#Polar

Albanie : mission impossible

Gérard de Villiers

Fatmir Cerem cria en albanais quelque chose que Malko ne comprit pas mais qui fit rire ses hommes aux éclats. En allemand il ajouta à l'intention de Malko, désignant le corps étendu d'Ylli Baci : " Ce chien a trahi son clan ! Il méritait de mourir. A toi, maintenant."

Par Gérard de Villiers
Chez Gérard de Villiers

0 Réactions |

Genre

Policiers

CHAPITRE PREMIER

— Il n’y a qu’à le mettre dans la fosse à ordures et l’arroser d’essence.

La voix calme et pleine de douceur de Fatmir Cerem était totalement dépourvue d’émotion et n’exprimait aucune animosité. Pourtant, Nasir Kastriot eut l’impression que son cœur rétrécissait, aggravant encore son état. Il avait la gorge desséchée, sa langue paraissait avoir doublé de volume, son pouls battait la chamade et son estomac n’était plus qu’une boule douloureuse. Allongé sur le sol de terre battue d’une grande pièce de l’ancienne école maternelle qui servait de camp de repos aux militaires de l’UCK1, ficelé comme un saucisson, il ne pouvait bouger que la tête. En se tordant, il avait dans son champ de vision la table — des planches posées sur des tréteaux —, autour de laquelle trois hommes étaient installés sur des bancs, et la porte ouverte sur l’extérieur. En dehors des chuchotements de ces derniers, le silence était absolu.

Les vieux bâtiments rafistolés par l’UCK se trouvaient à la lisière du village de Tropojë, perché sur les contreforts de la chaîne de montagnes séparant l’Albanie du Kosovo. Dès la nuit tombée, ses habitants ne bougeaient plus de chez eux.

Une seconde voix brisa le silence pesant.

— Pourquoi on ne le c… cou… coupe pas à la hache?

Handicapé par un léger défaut d’élocution, le «colonel» Jaqub Pedrorika était un traditionaliste. Il s’était attribué ce grade de colonel dans l’Armée de libération du Kosovo, en dépit de son bégaiement de quelques tics fâcheux.

Dans l’armée yougoslave où il avait fait son service, il n’avait jamais dépassé le grade de caporal… Dans la région du Kosovo dont il était originaire, on décapitait les traîtres. Satisfait d’avoir exprimé son opinion sans trop bégayer, il maîtrisa tant bien que mal le tic qui rejetait sa tête en arrière et vida le verre de raki2 posé devant lui.

— On n’a pas de hache, remarqua Fatmir Cerem avec détachement.

Le troisième homme, de très petite taille, dont le crâne rasé faisait ressortir deux gigantesques oreilles décollées qui lui avaient valu chez les Albanais le surnom de Mickey, était sanglé dans une tenue de combat de l’armée suisse, tachetée de rose. Il but au goulot une bouteille de Coca-Cola.

Hassan Mohammad Al Jafar, ne buvait pas d’alcool. Cet islamiste intégriste, ancien patron des services secrets soudanais, avait trouvé sa voie en rencontrant Oussama Bin Laden, le milliardaire saoudien qui consacrait désormais sa vie à la lutte contre les infidèles, tapi dans sa retraite d’Afghanistan. Devenu une figure emblématique, un «Che Guevara» islamiste, Oussama Bin Laden avait de l’argent et la volonté de mener sa Djihad 3. Mohammad Al Jafar lui apportait le reste : les hommes et les connaissances techniques.

Ce dernier posa sa bouteille de Coca-Cola vide sur la table et dit enfin, en albanais, d’une voix où perçait un certain agacement :

Commenter ce livre

 

13/07/2017 255 pages 7,95 €
Scannez le code barre 9782360536481
9782360536481
© Notice établie par ORB
plus d'informations