#Polar

ROULETTE CAMBODGIENNE

Gérard de Villiers

Le premier obus de 105 arriva sur la pagode dans un sifflement effroyable, explosant à l'extérieur, avec un bruit terrifiant. Des éclats traversèrent les murs, arrachant des morceaux de plâtre qui arrosèrent Malko. Un autre arrivait déjà, puis un autre encore... Un éclat brûlant atterrit contre la chaussure de Malko. Il se dit que les Khmers rouges n'auraient même pas le temps de venir l'égorger. Un nouveau sifflement lui vrilla les oreilles. Submergé par une panique viscérale, il ferma les yeux, attendant la mort.

Par Gérard de Villiers
Chez Gérard de Villiers

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Genre

Policiers

CHAPITRE PREMIER

– Ce qu’il y a de meilleur chez les communistes, c’est le foie.

Le général Oung Krom arborait un sourire glacé, en observant le soldat gouvernemental en train d’ouvrir la cavité stomacale du « khmer rouge » étendu à ses pieds, à grands coups de poignard K-Bar 1. Le prisonnier, ligoté avec du fil de transmission, avait été grièvement blessé par un éclat de mortier qui lui avait déchiqueté le ventre. Il n’avait plus que des mouvements réflexes.C’était un garçon très jeune, au visage rond, déformé par la douleur.

Le soldat tortionnaire écarta encore plus l’uniforme verdâtre, tailladant le torse pour sortir le foie du mort et sa vésicule biliaire.

Malko réprima difficilement une nausée. Un cercle de soldats cambodgiens rigolards, M. 16 à l’épaule, observaient la scène. L’un d’eux prit le foie, l’enveloppa dans un plastique et le mit dans sa musette. Le cameraman allemand aux yeux curieusement en amande, qui filmait la scène, escorté d’une Chinoise qui lui arrivait à la taille, arrêta sa caméra, la posa délicatement par terre et s’essuya le front.

Un sifflement surgit du ciel, et instinctivement. Malko courba les épaules.L’obus de mortier de 82 explosa à cinquante mètres dans un nuage blanc. Les soldats n’avaient pas bronché. L’un d’eux avait pourtant saisi entre ses dents, avec discrétion, le petit bouddah d’ivoire accroché à son cou. Persuadé que cette précaution le rendait invulnérable... Aussitôt, un M. 113 – véhicule blindé transport de troupes – embusqué à côté, commença à faire cracher furieusement sa mitrailleuse de 50, balayant la lisière de la cocoteraie où se retranchaient les Khmers rouges, à une centaine de mètres par-delà un espace découvert. C’étaient les premières lignes. Une jungle épaisse et verdoyante alternait avec une savane accidentée. Phnom Penh se trouvait à une vingtaine de kilomètres au sud. Pour l’instant, le front était calme : c’était l’heure sacrée du riz. D’un commun accord les adversaires observaient une trêve tacite...D’autant que les gouvernementaux venaient d’avancer.

Malko observa le général Oung Krom debout près du cadavre. Il dépassait les autres cambodgiens de vingt bons centimètres. Avec son crâne entièrement rasé, ses énormes moustaches noires retombant de chaque côté de la bouche, on aurait dit un Gengis Khan égaré en Asie. Une grosse touffe de poils noirs, près de la racine de son nez lui donnait l’air involontairement comique.

Son uniforme sortait du pressing. Ses visites au front étaient toujours très brèves. Bras droit du maréchal Lon-Nol, chef de l’État cambodgien, il ne quittait guère « Chamcar-Mon » l’océan de barbelés qui abritait le vieux Maréchal, au cœur de Phnom Penh.

Le soldat qui avait achevé le prisonnier et pris le foie, mit son M. 16 à l’épaule et s’éloigna.

Malko se rapprocha du général cambodgien, quand même intrigué.

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21/04/2016 248 pages 7,95 €
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