#Essais

Théorie du sujet

Alain Badiou

Le propos fondamental du livre d'Alain Badiou est d'établir que le noyau de toute philosophie compatible avec le marxisme est une théorie du sujet. Mais laquelle ? Ni le sujet comme conscience (thèse de Sartre), ni l'hypothèse du sujet " naturel ", désirant ou substantiel, ne peuvent convenir. C'est du côté du sujet clivé tel que Lacan - notre Hegel - en fait théorie, qu'il faut chercher une issue. Alain Badiou trouve là de quoi refondre, non pas le thème, forclos, d'un sujet de l'Histoire, mais celui des sujets politiques. L'opération ne se peut faire sans étendre le concept lacanien du sujet, lié dès l'abord à deux types d'effets: l'occupation d'une place vide d'un côté, l'excès sur cette place vide de l'autre. Instrument de cette distinction : le couple algèbre/topologie. Il en résulte que le réel, pensable - comme le fait Lacan - sous le concept algébrique de l'objet cause, doit également être reçu sous celui, topologique, de consistance: ontologie en partie double. Le cœur de la question est atteint quand entre en dialectique avec la notion lacanienne du manque, la catégorie nouvelle de destruction. Qu'on ne s'attende pas à ne trouver ici qu'une discussion de théories. Mallarmé y voisine abondamment avec Mao Tsé-toung, Hilderlin avec Hegel, et le théorème de Gödel avec la situation des ouvriers immigrés.

Par Alain Badiou
Chez Seuil

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Editeur

Seuil

Genre

Philosophie

 

 

 

7 janvier 1975

 

Tout ce qui est d’un tout lui fait obstacle en tant qu’il s’y inclut

 

Le vieil Hegel scindé. – Scission, détermination, limite. – Esplace et horlieu. Déviations de droite et de gauche.

 

 

1

 

Il y a dans Hegel, et c’est ce qui fait de la fameuse histoire de la gangue et du noyau une douteuse énigme, deux matrices dialectiques. C’est le noyau lui-même qui est fendu, comme dans ces pêches, du reste irritantes à manger, dont un coup de dents fêle aussitôt l’objet dur intérieur en deux moitiés pivotantes.

Encore dans la pêche y a-t-il un noyau du noyau, l’amande amère de sa reproduction comme arbre. Mais la division de Hegel, nous n’en tirerons nulle unité seconde, même scellée d’amertume.

Il faut comprendre ce que Lénine répète un peu partout, la bonne nouvelle rétrospective : Hegel est matérialiste ! Car la seule opposition d’un noyau dialectique (acceptable) et d’une enveloppe idéaliste (exécrable) ne vaut rien. La dialectique, pour autant qu’elle est la loi de l’être, est nécessairement matérialiste. Si Hegel y a touché, il faut qu’il soit matérialiste. Son autre versant sera celui d’une dialectique-idéaliste, en un seul mot, qui n’a rien de réel, fût-ce au registre de l’indication symbolique inversée (la tête en bas, comme dit Marx).

Ainsi faut-il démêler au cœur de la dialectique hégélienne deux processus, deux concepts du mouvement, et non pas seulement une Justesse de vue sur le devenir corrompue par un système subjectif du connaître. Soit, par exemple :

a) Une matrice dialectique couverte parle vocable d’aliénation ; idée d’un terme simple qui se déploie dans son devenir-autre, pour revenir en soi-même comme concept achevé.

b) Une matrice dialectique dont l’opérateur est la scission, le thème : il n’est d’unité que scindée. Sans le moindre retour sur soi, ni connexion du final et de l’inaugural. Pas même le « communisme intégral » comme retour, après l’extériorisation dans l’État, au concept dont le « communisme primitif » serait l’immédiateté simple.

Encore n’est-ce pas si simple, loin de là.

 

 

2

 

Partons d’une notion creuse, à la fois limitée et prodigieusement générale. La notion du « quelque chose », forme première, dans la Logique de Hegel, de l’être-là.

L’objectif de Hegel, avec son « quelque chose », n’est rien moins que d’engendrer la dialectique de l’Un et du multiple, de l’infini et du fini, le principe de ce que nous, marxistes orthodoxes, appelons l’accumulation quantitative, laquelle, comme chacun sait, est censée produire un bond qualitatif.

Le mystère est d’ailleurs que tout cela, dans la Logique de Hegel, est à la rubrique « qualité », laquelle, dans l’ordre d’exposition, précède la quantité.

Mais c’est Hegel qui a raison, comme toujours. Car de l’Un on ne peut rien dire sans engager le qualitatif et la force. C’est pourquoi un des objectifs de ce que nous disons ici est d’établir que le fameux « bond » du quantitatif au qualitatif, loin d’être de l’aune dont on fait sauter les thermomètres, inclut un effet de Sujet.

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16/10/2008 351 pages 36,50 €
Scannez le code barre 9782020986915
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