I
PROLOGUE
Xénophon fut le seul d’entre tous les philosophes [453] à avoir embelli la philosophie aussi bien dans ses écrits que dans ses actes (concernant les mots, d’une part, il vit dans ses livres et y traite de l’excellence éthique ; quant aux faits, d’autre part, il fut non seulement le plus brave, mais encore, de nombreux stratèges naquirent de son exemple, et il est certain qu’Alexandre ne serait devenu Grand, si Xénophon n’avait pas existé43). C’est aussi lui qui soutenait la nécessité d’exposer les faits anodins de la vie des grands hommes. Mais pour ma part, le récit ne portera pas tant sur ce genre de petits détails que sur leurs principales actions, car si certes l’amusement de la vertu mérite discours, il serait en revanche absolument impie de taire ce qu’il y a de plus sérieux.
Ce livre sera destiné aux lecteurs intéressés, sans être rigoureux à l’égard de tous les sujets (car il était impossible de recueillir tous les détails avec minutie), sans distinguer non plus les uns des autres les meilleurs philosophes et rhéteurs, mais en exposant le genre de vie44 qui fut celui de chacun d’entre eux. Quant à décider qui fut le plus excellent, parce qu’il l’emporta sur tous les autres au moyen du discours, l’auteur laisse à qui le souhaite le soin d’en juger (c’est en effet sa volonté), à la lumière des preuves présentées.
Ce dernier a trouvé en chemin des commentaires précis grâce auxquels, s’il s’écarte du vrai, il lui sera possible de rejeter le tort sur les autres comme le ferait un bon disciple tombé entre les mains de mauvais maîtres ; mais si, émettant un jugement critique, il se trouvait du côté de la vérité et des guides dignes d’admiration, sa propre entreprise pourrait être nette et sans reproche, et ce, après avoir suivi ceux qu’il convenait de suivre.
Mais pour s’arrêter là, puisque ceux qui traitent ces sujets furent peu, et même, très peu nombreux, il ne sera rien caché aux lecteurs, ni des écrits des auteurs antérieurs, ni de ce qui nous est parvenu à ce jour de la tradition orale. Cependant, à ces deux sources historiques sera donné ce qui convient : les sources écrites ne seront en rien bouleversées, quant à celles issues de la tradition orale, ébranlées et altérées par le temps, elles seront coordonnées et fortifiées par l’écriture, pour leur assurer constance et plus grande stabilité.
II
DE CEUX QUI ONT RECUEILLI L’HISTOIRE
DE LA PHILOSOPHIE
Porphyre et Sotion recueillirent l’histoire de la philosophie et les informations relatives aux vies [454] des philosophes45. Mais le premier (c’est ainsi que les choses se passèrent) conclut son recueil par Platon et son époque, tandis que le second semble avoir prolongé son œuvre jusqu’à des temps plus récents, et ce, bien que Porphyre fût plus jeune que lui. Toutefois, la génération de philosophes et de sophistes qui se trouve entre [Sotion et Porphyre] ne bénéficia pas d’un traitement convenant à sa grandeur ainsi qu’à la diversité de sa valeur ; et si, d’une part, c’est avec charme que Philostrate de Lemnos46 cracha47 les vies des meilleurs sophistes, personne n’a en revanche décrit avec précision celles des philosophes. Parmi ceux-là, on peut compter l’Égyptien Ammonios48, qui fut le maître du divin Plutarque49 ; Plutarque lui-même, le charme et la lyre de toute la philosophie, Euphratès d’Égypte50 et Dion de Bithynie51, lui que l’on surnomme Chrysostome52, ou encore Apollonios de Tyane53, qui n’est déjà plus un philosophe, mais une sorte d’intermédiaire entre les dieux et les hommes. Adepte de philosophie pythagoricienne, il en révéla aussi bien le caractère divin que l’efficacité. Philostrate lui consacra une œuvre intitulée Vie d’Apollonios, et qu’il eut mieux fait de nommer Séjour d’un Dieu parmi les hommes.
Extraits
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