#Polar

Safari à La Paz

Gérard de Villiers

Malko était étroitement ligoté sur le lit à l'aide de sangles de toile et d'une sorte de camisole de force. Un appareil étrange était posé sur son visage ; une espèce de cagoule de cuir souple, tenue par des lacets, couvrait son nez et sa bouche. Des trous minuscules permettaient à l'air de passer. Il respira profondément. Le picotement glacial et âcre de la cocaïne pénétra ses narines. On était en train de le droguer à mort. De le tuer scientifiquement.

Par Gérard de Villiers
Chez Gérard de Villiers

0 Réactions |

Genre

Policiers

CHAPITRE PREMIER


Luis Miguel Bayamo gara sa vieille BMW grise dans la calle L, à l’emplacement des turistaxis en face de l’hôtel Habana Libre et claqua la portière, sans même la fermer à clef. En dépit de sa plaque « particular » des simples citoyens, tout le monde savait que les deux antennes sur le toit indiquaient un membre du « G2», le Service de Sécurité de l’État, branche intérieure du DGI.
Les chauffeurs de taxi suivirent des yeux la silhouette athlétique du Cubain. Lui n’avait pas à se bourrer de frejoles, les haricots noirs du Cubain moyen, pour grossir. Sa guayabera laissait deviner une musculature puissante et des épaules de docker. Avec sa grosse moustache noire retombant de chaque côté d’une bouche épaisse et son abondante tignasse sombre, il était le prototype même du macho latino. La femme policier de la Policia Revolucionaria nacional qui gardait la porte du Habana Libre lui barra le chemin.
– Compañero ? A donde vas ?
L’accès des hôtels pour étrangers était interdit aux Cubains. Luis Miguel Bayamo sortit son porte-carte et lui mit sous le nez son coupe-file rouge du DGI.
– Soy trabajando, compañera...
Son regard descendit sur la lourde poitrine moulée par l’uniforme gris. Une belle fille au visage allongé et fin, qui rougit.
– Oh ! Disculpame, compañero !
– Esta bien, esta bien, fit Luis Miguel, magnanime.
Comme pour l’écarter, il posa la main sur la hanche de la fille, pressant un peu la chair élastique. Leurs regards se croisèrent et il lut de l’admiration dans les yeux sombres de la Cubaine.
– Tu fais bien ton travail, dit-il. Donne-moi ton nom, je te ferai un bon rapport.
Sa main appuyait un peu plus sur la hanche. Celle-là, elle y passerait sur un coin de bureau. Avec l’uniforme, c’était encore plus excitant.
– Doris Velez, compañero.
– Hasta luego, Doris ! fit Bayamo.
Il pénétra dans le grand hall toujours grouillant d’activité. La majorité des touristes et des délégations tenaient à descendre au Habana Libre. L’ex-Hilton pourrissait doucement depuis trente ans, mais avait encore fière allure. Ses tiendas libres pour touristes, ses cabarets et ses bars assuraient une animation permanente. Luis Miguel Bayamo s’approcha de la réception. Un groupe de touristes italiens écoutaient pieusement la harangue de leur guide, tandis que des Irakiens entouraient une employée de la Cubatur, la palpant comme un fruit mûr. À Cuba, on se touchait beaucoup, c’était dans les mœurs, plus que libres.
Même le socialisme scientifique n’était pas venu à bout des pulsions sexuelles des Cubains, renforcées par le rhum et le soleil.
Luis Miguel Bayamo réussit à attirer l’attention de l’employée du desk.
– Le 2210, por favor.
La fille prit la clef demandée et la lui tendit sans méfiance. L’hôtel abritait des délégations du Salvador, du Nicaragua et du Chili et aucun Cubain ordinaire n’aurait osé demander une clef. Luis Miguel Bayamo se dirigea vers les ascenseurs en sifflotant, d’une humeur de rêve. Après avoir indiqué l’étage à la matrone faisant fonctionner la cabine, il consulta sa montre : 4 heures. Il avait deux bonnes heures devant lui.
La grosse Cubaine lui adressa un gracieux sourire : elle avait repéré sous la guayabera la bosse de l’étui à pistolet accroché à la ceinture.
– Veintidos, compañero, annonça-t-elle.
Luis Miguel s’éloigna dans le couloir désert. Il frappa à la 2210. Presque aussitôt le battant s’ouvrit, et il se glissa à l’intérieur.

Commenter ce livre

 

18/02/2016 250 pages 7,95 €
Scannez le code barre 9782360535415
9782360535415
© Notice établie par ORB
plus d'informations