Le voir et le savoir. Essai sur Nicolas Poussin

Petit Poussin a désobéi : Maman Poule lui a dit de ne pas trop s'éloigner mais n'en faisant qu'à sa tête, il se retrouve face au dangereux chat. Petit Poussin est malin : il échange sa vie contre la moitié du gâteau au chocolat que sa mère est en train de préparer. Mais voilà, Petit Poussin est aussi gourmand et il ne fait pas bon manger la part du chat ...

Adaptation d'un conte birman des années 30, est une histoire attachante à souhait qui grâce aux dessins très originaux et hauts en couleurs de Rémi Saillard et la plume drôle et musicale de Praline Gay-Para trouvera sans aucun doute sa place dans la bibliothèque des touts petits. Variation autour du thème de la désobéissance, il plaira sans aucun doute également aux parents de petits chahuteurs en herbe !

Leïla Pelfresne

Les connaît-on si bien, ces créatures de la nuit ? Outre le Dracula de Bram Stoker, qui a consacré leur existence dans la littérature, d’où viennent réellement les vampires ? Comment un sociologue et directeur de recherche au CNRS y trouverait-il un sujet d’étude sérieux ?

Pourtant, Arnaud Esquerre offre ici un portrait particulièrement original de ces créatures — qui posent, en filigrane, la question fondamentale : comment vivre en se sachant mortel ?

Entre Voltaire, Karl Marx et la série True Blood (et bien d’autres références), nous assistons à une généalogie, moins de ces étranges êtres vivants bien que mort, que du terme même de vampire.

Pourquoi leur a-t-on prêté la faculté d’une métamorphose en chauve-souris, sinon en considérant que des zoologistes ont baptisé vampire une des variétés de chiroptères ?

Si ces suceurs de sang donnent au théoricien politique russe matière à penser la société, c’est pour le parallèle qu’ils offrent : d’un côté la masse des travailleurs, de l’autre, ceux qui les exploitent, puisant dans leurs ressources physiques de quoi créer du capital…

Vampire, vous avez dit vampire ?

Allons bon, encore une histoire de zombies ! Mais un peu... comment dirais-je... particulière... Une histoire de zombies français du troisième âge !!! Des vieilles dames terriblement acariâtres, du genre Tatie Danielle : la méchanceté, ça conserve. À moins qu'il n'y ait une autre raison, plus scientifique, à leur résurrection !?! 

Mais pour la connaître, il vous faut lire Ma vie posthume (Glénat) de Hubert et Zanzim qui mélange avec brio le quotidien, le fantastique - et même l'horreur - avec le polar. En plus, c'est drôle ! Donc, Emma Doucet est une enquiquineuse hors catégorie qui n'a plus goût à rien depuis que son mari, son cher Pierre, est mort. 

Elle fume beaucoup : cela horripile Annie, son aide ménagère qui décide de cacher ses cigarettes au sommet d'une armoire. En tentant de les récupérer, Emma chute lourdement. Reprenant conscience, elle s'étonne de n'avoir rien de cassé : c'est bien connu, passé un certain âge, si l'on n'a pas mal quelque part, c'est que l'on est mort !!! 

Ma vie posthume,  Hubert et Zanzim

sur BDFugue.com

Lorsqu'Annie découvre une curieuse tache rouge au pied de l'armoire, la vieille dame se rend compte que ses vêtements sont ensanglantés et que sa poitrine est trouée : elle est donc bien morte, et qui plus est assassinée d'une balle en plein cœur...

Elle peut continuer à vivre, euh pardon, à non-vivre normalement, en étant libérée du souci de manger et dormir, mais obligée de dissimuler sa situation à son entourage. 

S'étonnant accessoirement de la faible différence entre l'état de vivante et celui de morte, elle cherche à rassembler ses esprits pour faire le bilan de son existence et comprendre les circonstances de son décès : qui peut bien lui en vouloir à ce point ? Et pourquoi ?

Il y a bien cette garce de Line, une allumeuse dans sa jeunesse, du genre à exciter tous les hommes rencontrés... Et pas vraiment une amie, depuis. Ah non, elle est déjà au cimetière ! Ou alors la nièce, Marie-Paule, qui lorgne sur l'héritage ? Oui mais de là à tuer... 

Dans la tête d'Emma, embrumée par la sénilité qui pointe son nez et un état post-mortem fort perturbant, les souvenirs se mélangent : sa jeunesse rebelle dans un petit village avec des parents à la mentalité étriquée, sa rencontre avec Pierre, leur vie heureuse dans le petit pavillon au jardin luxuriant... Étonnamment luxuriant, ce jardin situé sur le terrain d'une ancienne mine comblée en catimini par la municipalité... 

Walking Raides, de 

José Miguel Fonollos

sur BDfugue.com

 Bon, je n'en dis pas plus, le premier tome de cette histoire - qui doit en compter deux - est riche de promesses !!! Une histoire cocasse et grinçante, très originale : rien d'étonnant puisque signée Hubert,  dont il faut lire le sulfureux Miss pas touche, et Zanzim, son compère pour le savoureux album de La sirène des pompiers (tous deux chez Dargaud dans la collection "Poisson Pilote").

Ma vie posthume est aussi une très belle et touchante histoire d'amour, par-delà la mort...

Mais jetez un coup d'œil à celui-ci...

Ne quittons pas les zombies, qui ont de toute manière une fâcheuse tendance à taper l'incruste : Walking Dead (Delcourt) vous connaissez. Et Walking Raides (12 Bis) ?

Eh oui, tout succès engendrant sa parodie, cette épatante histoire de zombies est passée à la moulinette de l'humour potache par José Miguel Fonollosa. L

e dessin est grotesque à souhait et le ton général est à la grosse déconnade entre potes. Je ne suis pas sûr que cela résiste à plusieurs lectures, mais en attendant, je me suis bien amusé...

Une nouvelle collection de , à destination des enfants (dès 9 ans), voit le jour chez Nathan. Abondamment illustrée, ludique et interactive, elle apporte des informations très condensées sur un choix de thématiques variées. "Un max d'infos en un minimum de pages"  s'affiche ainsi en quatrième de couverture.

Déjà déclinée en 14 titres*, la collection se veut historienne, géographique et artistique. Adaptée aux différents programmes scolaires, elle doit permettre à l'enfant de compléter ses connaissances, voire même de les approfondir et peut également devenir un bon support de remise à niveau pour des parents oublieux de ce qu'ils ont appris dans leur jeunesse scolaire (même si certains programmes ont changé).

Chaque ouvrage est divisé de manière assez similaire, reprend d'abord les informations clés (ce qu'il est indispensable de connaître), puis décline les dates essentielles liées au thème ou dresse la liste des personnages, lieux ou événements propres au sujet. Concis (une date, un personnage par page), le texte est copieusement illustré, mais uniquement par des dessins. L'idée est d'aborder la thématique en 50 points essentiels, d'offrir à l'enfant des bases de connaissances qu'il saura ensuite enrichir ou faire évoluer ailleurs si le sujet le passionne.

Ainsi pour le cinéma, l'ouvrage explique les différentes étapes d'un film, depuis son financement jusqu'à sa réalisation puis toute la postproduction et sa commercialisation. Tous les métiers qui gravitent autour du cinéma sont présentés, les incontournables du 7ème Art (grands studios, festivals et cérémonies…), les différents genres avec à chaque fois, un exemple de film associé.

Enfin, un choix (discutable) très resserré de metteurs en scène ou acteurs est présenté (de Walt Disney à Marlon Brando en passant par Meryl Streep, Tim Burton ou Leonardo Di Caprio), pas franchement francophile, avouons-le et représentatif d'une culture populaire plus proche des blocksbusters que du cinéma d'auteurs.

Par ailleurs, une mise en forme assez attractive et didactique (mots importants soulignés ou d'une taille de caractères plus importante, chronologies proposées, anecdotes amusantes…).

Pour finir, chaque ouvrage présente 10 records sur le thème abordé (le film le plus oscarisé, le plus long, le plus cher…) et (c'est la tendance du moment !), une application Quizz téléchargeablegratuitement pour s'amuser, se tester en famille ou avec les copains.

Tous les ouvrages de la collection sont disponibles en ebook également.

*Rois et Reines de France, Grandes capitales du monde, L'Egypte ancienne, La mythologie grecque, Grandes dates de l'Histoire, Inventions et Inventeurs, Grands artistes, Le Moyen-Age, Grands personnages du XXème siècle, Monuments célèbres, Grands explorateurs, Histoire de France, Les Etats-Unis.

On devrait forcer Nicolas de Crécy à tout essayer : le roman photo, l'illustration pour malvoyants, la broderie sur canevas et le batik monochrome. Il est tellement doué, son dessin et son sens de la narration ont atteint une telle virtuosité, qu'il s'en sortirait haut la main, réinventant les genres et les croisements, multipliant les plaisirs. Oui, même pour le batik.

« La république du catch » qui sort aujourd'hui chez Casterman a été dessiné dans l'urgence, au rythme de près d'une planche par jour de travail (25 par mois en moyenne, précise l'auteur dans la postface), sur près de 220 pages, pour répondre à la commande d'un éditeur de manga nippon. L'invitation était trop belle pour être refusée. Nicolas de Crécy s'est évidemment embarqué dans l'aventure avec son imaginaire halluciné, où les mafieux côtoient des animaux anthropomorphes, où les villes sont tentaculaires et les têtes se passent volontiers de corps. Les nombreux fans du « Bibendum céleste », de « Prosopopus » ne seront pas dépaysés.

L'histoire est celle de Mario, le minuscule propriétaire myope d'un magasin de pianos, puceau et solitaire, qui a le malheur d'avoir une famille un peu encombrante, composée de mafieux sans scrupules, qui contrôlent notamment les combats de catch. Lorsqu'il est chargé par son neveu de porter un courrier à une belle femme, il ne peut refuser la mission. C'est pourtant elle qui causera sa perte et déclenchera dans la mégapole une lutte sans merci entre les catcheurs impitoyables et des hordes de fantômes plus misérables les uns que les autres. 

Que ce piètre résumé ne vous arrête surtout pas : le talent vertigineux de Nicolas de Crécy consiste précisément à rendre crédible par l'image ce qui ne tient pas debout par la seule force des mots. La précision de son trait et l'abondance des détails donneraient vie au plus improbable des récits.

Entre manga et mafia

Depuis quelques années, Nicolas de Crécy semblait s'éloigner de la bande dessinée pour se consacrer principalement au dessin. Sa dernière série, « Salvatore », chez Dupuis, manquait par moment de cette fièvre hallucinée qui porte la plupart de ses projets. Ici, on la sent vibrer d'un bout à l'autre. On est porté à la fois par la musique des pianos à queue (jouée magistralement tantôt par un manchot muet, tantôt par une tête sans corps), par la vivacité des séquences d'action (on retiendra longtemps la scène de poursuite dans une usine aux proportions dantesques) et par les ors et les costumes du catch.

Bien entendu, il y a des règlements de compte, bien entendu, il y a des combats et des superpouvoirs, bien entendu, il y a des jackpots, des billards et des filles légèrement vêtues. C'est une histoire de catcheurs, c'est une histoire de mafias, c'est un manga et... ce n'est rien de tout ça. C'est aussi une histoire de timidité, de solitude et d'abandon. De faiblesse et d'amour maladroit. Pleine d'humour et de trouvailles.

Le dessin triomphant

Une fois la lecture de l'album achevée (sur des chapeaux de roues), on ne peut s'empêcher de revenir en arrière plus lentement, pour admirer les regards, les corps, les attitudes ; les décors écrasants et la solitude si justement représentée qu'elle se passe de mots. De Crécy a dû dessiner vite, son dessin frôle parfois le croquis : il en a la vivacité et la maladresse, par moment, dans certains rendus anatomiques. Il puise une force incroyable du simple jeu permanent entre l'obscurité et la lumière, l'ombre omniprésente et les quelques halos blancs.

« La république du catch » est un album violent, il rappelle avec insolence que lorsqu'on a le talent pour dessiner et scénariser, on peut raconter tout et n'importe quoi, aussi improbable, aussi simpliste, aussi déroutant le récit soit-il, on emballe de toute façon les lecteurs. On le met au tapis, en d'autres mots, et on attend que l'arbitre entame le décompte. Peu de risque qu'il se relève après un coup pareil.