#Roman francophone

Verglas

Peter Stamm

Le second livre de Peter Stamm rassemble neuf nouvelles dans lesquelles se retrouve l'atmosphère confinée de son premier roman, Agnès : les mêmes personnages sans attaches, qui voyagent beaucoup et parlent peu. Dans ce recueil, le narrateur, peut-être toujours le même, se trouve en Suisse, à New York, en Suède, sur une île hollandaise ou en Italie. Probablement toujours âgé d'une trentaine d'années, il observe ses amis, la vie autour de lui : les difficultés à aimer, à être aimé, à communiquer et tout ce qui s'ensuit : la résignation, la tristesse, le désespoir, le manque d'ambition, une fatigue de vivre et, bien sûr, la mort. Désespérément ses personnages cherchent à communiquer ou tout simplement à survivre, mais la vie leur échappe sournoisement et les plus fragiles ou les plus lucides, abandonnent en chemin. "A partir d'une situation banale, quotidienne, Peter Stamm introduit toujours une atmosphère un peu étrange, parfois déplaisante, parfois plus douce, si bien que l'on aborde chaque nouveau texte avec curiosité". (Martine Silber, Le Monde)

Par Peter Stamm
Chez Christian Bourgois Editeur

0 Réactions |

Genre

Poches Littérature internation

Le lac

 

 

 

 

J’étais revenu de Suisse romande par le train du soir. Je travaillais à l’époque à Neuchâtel, mais je ne me sentais réellement chez moi que dans mon village en Thurgovie. J’avais vingt ans.

Quelque part il y avait eu un accident, un incendie s’était déclaré, je ne me souviens plus. En tout cas, avec un retard d’une demi-heure, ce n’était pas le train express de Genève qui avait fini par arriver, mais un omnibus avec de vieux wagons. À tout bout de champ il s’arrêtait en rase campagne et, très vite, nous nous étions mis à parler entre nous et avions ouvert les fenêtres. C’était au moment des vacances d’été. Dehors ça sentait les foins et, une fois, alors que le train était depuis un moment immobile et que le silence régnait autour de nous, nous avons entendu chanter les grillons.

Il était presque minuit lorsque j’arrivai dans mon village. L’air était encore tiède et je portais ma veste sur mon bras. Mes parents s’étaient déjà couchés. La maison était obscure et je ne fis que déposer rapidement mon sac de sport plein de linge sale dans le couloir. Ce n’était pas une nuit à dormir.

Mes amis étaient rassemblés devant notre bistrot attitré et se demandaient ce qu’ils allaient bien pouvoir encore faire. Le patron les avait mis à la porte, l’heure de fermeture était dépassée. Nous parlâmes un moment dehors dans la rue jusqu’à ce que quelqu’un crie à une fenêtre qu’il était temps de nous taire et de ficher le camp. Alors Stéfanie, la petite amie d’Urs, suggéra : « Et si on allait se baigner au lac ? L’eau est toute chaude. »

Tout le monde était déjà en train de partir. Je dis que je passais vite prendre ma bicyclette et que je les suivais. À la maison j’emballai mon maillot et une serviette puis je me mis en route pour les rejoindre. Le lac se trouvait dans une cuvette entre deux villages. À mi-chemin je croisai Urs.

« Stéfanie a crevé, me cria-t-il. Je vais chercher une rustine. »

Tout de suite après, je l’aperçus assise sur le talus. Je mis pied à  terre.

Commenter ce livre

 

trad. Nicole Roethel
05/06/2008 160 pages 7,10 €
Scannez le code barre 9782267019872
9782267019872
© Notice établie par ORB
plus d'informations