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Michel Delpech

"Il y a trois mois, j'ai guéri. J'avais très envie de retrouver la scène. Il y a deux mois, la douleur s'est réveillée. Je me suis tiré par l'oreille pour aller consulter. Je n'avais pas envie. Il y a un mois, je suis retourné à l'hôpital. En fait, je n'avais pas guéri. Ce n'est pas très original quand on a un cancer, mais bon, ce n'est pas une raison pour se flinguer ; il vaut même mieux éviter de le faire si on a envie de guérir." Michel Delpech. En février 2013, alors qu'il achevait la rédaction de son coming out religieux, où il se dévoilait chrétien passionné de théologie, Michel Delpech apprenait l'impensable : lui, le chanteur à la voix d'or, était atteint d'un cancer de la langue. Du jour au lendemain, sa vie en a été bouleversée. Il reprend aujourd'hui la plume pour raconter son chemin face à la maladie. Il lève le voile sur l'après. Car ce cancer l'a transformé. Lui qui, admet-il, n'avait jamais été "un joyeux drille" redécouvre la beauté de la vie. L'amour, les petits plaisirs, l'écoute de soi sont ses nouvelles armes. Un témoignage éblouissant de force et de franchise.

Par Michel Delpech
Chez Plon

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Editeur

Plon

Genre

Musique, danse

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Commentaires

Il y a trois mois, j’ai guéri. Je l’ai annoncé à ma famille, à mes amis, et même à des journalistes qui me demandaient si je remonterais bientôt sur scène. Je l’ai dit avec assurance en direct, à la télévision, au journal de 20 heures où j’avais été invité. J’en étais convaincu, et fort soulagé. Il me restait quelques soucis de voix, à vrai dire de gros soucis quand on est chanteur et que l’on a très envie de retrouver le public. Mais qu’importe, j’avais guéri.

Il y a deux mois, la douleur s’est réveillée. Au fond de la gorge. Plus précisément, à la base de la langue. C’est très long, une langue. Sa base est située près du larynx. Au bas de la gorge. J’ai cessé d’avoir goût pour toute nourriture, ma voix m’a de nouveau lâché. Je me suis tiré par l’oreille pour aller consulter. Je n’avais pas envie, c’est tout.

Il y a un mois, je suis retourné à l’hôpital. Je suis rentré assez serein : je n’imaginais pas, sur le moment, qu’il me faudrait reprendre tout le circuit, les prises de sang, les cathéters, les sondes, les perfusions, les chimiothérapies, les radiothérapies. Suis-je innocent ! En fait, je n’avais pas guéri. Je le savais, mais je n’avais pas voulu comprendre que rémission ne veut pas dire guérison. Ma récidive n’est pas très originale, c’est même assez courant quand on a un cancer. Mais bon, ce n’est pas une raison pour se flinguer ; il vaut même mieux éviter de le faire si on a envie de guérir.

J’ai eu la chance, hormis cette maladie, d’avoir une bonne condition physique. Je n’ai pas eu besoin d’entretenir la machine trop scrupuleusement. J’ai vécu en mangeant ce que j’avais envie de manger, en fumant, en ne faisant pas de sport. J’aimais bien me faire plaisir. J’ai arrêté de fumer quand le cancer s’est déclaré. Je me suis alors souvenu que j’avais un corps dont je ne m’étais sans doute pas assez occupé. J’avais oublié de le choyer. En Orient, le corps est important : c’est à travers lui qu’on peut travailler sur l’esprit. Je suis un peu trop cérébral, à la mode occidentale. Je n’ai pas su écouter ce corps, désormais il occupe tout mon temps.

J’ai décidé de prendre les choses comme elles viennent. A ce stade, je n’ai pas trop le choix. Je passe Noël à l’hôpital, ce n’est pas une situation idéale, mais je ne me laisserai pas traumatiser par cet incident de parcours. Après tout, je vis une aventure et, même si elle n’est pas très drôle, même si j’en ai connu de plus fabuleuses, j’essaye quand même d’y trouver des « trucs sympas ». Il y en a toujours, il suffit d’ouvrir les yeux. Evidemment, tout est relatif, mais cela fait deux semaines qu’à force de chercher des petits bonheurs j’ai fini par trouver des moments formidables. Ici, dans cette minuscule chambre où tout le monde est aux petits soins pour moi, le personnel soignant mais aussi mes proches, mes amis que je n’avais jamais autant vus. J’ai peut-être tendance à abuser, par exemple, de cette petite sonnette à portée de ma main. J’avoue : j’appelle parfois pour pas grand-chose, pour voir la porte de la chambre s’ouvrir, un sourire surgir dans l’entrebâillement. J’appelle sans doute pour me rassurer.

1 Commentaire

 

Aurelien Terrassier

19/10/2023 à 00:27

Il y a deux France, celle de Michel Delpech et l'autre conservatrice et decliniste de Michel Sardou. Michel Delpech nous manque beaucoup!

19/03/2015 140 pages 14,00 €
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