Dis à ton enculé de général que si jamais il touche un cheveu de Matt, je viendrai lui arracher les couilles moi-même.
Le Thaï ne broncha pas, comme s’il n’avait pas compris. Il regagna son Toyota, fit demi-tour et repartit vers la frontière. Mike Herald demeura tétanisé quelques instants, puis se hissa dans la Suzuki. Des questions se bousculaient dans sa tête. Comment Khun Sa avait-il pu savoir que Matt Grit appartenait à la CIA ? Jusqu’où irait son chantage ? Y avait-il une chance de lui donner satisfaction ?
Les prises d’otage étaient monnaie courante en Asie, mais les mobiles étaient souvent crapuleux, et avec de l’argent on pouvait négocier... Pied au plancher, l’estomac plombé, Mike Herald conduisait si vite qu’il rata une ornière et se renversa presque. Jurant comme un charretier, il redressa et continua sa descente vers la route goudronnée. Il aurait donné n’importe quoi pour être déjà à Bangkok.
Néanmoins ses relations avec les Thaïs devaient bien lui permettre de trouver un moyen de récupérer ce Lo Te Ming, même si cela coûtait cher. Pour une affaire semblable, il ne lésinerait pas. Depuis le Vietnam, les Américains pratiquaient une règle absolue : faire n’importe quoi pour récupérer un homme tombé aux mains de l’ennemi.
Il était dans un tel état qu’il réalisa à peine qu’il n’était plus secoué comme un prunier et qu’il roulait désormais sur du goudron. Il attrapa son paquet de Lucky, alluma la dernière cigarette, aspira avidement la première bouffée, et la fumée odorante dissipa provisoirement les visions d’horreur qui défilaient dans sa tête.
Il n’aurait pas voulu être à la place de Matt Grit.
John Simpson, le numéro un de la DEA en Thaïlande, un Noir fluet à la peau anthracite, bardé de diplômes, dont les grosses lunettes à monture d’acier accentuaient le côté intellectuel, recula derrière son bureau, comme si Mike Herald allait le frapper. Blanc de rage, ce dernier éructait ses reproches d’une voix à faire trembler les murs !
– Vous ne pouviez pas me dire que vous aviez une opération en cours contre Khun Sa ! Shit ! Nous travaillons pour le même gouvernement, non ?
Ses petits yeux injectés de sang fixaient Simpson. Le Noir était terrifié, intérieurement, comme face à un éléphant qui va charger. Il n’avait jamais aimé Mike Herald, homme de terrain souvent débraillé qui ne dédaignait pas les virées à Patpong. Un marginal, mais excellent professionnel, alors que lui faisait tout ce qu’il pouvait pour ressembler à un WASP11, bien convenable, à l’accent bostonien. Il baissa les yeux sur le tiroir où il gardait toujours une arme. Est-ce que son Beretta 92 était armé ?
Il avait peur de Mike Herald. Il plaqua sur ses traits tendus un sourire qui se voulait apaisant.
– Mike, nous n’aurions pas divulgué cette information, même au Président ! Il y allait du succès de l’opération. « Tiger Trap » va faire beaucoup de mal aux bad boys, Khun Sa s’en souviendra. Les hommes que nous avons arrêtés constituent toute son ossature clandestine dans ce pays. Quant à Lo Te Ming, c’est le bras droit de Khun Sa, il sait tout de ses affaires. Dès qu’il sera à l’abri, il se mettra à table.
Il s’en pourléchait les babines d’avance... avec un sourire fat.
Mike Herald avait l’impression que son cœur allait éclater. « Enculé de putain de négro », pensa-t-il. Au prix d’un effort surhumain, il réussit à contrôler sa respiration et, attirant une chaise, s’assit. 
 

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21/04/2016 326 pages 7,95 €
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