#Polar

La piste de Brazzaville

Gérard de Villiers

Le Noir avança, balayant l'air de sa baïonnette à l'horizontale, bien excité à éventrer Malko. Comme si la vue du sang l'avait excité. La pointe de la lame arracha un bout de chemise, la coupant comme avec un rasoir. Malko, le ventre creusé, le dos au mur, ne pouvait pas reculer davantage. Il vit le tueur se ramasser, l'avant-bras replié, visant son abdomen...

Par Gérard de Villiers
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Policiers

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CHAPITRE PREMIER
Les torchères des forages « off shore » scintillaient comme des étoiles lointaines et rougeâtres, au large de la langue de terre baptisée « Côte Sauvage » marquant la limite ouest de Pointe-Noire. Cette presqu’île de sable grisâtre ne présentait, en dépit de son nom, aucun relief particulier. De jour, c’était tristounet et la seule distraction, la nuit, était d’observer la myriade de lucioles artificielles piquetant la nuit. L’Atlantique, de Libreville au Gabon, au nord, à l’enclave de Cabinda, au sud, était saupoudré de ces sangsues d’acier qui pompaient l’or noir vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Issam Hadjez arrêta sa voiture en bordure de la plage déserte, en descendit et, sans un regard pour le spectacle, se retourna vers le véhicule et lança d’une voix agacée :
– Alors, tu viens, Eugénie ?
Eugénie Kangou pivota avec une lenteur voulue, dépliant ses longues jambes café au lait découvertes jusqu’en haut des cuisses par une robe ultra-courte, quasiment de la même couleur que sa peau, collante comme un gant. À peine debout, d’un geste coutumier, elle se pencha en avant, tirant sur le tissu pour le descendre un peu, faisant du même coup saillir sa croupe et tendant le stretch sur ses seins épanouis. À l’inverse de la plupart des Africaines, Eugénie Kangou possédait une arrogante poitrine qu’elle promenait orgueilleusement dans tous les bars de Pointe-Noire. Avec ses cheveux crépus taillés au carré, elle ressemblait vaguement à Grâce Jones, ce qui en faisait la pute la plus recherchée de tout l’Ouest du Congo. L’après-midi on pouvait admirer son corps pulpeux au bord de la piscine de l’hôtel Zamba où il était rare qu’un « expatrié » ne succombe pas, piétinant allègrement les risques de SIDA pour un moment agréable passé entre ses cuisses fuselées.
Elle fit quelques pas maladroits sur ses escarpins trop hauts, maugréant contre le trottoir défoncé. Comme elle arrivait à la hauteur d’Issam Hadjez, le Libanais lui flatta la croupe, enfonçant le tissu entre la raie de ses fesses et la poussant sournoisement vers la grande plage déserte à cette heure tardive.
Elle se dégagea d’un coup de hanche et lui lança, ironique :
– Je croyais qu’on allait chez toi...
Issam Hadjez habitait un peu plus loin, dans une des somptueuses demeures qui bordent la Côte Sauvage, face à la plage.
– Arrête tes conneries ! répliqua-t-il sans même se mettre en colère. Et viens !
Eugénie fixa, au-delà du sable, la ligne blanche des rouleaux de l’Atlantique, qui se brisaient avec un grondement sourd, et dit d’une voix bougonne :
– J’aime pas le sable ; après, on en a partout...
Issam Hadjez sentit la moutarde lui monter au nez. Il l’avait emmenée dîner à La Pizzeria, le restaurant chic de Pointe-Noire, pratiquement réservé aux « expatriés », où seuls les garçons étaient noirs. En plus, il s’apprêtait à lui donner généreusement 10 000 F1 pour sa future prestation, alors il ne fallait pas pousser ! Le Libanais avait une position trop en vue à Pointe-Noire pour aller dans un hôtel avec Eugénie et puis ses envies étaient simples. Du genre qu’on pouvait satisfaire en quelques minutes. Il avait déjà tâté des charmes d’Eugénie Kangou et y revenait régulièrement. En plus, il ne voulait pas rentrer trop tard, pour ne pas inquiéter sa femme.
Il serra le bras de la Noire, furibond.
– On va pas faire ça sur le capot, non ?
– Non, mais je veux pas aller sur la plage. Allons sur la digue, répliqua Eugénie.
Ce qu’elle appelait la digue était en fait une longue structure métallique qui partait de la route un peu plus loin, enjambant la plage, avançant de plusieurs centaines de mètres au milieu de l’Atlantique, terminée par une batterie de grues. Une jetée pour l’embarquement du phosphate, désaffectée depuis l’inondation de la mine. Un coin tranquille pour les amoureux...
Sans attendre la réponse de son client, Eugénie Kangou se mit en marche vers la digue, balançant paresseusement son cul somptueux sous le nez du Libanais, sûre qu’il suivrait, comme la limaille de fer va vers l’aimant.
Les deux grosses chaînes d’or ornant la poitrine d’Issam Hadjez cliquetèrent légèrement lorsqu’il rattrapa la Noire et posa une main possessive sur ses fesses, salivant d’avance. Une centaine de mètres plus loin, ils empruntèrent un des escaliers rouillés permettant d’accéder à la digue. Dix mètres plus haut, le vent de la mer rendait le fond de l’air presque frais. Eugénie fit claquer ses talons sur les plaques de métal, s’éloignant vers l’extrémité où se dressaient les grues immobiles. On les distinguait à peine dans la pénombre. À part les claquements des talons d’Eugénie, le clapot de l’océan sur les piliers rouillés était le seul bruit à la ronde.
– Hé, on va pas aller jusqu’au bout !
Issam Hadjez s’essoufflait à suivre les longues enjambées d’Eugénie Kangou. Plus petit qu’elle et bien enveloppé, il réduisait d’habitude ses efforts physiques au strict minimum.
Il rattrapa la Noire et la coinça contre la rambarde métallique, glissant immédiatement une main avide sous sa robe, pinçant de l’autre les pointes de ses seins à travers le tissu, le sommet de son crâne dégarni à la hauteur du menton d’Eugénie. Très vite, il se mit à souffler comme un bœuf, le ventre en feu. Sous sa robe de stretch, Eugénie Kangou ne portait qu’un string minuscule, dégageant totalement sa croupe ferme à la cambrure insolente. Issam Hadjez passa les deux mains sous la robe et se mit à pétrir les globes jumeaux, haletant d’excitation. Eugénie se laissait faire, les bras ballants, regardant vaguement les torchères flambant à l’horizon. Brusquement, Hadjez la décolla de la rambarde métallique et la fit pivoter, prenant sa place, le dos à la plage.
– À toi ! fit-il simplement.
Avec lui, c’était réglé comme du papier à musique. D’un geste preste, Eugénie tira sur le zip de son pantalon, faisant jaillir le sexe déjà dressé. S’accroupissant, elle l’enfonça dans sa bouche. Issam Hadjez exhala un soupir ravi. Eugénie Kangou ne volait pas ses sous... Bien calé contre la rambarde, il regardait la tête crépue monter et descendre le long de son ventre, son membre enfermé dans un délicieux fourreau brûlant, animé d’une langue habile et infatigable !
Ça c’était la vie !
Il plaqua ses paumes contre la poitrine de la Noire, puis saisit les pointes tendues grosses comme des crayons et les fit tourner entre ses doigts. Il ignorait pourquoi, mais cela augmentait son plaisir. Impavide, Eugénie Kangou continuait sa fellation avec la régularité d’un métronome, accroupie sur ses talons, à l’africaine.
Issam Hadjez sentit les premiers picotements du désir monter de ses reins et aussitôt la caresse de la bouche s’accéléra. Issam Hadjez fut pris d’une sainte horreur ! Cette salope essayait de tricher !
– Arrête, petite conne ! lança-t-il en la repoussant brutalement.
Les Libanais traitaient les Africains comme des chiens. Si le moindre Blanc s’était permis leurs façons, il se serait fait traiter de raciste, mais les Africains, résignés, considéraient les Libanais comme une race haïssable, certes, mais à part. Évidemment, en cas de pogrom, c’était quand même eux qu’on égorgeait en premier.
Il y avait une justice...
Docile, Eugénie se redressa et se retourna pour s’accouder à la rambarde, face à la mer et aux torchères, les reins bien creusés.
Issam Hadjez releva alors le strech marron, découvrant la croupe d’Eugénie, pratiquement de la même teinte. La ficelle plus sombre du string noir disparaissait entre les fesses incroyablement creusées. Issam Hadjez les contempla quelques instants en salivant. Légèrement déhanchée, Eugénie attendait, bien cambrée, son capital mis en valeur.
– Tu as vraiment le plus beau cul de Pointe-Noire ! murmura le Libanais d’une voix altérée.
Il s’approcha au maximum et frotta son membre encore humide de salive contre la peau tiède et ferme des globes rebondis. Puis, des deux mains, il écarta de la taille de la Noire l’élastique du string, le faisant glisser le long de ses hanches, puis de ses jambes, jusqu’aux chevilles. Eugénie Kangou leva un pied et la boule de dentelle noire resta accrochée à sa seule cheville gauche. Comme ça, elle ne risquait pas d’être emportée par le vent.
Le Libanais s’était écarté de quelques centimètres, entretenant son érection d’une légère masturbation. Fasciné par cette croupe parfaite. Il se mit à la tâter, enfonçant les doigts partout où il le pouvait, respirant à petits coups. C’était délicieux de refréner sa furieuse envie de la transpercer sur-le-champ.
Les jambes légèrement ouvertes, Eugénie se laissait faire, la robe roulée autour de sa taille. Au bout d’un moment, elle tourna la tête et lui lança :
– Alors, qu’est-ce que tu attends ?...
Issam Hadjez voulait en avoir pour son argent. Regarder, c’était aussi en profiter. Mais l’envie de conclure fut la plus forte. Fouillant dans sa poche, il en sortit un préservatif et l’enfila fébrilement.
Saloperie de SIDA ! Il fallait se méfier de tout maintenant... À l’hôpital de Pointe-Noire, les gens mouraient comme des mouches ; on murmurait que la meilleure amie du président Sassou N’Guesso y avait succombé elle aussi et que, depuis, il prenait le problème au sérieux. D’habitude, en Afrique, on préférait le nier.
Une fois équipé, Hadjez revint contre Eugénie et insinua son membre entre les deux globes fermes, le promenant lentement de haut en bas, emprisonné par la chair tiède. Hélas, la sensation n’était pas la même que s’il avait été en contact direct. Se guidant d’une main, il descendit le plus bas possible et devina à la moiteur nouvelle qu’il était arrivé au but. Sa petite taille lui permettait de s’enfoncer dans sa partenaire sans même plier les genoux. D’un coup de reins énergique, il enfouit son membre au fond d’Eugénie qui salua sa prise de possession d’un gémissement poli.
Déjà, les deux mains crispées dans ses hanches, Issam Hadjez se mettait à la besogner lentement, afin de prolonger l’exquise sensation le plus longtemps possible. La bouche ouverte sur son souffle court, le regard glué à son membre entrant et sortant de sa soyeuse tanière. Penchée en avant, le visage au-dessus de l’océan, Eugénie Kangou se laissait faire, bien calée sur ses escarpins, les reins creusés. C’était quand même moins pénible que de taper à la machine dans un bureau... Elle sentit son partenaire se retirer et remonter, toujours pressé contre elle, jusqu’à ce qu’il s’arrête à l’ouverture de ses reins.
– Tu vas me casser le cabinet ?2
C’était juste une constatation. Il fallait se mettre d’avance d’accord sur les prix. Avec Issam, ce n’était pas un problème, il avait toujours sur lui des liasses de billets de dix mille francs.
– Et comment ! lança Issam.
Il se propulsa en avant de tout le poids de son corps. Pendant quelques secondes, l’ouverture qu’il forçait résista, puis son sexe fut avalé d’un coup, disparaissant entre les fesses somptueuses d’Eugénie Kangou. Issam en avait les mains moites d’excitation. Avec ses pouces, il écarta les globes resserrés autour de son membre afin de mieux jouir du spectacle.
– Tu es bien emmanchée, hein ! souffla-t-il. Tu peux plus t’en aller !
– Non, ça c’est vrai, fit Eugénie Kangou.
Elle n’avait pourtant aucune intention de se dérober à son devoir, mais ce dialogue donnait au Libanais l’illusion d’un viol. Il commença un lent va-et-vient, le cerveau en feu.
Allant et venant entre les fesses d’Eugénie Kangou. Issam Hadjez se sentait le maître du monde. Comme lorsqu’il réussissait une très belle affaire.
Un bruit de métal heurté troubla soudain son euphorie. Toujours enfoncé dans la croupe de la Noire, il tourna la tête.
Les battements de son cœur s’accélérèrent brutalement. Une silhouette venait de surgir de l’obscurité et avançait vers le couple, coupant toute retraite vers l’escalier menant à la route.
Il n’eut pas le temps de se demander ce que l’homme faisait là. Deux têtes apparurent, au-dessus de la rambarde de fer, suivies par deux corps : des Noirs athlétiques qui sautèrent avec souplesse sur le sol métallique. Les trois hommes s’étaient dissimulés dans les entretoises soutenant les piliers de la digue. Déployés, ils approchaient du couple. Le Libanais vit briller des lames dans les mains de deux des nouveaux venus. Toutes les histoires concernant les attaques de promeneurs isolés lui revinrent en mémoire. Ces trois voyous ne venaient sûrement pas lui demander l’heure. Il n’y avait même pas pensé, lorsque Eugénie l’y avait entraîné, sûr de sa puissance.
– Tu as fini ?
Ne le sentant plus s’agiter entre ses fesses, la Noire se renseignait.
Issam Hadjez s’arracha de la croupe somptueuse qu’il labourait et fit face aux trois Noirs. Le plus petit – qui semblait être le chef –, trapu, mais sans arme, s’arrêta à un mètre de lui.
– Toi, le moundelé3, tu ne bouges pas et tu te laisses faire !
Sans attendre la réponse du Libanais, il lança son bras en avant, agrippa les deux chaînes d’or qui s’étalaient sur la poitrine d’Issam Hadjez et tira violemment. Avec un claquement sec, les fermoirs cédèrent et le Noir ramena les bijoux qu’il enfouit aussitôt dans la poche de son blue-jeans.
Issam Hadjez poussa un hurlement de fureur et, sans réfléchir, se jeta sur l’homme, crochant sa main droite dans le cou épais du Noir et, de la gauche, cherchant à fouiller sa poche pour récupérer son bien.
Presque sans bouger, le voyou releva brutalement son genou, écrasant le sexe encore encapuchonné. Issam Hadjez se plia en deux avec un jappement de chien blessé, un jet de bile jaillit de sa bouche et il serait tombé si son agresseur ne l’avait pas soutenu. Il sentit que des mains ramenaient ses poignets derrière son dos. Une lame froide se posa sur sa gorge et une voix dit à son oreille :
– Tu ne fais pas le con, ou on te coupe...
Pour donner plus de poids à la menace, la lame appuya un peu plus sur son larynx. La rage au cœur, le Libanais dut subir une fouille rapide et précise. Un des voleurs poussa un sifflement ravi en extrayant de sa poche-revolver une liasse de billets de dix mille francs CFA. Ils n’avaient pas tous les jours un butin pareil... Issam Hadjez tenta de se débattre lorsqu’il sentit qu’on lui arrachait sa Rolex en or piquetée de brillants. Des mains le palpèrent encore un peu puis les trois hommes s’écartèrent de lui et le poignard quitta sa gorge.
Il se redressa, groggy, le goût aigre de la bile dans la bouche, les vêtements en désordre, son sexe recroquevillé pointant hors de son pantalon.
– Salauds ! glapit-il. Salopards de voleurs ! Je suis Issam Hadjez. Je connais Antoine Poungui, le chef de la Milice, je vous ferai couper les couilles, petits salopards de nègres !
Un des trois hommes qui s’éloignaient sans se presser vers la terre ferme lança, par-dessus son épaule, goguenard :
– Tais-toi, sale Blanc ! Sinon, on te pique aussi tes sapes.
Généralement, les détrousseurs qui opéraient sur la digue désaffectée abandonnaient leurs victimes nues, leur prenant même leurs slips. Mais là, le butin était si conséquent qu’ils s’en contentaient...
Issam Hadjez, bouillant de fureur, se retourna vers Eugénie Kangou. La Noire avait rabaissé sa robe et attendait, paisiblement appuyée à la rambarde métallique. Une idée flasha dans la tête du Libanais. Tout à coup, il se rua en avant et serra les doigts autour du cou d’Eugénie, hurlant :
– Salope ! Sale petite pute ! C’est des copains à toi. C’est toi qui m’as fait venir ici !
– Hé, arrête, tu es dingue ! protesta la Noire.
Eugénie Kangou se débattait, tentant de repousser Issam Hadjez. Mais ce dernier, déchaîné, s’accrochait à elle, la bourrant de coups de pied et de poing. Elle poussa un cri aigu quand il écrasa un de ses seins d’un violent coup de poing. Un des voleurs observait la scène, étonné. D’habitude, cela se passait sans histoire, les victimes étant trop contentes de s’en tirer sans avoir la gorge tranchée...
– Sale petite pute ! glapissait Issam Hadjez, je vais t’emmener au PSP4. Ils vont t’arracher les seins avec des tenailles jusqu’à ce que tu parles. Et moi, je te crèverai ensuite !
Il la secouait comme un prunier. Prise de panique, Eugénie Kangou lança quelques mots en lingala à l’intention des trois hommes. Il y eut un moment de flottement. Si elle parlait, ils risquaient de gros problèmes. Au Congo, les voleurs se faisaient généralement exécuter sur place...
Pensant à sa Rolex, à son argent, à ses chaînes en or, le Libanais n’avait même plus peur. Le chef de la Milice était son obligé. Il mettrait tout en œuvre pour retrouver ses voleurs.
Il ne vit pas tout de suite les trois hommes qui revenaient sur leurs pas silencieusement, tout occupé à se colleter avec Eugénie Kangou. Celle-ci, qui n’était pas une mauvaise fille, lui dit soudain à voix basse :
– Issam, attention, ils vont te tuer ! Saute en bas !
Le Libanais se retourna. Il eut le temps de voir un des Noirs brandissant un couteau, puis la lame plongea dans son ventre, jusqu’à la garde. Le tueur remonta d’un violent coup de poignet, sectionnant plusieurs artères et retira sa lame vingt centimètres plus loin. Issam Hadjez fit quelques pas en arrière, le regard déjà voilé, et tomba, foudroyé par une hémorragie massive. Il resta allongé sur le métal froid de la digue, secoué encore de quelques tressaillements, observé par le regard bovin d’Eugénie Kangou.
– Viens, lui lança le chef des voleurs.
On avait peut-être entendu les cris, bien que les rares patrouilles de police ne s’aventurent guère dans ce coin...
Ils filèrent tous les quatre, dégringolèrent les escaliers et se retrouvèrent accroupis sous les piles de ciment du dock. Le chef tira les billets volés à Issam Hadjez et en compta une partie qu’il tendit à Eugénie Kangou. Celle-ci les recompta. C’était bien à son initiative qu’ils avaient monté ce guet-apens... Elle savait que le Libanais confiant dans sa puissance se promenait toujours avec une petite fortune sur lui.
Eugénie Kangou releva la tête.
– Il manque dix mille qu’il me devait, fit-elle simplement.
En grommelant, le chef lui tendit un billet. Elle mit le tout dans son slip, ce qui lui faisait un peu de ventre. Puis, après s’être assurés que la route était déserte, ils se séparèrent.
Eugénie Kangou resta un peu en arrière. Les billets lui chauffaient agréablement la peau. Elle traversa la route et rejoignit en quelques minutes l’hôtel Zamba. Elle n’avait pas envie de se promener en ville avec cette petite fortune à cette heure-là, la spécialité des miliciens en patrouille étant de dépouiller les putes qui rentraient chez elles.
Après avoir traversé les jardins de l’hôtel, elle se retrouva au bord de la piscine déserte. On se couchait tôt à Pointe-Noire. Tranquillement, elle s’installa sur une des chaises longues. Il lui arrivait de dormir là, parfois, lorsqu’un client la virait de sa chambre au milieu de la nuit.
 

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16/06/2016 260 pages 7,95 €
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