Mémoires de Tombe
« Tombe dormait au Seuil », j’ai écrit cela dans la nuit du 15 août 2007. C’eût pu être un rêve, une phrase dans un texte. Tombe, quelqu’un qui serait appelé Tombe. Tout d’un coup Tombe se réveille, comme un volcan. S’est réveillé ? ou s’est réveillée ?
Tombe est un livre et une tombe. Les deux. Une tombe peut être un livre. Un livre est un genre de tombe qui porte en soi les secrets de la résurrection. La lecture est l’officiante de cette magie. Ceci n’est pas un tombeau. Pas un Tombeau littéraire. Tombe est au Seuil. René de Ceccatty me propose d’y republier ce livre paru en 1973. Tombe est épuisé ou épuisée ? Tombe est un mot féminin ? Oui. Non. Tombe est un verbe. Tombe n’est absolument pas muet, contrairement à ce que pense le cliché, ni muette. Pas plus que le Sommeil, ce Somnis qui ne fait que dormir dans le Livre XI des Métamorphoses, si près d’une résurgence du Léthé dans sa grotte de silence et de calme. Tombe remue.
To mbe, le mot, dit plus d’un mot. Tombe en tant que titre du livre est totalement indécidable. Que fait-on quand on appelle un livre Tombe ? Il n’est pas facile de donner un tel nom à un être. Je crois me rappeler que j’avais eu un mouvement de peur lorsque le nom s’était présenté pour prendre le poste. Une Tombe qui s’érige. Mais j’avais trente-trois ans. C’est en général vers l’âge de vingt-deux ans qu’un général, dit Stendhal, a le plus de faculté de se décider en deux minutes sur les plus grands intérêts d’une bataille. Et c’est vers l’âge de trente-trois ans qu’un « auteur » se décide à regarder Tombe en face, et de profil.
Tombe ! est un nom propre impératif.
En tant que tumba elle appelle la chute mais elle peut être précipitée vers le haut. D’ailleurs à l’origine, à la racine grecque puis latine, tombe tumule, gonfle, monte, lève. Comme la graine d’être, qui s’interrompt de germer dans l’atmosphère trop sèche de la ch ambre à maladie de Proust, qui est morte, et qui ressuscite dès qu’il lit un auteur dont il reconnaît le cri. Tel le cri de chouette de Chateaubriand, celui qui écrivait ses mémoires d’Outre-Tombe assis dans son cercueil.
Tombe a la racine tubercule. La pierre se végétalise. La mémoire repousse sous l’oubli qui l’enterre.
En tant que tumber, c’était le cri des jongleurs, des tournoyeurs et danseurs qui acrobatent entre la vie et la mort. Il y a de l’écureuil dans Tombe.
J’avais totalement oublié, perdu, invisité cette Tombe, ce livre, selon le sort et la tradition du thème de la tombe dans ma vie.
Par chance, je venais de retrouver tombe, comme on retrouve terre, la tombe de mon père, c’est-à-dire mon père tombé et relevé au cimetière Saint-Eugène à Alger, par le printemps 2006, lorsque René me proposa de faire reparaître Tombe. Je note que René a l’avantage incalculable d’avancer sous protection d’un tel prénom, surtout s’agissant de quelqu’un comme moi, que le signifiant impressionne et imprime. Ressusciter Tombe !
Extraits
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