#Polar

Embargo

Gérard de Villiers

Au moment où son plaisir se déclenchait, Malko sentit que Paprika se penchait en avant. Il y eut un minuscule craquement de verre et aussitôt une sensation de froid contre les narines. La brûlure dans ses poumons fut instantanée. Il eut l'impression que son coeur démarrait à 160 pulsations/minute, et fut pris d'une angoisse effroyable et impuissante.

Par Gérard de Villiers
Chez Gérard de Villiers

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Genre

Policiers

CHAPITRE PREMIER

 

Le Prince Malko Linge prit la tuile d’une délicate couleur saumon que lui tendait le comte von Ponickau et l’inséra à côté de sa voisine le long de la gouttière. C’était relativement facile à poser. Les ouvriers-couvreurs avaient travaillé dur toute la semaine, ne laissant que deux mètres carrés de toit non-couvert afin que les invités de Son Altesse Sérénissime le Prince Malko puissent s’amuser à jouer les couvreurs. On pouvait être Chevalier du Saint-Sépulcre, Chevalier de l’Ordre de Malte, Chevalier de Saint-Georges et Membre de l’Ordre Noir des Chevaliers Teutoniques, cela n’empêchait pas la simplicité. Hélas, l’idée de Malko n’avait pas été appréciée à sa juste valeur par tous ses invités venus fêter la reconstruction de l’aile nord du château de Liezen.

En cette fin février, il faisait un froid vif, en dépit du ciel bleu. La princesse von Bols, une rousse encore appétissante, en dépit de ses cinquante ans bien sonnés, avait fait craquer jusqu’à la hanche sa robe de faille en montant l’échelle du grenier, révélant une combinaison rose du plus gracieux effet. Elle s’était ensuite cassé deux ongles en essayant d’insérer sa tuile sous la précédente... Il avait fallu que Malko dépose à la sauvette un baiser volontairement chaste sur son cou légèrement fripé pour qu’elle consente à lui pardonner. A la suite de cette expérience les autres invités avaient préféré rester dans les salons du rez-de-chaussée à se gaver de canapés au caviar et de Dom Pérignon : Un jeune Allemand de la vieille bourgeoisie munichoise en avait posé trois, mais était très vite redescendu de peur de se faire souffler la ravissante cover-girl café-au-lait qui l’accompagnait. Seul le vieux von Ponickau debout au milieu du grenier, appuyé sur sa canne, solide comme la Garde du Rhin, continuait à passer les tuiles à Malko, tout en lui racontant les derniers potins de Vienne. Féru de traditions et cultivé, il admirait l’acharnement de Malko à redonner une allure décente au château de ses ancêtres.

Cela à l’époque du béton-roi.

Malko effleura la tuile avec la même douceur que si c’était la peau d’une femme. Il les avait commandées plusieurs mois auparavant à une obscure fabrique tchécoslovaque du Harzberg, qui les fabriquait depuis une douzaine de générations. À la main. Elles coûtaient pratiquement leur poids d’or... Si les comptables de la Central Intelligence Agency s’étaient douté de l’emploi que faisait le Prince Malko de l’argent durement gagné au risque de sa vie, ils auraient douté de ses facultés mentales. Ces tuiles auraient dû être d’un rouge beaucoup plus sombre car elles représentaient la contrepartie d’une mission au Chili où Malko avait échappé de peu à la mort et où beaucoup d’autres n’avaient pas été aussi heureux que lui. Depuis dix ans qu’il travaillait pour la Central Intelligence Agency, Malko avait échappé vingt fois à la mort et laissés bien des cadavres dans son sillage. Des bons et des mauvais. Parfois, il avait éprouvé la tentation de s’arrêter.

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31/08/2017 250 pages 7,95 €
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