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Criminalité

Mémoires d'un poète-assassin

Le 9 janvier 1836 à Paris meurt le "poète-assassin". Escroc et criminel, d'un tempérament instable proche de la psychopathie, Pierre-François Lacenaire a défrayé la chronique jusqu'à sa mort, à l'âge de 32 ans. Dans la France de la Restauration, il se fit connaître tant pour ses crimes que pour son talent littéraire et sa sensibilité romantique. D'origine lyonnaise, enfant mal aimé de ses parents, il est placé très jeune dans un internat de la Croix-Rousse. En 1813, au collège de Saint-Chamond, il se révèle un élève brillant. Mais en 1819, alors au collège de Chambéry, il met un terme à ses études après avoir accusé de pédophilie un prêtre de l'établissement et s'être battu avec lui. Pendant dix ans, il sera tour à tour avoué, banquier, clerc de notaire, fourrier, commis-voyageur. Surtout, il entame en 1824 une carrière littéraire : il publie des articles, écrit des chansons, et parvient à monter un vaudeville. Il s'engage dans l'armée, mais finit par déserter. En avril 1829, à Paris, désormais sans ressources et sans abri, il songe pour la première fois à "frapper l'édifice social" : un mois plus tard, après avoir volé un cabriolet et tué en duel le neveu de Benjamin Constant, il se rend à la police. Enfermé à la Force, il va faire de sa vie derrière les barreaux son "université criminelle". Entre autres prisonniers, il fait la connaissance de ses futurs compagnons dans le crime - Avril, Bâton et Chardon -, et se lie avec le chansonnier Béranger, à qui il adresse une épître versifiée. Il écrit la Pétition d'un voleur à un roi son voisin, qui révèle ses talents poétiques, ainsi qu'un journal, Les prisons et le régime pénitentiaire. Libéré en septembre 1830, il devient écrivain public tout en enchaînant les vols pour se garantir une certaine aisance. Après son retour à la Force en 1834, puis sa sortie quelques mois plus tard, la récidive ne tarde pas : avec Avril, il assassine brutalement, à coups de tire-point et de hache, son ancien codétenu Chardon, et étouffe la mère de ce dernier. Ces meurtres sont rapidement suivis d'un autre, commis sur un jeune homme de 18 ans. Lacenaire est finalement dénoncé par ses complices. Et si pour lui la prison était un salon, il fera de son procès un théâtre. Il sait pertinemment que les autorités jouent sur la publicité autour de sa personne pour faire oublier l'interminable procès des Républicains arrêtés après les émeutes de Paris et de Lyon en 1832. Cela ne manquera pas : au tribunal, les femmes en particulier seront nombreuses à venir observer le distingué assassin transformer le procès de ses crimes en spectacle de sa personne, avant sa condamnation à mort. Publiés peu après son exécution, ses mémoires sont le récit d'une vie tout entière marquée par la violence et la marginalité. Un document unique sur l'histoire criminelle française du XIXe siècle.

12/2022

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Procédure pénale

Droit de l'exécution des peines. 6e édition

Le droit de l'exécution des peines est probablement la discipline juridique la plus touchée par l'inflation législative. Les dix lois s'étant succédées depuis 2000 ainsi que leurs décrets d'application, ont porté la matière dans des directions opposées : après la juridictionnalisation de l'application des peines en 2000 et 2004, le législateur s'attache aujourd'hui à différencier le régime applicable aux récidivistes et aux longues peines, dans le sens d'un durcissement, et développe les mesures de sûreté. Dans le même temps et à l'inverse, il favorise le prononcé des aménagements de peine, réduit l'intensité, voire fait disparaître le suivi, et fait de la surveillance électronique statique la mesure d'élargissement phare. Pour y parvenir, et dans un esprit de marginalisation des juridictions classiques d'application des peines, il transfère aux SPIP une partie des missions du JAP. Le rythme forcené de ces réformes rend plus que jamais indispensable une présentation claire, et complète des normes juridiques, dont la complexité technique a considérablement cru ces dernières années. Cette sixième édition comporte ainsi de très importantes modifications. Elle intègre les réformes législatives et réglementaires, comme la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, tout comme une substantielle production jurisprudentielle. De nouveaux chapitres relatifs aux nouvelles mesures de sûreté ont été ajoutés, telles que le placement sous surveillance électronique ou à domicile. Surtout, le présent ouvrage comporte d'importants développements relatifs aux connaissances en criminologie appliquée à la probation qui se sont développées ces dernières années, ainsi qu'en droit comparé, afin de donner au lecteur le nécessaire recul pour comprendre les enjeux actuels de l'exécution des peines. Cet ouvrage est destiné aux avocats, aux Jap et autres magistrats chargés de l'exécution et de l'applicationdes peines (ministère public, tribunaux et chambres de l'application des peines) et leurs greffiers. Il s'adresse également aux directeurs et travailleurs sociaux des Spip, directeurs et éducateurs de la PJJ, directeurs d'établissements pénitentiaires, directeurs du secteur privé des établissements pénitentiaires, membres du greffe judiciaire pénitentiaire, chefs de service pénitentiaire, et surveillants, élèves de l'Enap, de l'Enm, des centres de formation des avocats, bénévoles du milieu associatif. L'auteure, Martine Herzog-Evans (http : //herzog-evans. com), est professeure à l'Université de Reims et enseigne au sein des masters de droit pénal de l'Université de Nantes, de l'Université de Reims et de droit de l'exécution des peines de Pau/Bordeaux IV/Enap. Elle est membre du comité de rédaction des revues Actualité juridique pénal et European Probation Journal. Elle est également membres de Community Sentences and Measures et de Sentencing and Penal decision-making, panels de la European Criminology Society. Elle contribue à l'élaboration d'un diplôme européen en Criminal Social Justice work entre plusieurs universités européennes et la faculté de droit de Reims. Elle effectue des formations auprès des praticiens.

11/2022

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Industrie et techniques

La betterave à sucre : essor agricole et industrialisation rurale. Réalités françaises et perspectives internationales : de Marggraf à Berlin (1747) à la conférence de Londres (1937)

Depuis l'Antiquité, la canne est connue pour le sucre qu'elle contient. Introduite à la fin du XVe siècle en Amérique, cette plante croit en particulier dans les plantations des Antilles. Elle fournit en sucre le marché européen. A la fin du XVIIIe siècle, les aléas de la vie politique handicapent ces zones de production et entrainent la raréfaction des arrivages de sucre en Europe. De leur côté, après les travaux d'Olivier de Serres publiés en 1600 qui évoquent la betterave et son sucre, Andreas Marggraf, en 1747 à Berlin, puis son disciple Franz Karl Achard, à la fin du XVIIIe siècle, s'emploient à extraire du sucre de la betterave et reçoivent les encouragements des rois de Prusse. La mémoire collective française retient davantage les incitations en faveur de la betterave de Napoléon Ier en 1811-1812, qu'accompagnent des injonctions de l'administration impériale. Il s'agit là, pourtant, d'un cinglant échec. Fait souvent méconnu, le véritable décollage de la betterave s'amorce vers 1828 et devient d'une telle ampleur que, à la fin du XIXe siècle, la betterave détrône la canne pour la production saccharifère. Au cours de cette montée en puissance, les améliorations successives dans la sélection des semences imposent l'expression de betterave à sucre. Par ses emblavements, cette plante révolutionne les campagnes septentrionales. En effet, outre le sucre qu'elle recèle, elle favorise la suppression de la jachère, améliore les productions agricoles qui lui succèdent dans les assolements et offre un fourrage apprécié pour le bétail. Dans le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme, l'Aisne et l'Oise, les espaces ruraux betteraviers se couvrent de fabriques de sucre qui, au fil du temps, deviennent de véritables usines avec des ramifications par la construction de distilleries et de râperies. L'essor de ces entreprises, favorisé par le recours au charbon ainsi que le développement de canaux et de voies ferrées, atteste une réelle révolution industrielle au coeur des campagnes qui repose sur la betterave à sucre, véritable pierre angulaire de ces mutations. La Grande Guerre dont les combats dans la partie occidentale du continent européen se déroulent dans des terres betteravières neutralise largement la production sucrière mais, surtout, souligne la dépendance à l'égard des approvisionnements en graines allemandes. Le sucre de canne tire profit de cette conjoncture qui débouche, au milieu des années 1920, sur une surproduction lorsque les nouvelles usines édifiées après les destructions du conflit, modernes et compétitives notamment sur le plan énergétique, fonctionnent à plein régime. Les productions pléthoriques de sucre entrainent la constitution d'importants stocks. Cette situation conduit finalement à conclure des accords internationaux, les premiers du genre, afin de réguler le marché sucrier au plan mondial dans le cadre d'un traité signé, lors d'une conférence tenue à Londres en 1937, par la majeure partie des pays acteurs de la filière saccharifère.

09/2021

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Sciences politiques

La nouvelle phase stratégique

Qu'entendons-nous par " nouvelle phase stratégique " ? En 2003, la décision américaine d'intervenir en Irak fut une " guerre par choix ", dans le but d'influer sur la balance de puissance régionale et mondiale. Nul doute que cette " guerre politique " confirmait le cadre stratégique pluri-décennal de la " doctrine Carter " – empêcher tout contrôle hégémonique sur la région – mais en poursuivant deux objectifs distincts. L'objectif immédiat était le changement de régime en Irak. L'objectif stratégique était la Chine. De manière presque explicite, pour la " doctrine Bush ", la réaffirmation du contrôle sur le golfe Persique visait à conditionner la Chine ainsi qu'à prévenir l'influence de Pékin dans la région, une influence destinée à se renforcer du fait de la combinaison de l'ascension industrielle de la Chine et de sa dépendance énergétique croissante à l'égard du Moyen-Orient. Si la balance mondiale entre les puissances réclamait une intervention militaire directe des Etats-Unis, cela signifiait que ces relations entraient dans une phase de définition ; les tensions et les contradictions de la confrontation globale avaient donc franchi un seuil. C'est l'année suivante, en 2004, que nous avons utilisé pour la première fois l'expression nouvelle phase stratégique. La prévision à long terme du développement capitaliste, en particulier en Asie, avait fourni pendant un demi-siècle le cadre scientifique permettant de définir les tâches du parti révolutionnaire, ainsi que les temps et les possibilités d'enracinement dans une métropole avancée. Désormais, précisément en Asie, de nouvelles puissances impérialistes surgissaient, comme la Chine justement, et l'impérialisme européen avait franchi le seuil crucial de la fédération de l'euro ; ce cycle identifié un demi-siècle auparavant arrivait ainsi à son terme. Une "nouvelle phase stratégiquee", justement, commençait. Son caractère inédit était la lutte entre des puissances de dimensions continentales. Les Etats-nations, les dimensions de la puissance souveraine que l'histoire avait sédimentées en Europe, étaient désormais insuffisants à ce niveau de confrontation. La Chine et l'Europe étaient les questions cruciales de la nouvelle phase. Quant aux tâches du parti dans la nouvelle phase stratégique, les crises confirment le cadre général déjà analysé au sujet de la localisation mondiale des forces de classe ; mais elles montrent aussi pour la première fois, de façon pratique, les potentialités de ces forces. Un milliard d'hommes ébranlés par la transformation sociale au cours des dix prochaines années, impliqués dans des processus tumultueux, représenteront une possibilité objective pour la stratégie révolutionnaire. La traduction de cette potentialité en forces subjectives pour le communisme internationaliste représente l'inconnue et le défi inédit de la nouvelle phase. Le chemin qui attend les nouveaux contingents du prolétariat mondial, en Chine, au Brésil, au Moyen- Orient ou en Turquie, est à peine entamé : le déploiement des énergies de classe est une certitude, mais il n'est pas possible d'en prévoir le parcours et les formes. Pour cette raison aussi, l'enracinement bolchevique dans l'impérialisme européen est un point capital pour la stratégie internationaliste de la classe mondiale.

07/2014

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Récits de voyage

Voyage en Suisse

Au lendemain de l'insurrection parisienne des 5 et 6 juin 1832 contre le régime de Louis-Philippe, Alexandre Dumas, soupçonné d'y avoir pris part et menacé d'arrestation, ressent la nécessité de quitter la France pour quelque temps. Il y est, par ailleurs, incité par le déclin de sa santé dû à une attaque de choléra : Mon médecin m'ordonna ce qu'un médecin ordonne lorsqu'il ne sait plus qu'ordonner : un voyage en Suisse. En conséquence, le 21 juillet 1832, je partis de Paris. Les Impressions de voyage qu'il publie à son retour ne tarderont pas à devenir un titre générique pour tous les récits de voyage sortis de sa plume : en Italie, aux bords du Rhin, en Espagne, en Afrique du Nord, en Russie, au Caucase... Croyant composer un livre, Dumas invente un genre, presqu'à son usage particulier. Un genre aux lois fantasques, qui n'est pas une simple relation de voyage, mais intègre différents écrits : chroniques historiques, contes, légendes, anecdotes, nouvelles contemporaines, rencontres avec d'illustres personnages comme Chateaubriand ou la reine Hortense, profession de foi républicaine... Le Voyage en Suisse apparaît donc comme le laboratoire, ô combien délectable, de la prose narrative dumasienne. Genève est, après Naples, une des villes les plus heureusement situées du monde. Paresseusement couchée à la base du mont Salève, elle semble n'avoir autre chose à faire que de regarder avec amour les mille villas semées aux flancs des montagnes neigeuses ou couronnant le sommet des collines. Sous ce beau ciel, devant ces belles eaux, il semble qu'elle n'a qu'à respirer pour vivre. Et cependant, cette odalisque nonchalante, c'est la reine de l'industrie, c'est la commerçante Genève, qui compte quatre-vingt-cinq millionnaires parmi ses vingt mille enfants. Je ne connais pas de moine, de chartreux, de trappiste, de derviche, de fakir, de phénomène vivant, d'animal curieux que l'on montre pour deux sous, qui fasse une abnégation plus complète de son libre arbitre que le malheureux voyageur qui monte dans une voiture publique. Dès lors, ses désirs, ses besoins, ses volontés sont subordonnés au caprice du conducteur dont il est devenu la chose. Je feuilletais mes guides comme des manuscrits. Pas une ruine ne s'offrait sur notre route dont je ne les forçasse de se rappeler le nom, pas un nom dont je ne les amenasse à m'expliquer le sens. Ces histoires éternelles m'ont toutes été racontées plus ou moins poétiquement par ces enfants des montagnes. Mais cependant, peut-être, ils ne le répéteront pas à leurs enfants. Car de jour en jour, le sourire incrédule du voyageur esprit fort arrête sur leurs lèvres ces légendes naïves qui fleurissent, comme les roses des Alpes, au bord de tous les torrents, au pied de tous les glaciers. Alexandre Dumas

09/2005

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Histoire internationale

Mon Histoire

" Je ne suis pas née First Lady ni sénateur. Je ne suis pas née démocrate. Je ne suis pas née juriste, ni féministe ni avocate des droits civiques. Je ne suis née ni épouse ni mère. J'ai eu la chance de naître dans l'Amérique du milieu du XXe siècle - un lieu et une époque qui m'ont offert des choix inconcevables pour un grand nombre de femmes dans le monde d'aujourd'hui. J'ai grandi portée par une vague de bouleversements sociaux et j'ai participé aux luttes politiques de ceux qui voulaient redéfinir ce qu'étaient l'Amérique et son rôle dans le monde. Ma mère et mes grands-mères n'auraient jamais pu mener la même vie que moi ; mon père et mes grands-pères n'auraient pu l'imaginer. Mais ils m'ont inculqué les promesses de l'Amérique, et ce sont elles qui m'ont permis de mener cette existence et de faire ces choix. C'est dans ce monde et dans cette famille que je suis née, le 26 octobre 1947. Nous habitions le Midwest, nous faisions partie de la classe moyenne et nous étions, à tous égards, le produit de l'époque et du lieu où nous vivions. Ma mère, Dorothy Howell Rodham, consacrait ses journées à tenir son ménage et à s'occuper de ses trois enfants, mes deux petits frères et moi. Mon père, Hugh E. Rodham, était à la tête d'une petite entreprise. Consciente des contraintes de leur existence, je n'en ai apprécié que davantage toutes les chances qui m'ont été offertes. Les huit années que j'ai passées à la Maison-Blanche ont mis à l'épreuve ma foi et mes convictions politiques, mon couple, ainsi que la Constitution et le régime gouvernemental de notre pays. J'ai servi de paratonnerre à des conflits politiques et idéologiques portant sur l'avenir de l'Amérique et j'ai cristallisé des sentiments, positifs ou négatifs, sur les choix et le rôle des femmes. Ce livre raconte bien sûr comment j'ai vécu ces huit ans en tant que First Lady et en tant qu'épouse du Président, il expose les raisons pour lesquelles j'ai pris la décision d'être candidate au Sénat américain dans l'Etat de New York et de faire entendre ma propre voix politique. Certains se demanderont peut-être comment je peux évoquer avec exactitude des événements, des gens et des lieux avec si peu de recul historique. J'ai fait de mon mieux pour transcrire fidèlement mes observations, mes réflexions et mes sentiments d'alors. Il ne s'agit pas d'une histoire exhaustive, mais d'un récit personnel qui voudrait faire découvrir de l'intérieur une période extraordinaire de ma vie et de celle de l'Amérique. " Hillary Rodham Clinton a été élue au Sénat américain de l'État de New York en l'an 2000. Elle vit à Chappaqua, dans l'Etat de New York.

06/2003

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Religion

Frédéric Ozanam et la civilisation de l'amour

C'est la jeunesse, et en premier lieu celle de l'université, qui constitua son public de prédilection et lorsqu'il participa, à 20 ans, en 1833, à la création des conférences Saint- Vincent de Paul, il visait non seulement les pauvres, mais aussi les étudiants qu'il voulait sortir de leurs livres et d'eux-mêmes pour les envoyer aux pauvres estimés à 100 000 dans le Paris des années 1830. La question sociale lui paraissait plus importante que les débats constitutionnels ou dynastiques et, à la veille de la révolution de 1848, il demandait que l'Eglise passât aux barbares, c'est-à-dire qu'elle aille vers le nouveau prolétariat créé par l'industrialisation, comme hier dans l'empire romain du Ve siècle les évêques avaient été au devant des envahisseurs germaniques. Son oeuvre scientifique porte essentiellement sur l'histoire culturelle de l'Europe médiévale et notamment sur les poètes franciscains. Sa thèse traite de la philosophie de Dante, Etienne Gilson, un siècle plus tard à la Sorbonne, réalisera avec L'esprit de la philosophie médiévale (1932) une partie du grand projet de son prédécesseur, il faut aussi citer l'historien belge Godefroy Kunh (1847-1916), et son ouvrage sur Les Origines de la civilisation moderne (1886), tandis que Léon XIII dans ses encycliques sociales reprenait certaines intuitions d'Ozanam. Imposante postérité pour un jeune professeur dont l'humilité et bientôt la maladie lui donnèrent un sentiment d'échec nullement justifié même sur le plan proprement scientifique. La première moitié du XXe est romantique et prophétique, mais l'esprit chrétien est menacé de partout. Auguste Comte élabore une nouvelle religion positiviste et Karl Marx en invente une autre révolutionnaire et matérialiste. Ozanam pensait que le christianisme et singulièrement l'Eglise catholique étaient en mesure de relever le défi de ces temps nouveaux en tirant les leçons de la fin d'un Ancien Régime caractérisé par des rapports dangereusement étroits entre l'Eglise et l'Etat monarchique. Passer aux barbares, était pour lui prendre ses distances avec un monde qui gardait du christianisme surtout des apparences et des convenances, ce que Mounier appellera plus tard. le désordre établi. La délicatesse d'âme d'Ozanam n'a pas des accents proprement mystiques et son catholicisme ardent donnait à sa charité un caractère social marqué. C'est sur le prochain et la réalité ecclésiale qu'il posait un regard évangélique. Sa sainteté est tournée vers l'action et l'enseignement. Comme tous les amis de Dieu, la croix ne lui fut pas ménagée, elle accompagnait ses réussites professionnelles, familiales et missionnaires d'une sone d'abattement physique et même spirituel qui devint dans les dernières années un vrai martyre accepté dans la nuit de la foi. Qui pouvait comprendre ce drame secret ? Ses lettres, si nombreuses et fort longues, le montrent tourné vers autrui et abordent les grandes causes auxquelles il s'était voué. Elles sont d'admirables rapports de v

08/1997

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Histoire ancienne

Rome impériale et l'urbanisme dans l'antiquité

"Dès la plus haute antiquité, il y a eu des architectes ; il y en a eu, en certains pays, qui étaient doués, parfois même génialement, pour l'urbanisme. Ce n'est que de nos jours qu'on a vu naître la profession d'urbaniste, les écoles d'urbanisme, les revues d'urbanisme. Et cette prise de conscience devait avoir un effet rétroactif en histoire" (Henri Berr). De cette préoccupation purement contemporaine - le mot n'est entré dans la langue qu'au début du XXe siècle - sont nées, en effet, des études historiques et, dans la collection "L'Evolution de l'Humanité" , le livre de Léon Homo, ancien membre de l'Ecole française de Rome. Au début de l'ouvrage, l'auteur montre que les préoccupations urbanistes ont existé en Grèce et chez les Etrusques. Aristote, et d'autres, analysent les problèmes que pose l'édification des villes. Et bien des cités grecques, surtout à l'époque hellénistique, témoignent, comme Alexandrie, Antioche, Pergame, avec leurs services municipaux, d'un souci d'urbanisme. A Rome, Vitruve, peu avant notre ère, écrit son De architectura, qui est, fait remarquer L. Homo, "le traité d'urbanisme le plus complet, malgré ses lacunes, que nous ait légué l'antiquité classique" . Puis notre auteur passe en revue tous les problèmes qui se sont posés à la Rome antique, à laquelle se rapporte l'ensemble du livre. Les services publics d'abord sont minutieusement décrits. Le triomphe de l'urbanisme dans la Rome impériale a été "l'évolution monumentale" , à laquelle L. Homo consacre ensuite presque cent pages. L'embellissement de la Ville Eternelle commença sous le règne d'Auguste. II y eut aussi beaucoup de coûteuses installations qui ne servirent qu'aux plaisirs des empereurs - comme celles, entre autres, auxquelles est lié le souvenir de Néron. La voie publique, avec ses problèmes, fait l'objet de cinq chapitres. L'habitat (riches domus, insulae ou maisons de rapport de tout rang, jusqu'aux pénibles habitations à "loyer modéré") est ensuite longuement visité, étudié avec ses modes d'exploitation et la législation qui le concerne. Dans sa conclusion, l'auteur récapitule les grandes réalisations urbaines de la Rome impériale et en montre les lacunes. Le livre se termine sur une note mélancolique et qui donne à penser : à partir de la chute de l'Empire en 476 de notre ère, tout est peu à peu abandonné. "La Ville aux quatorze aqueducs en viendra au régime exclusif de l'alimentation par les porteurs d'eau... Avec la conquête byzantine s'ouvre pour Rome sa vie de cité médiévale ... Pour huit siècles, l'histoire de l'urbanisme romain est close". Pour la présente édition, Michel Hano, comme il l'avait fait pour Le Génie romain d'Albert Grenier ("L'Evolution de I'Humanité" , 1969), a bien voulu relire l'ouvrage, apporter dans les notes de nouvelles informations et établir une bibliographie complémentaire. Paul CHALUS, Secrétaire général du Centre International de Synthèse.

11/1971

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Droit

Revue méditerranéenne de droit public N° 9 : Liberté(s) ! En Turquie ? En Méditerranée !

La Revue Méditerranéenne de Droit Public, née en 2013 au sein du Collectif l'Unité du Droit, met en avant les travaux du Laboratoire méditerranéen de Droit Public. "Vivre comme un arbre, seul et libre. Vivre en frères comme les arbres d'une forêt" ainsi que nous avait engagé à le vivre le poète Nâzim Hikmet. Le présent ouvrage est un cri d'alarme(s) et de détresse(s) à destination de tous les citoyens, décideurs politiques et membres de la Communauté universitaire en France mais aussi et surtout autour du bassin méditerranéen. Matérialisé en urgence au mois de juin 2018 et publié le jour des élections présidentielles et législatives turques alors que la situation de plusieurs collègues turcs a attiré l'attention de nombreux réseaux académiques dont le Laboratoire méditerranéen de Droit Public, il a été décidé d'offrir un témoignage d'amitié et de fraternité aux membres de la Communauté universitaire de Turquie, menacée de privation(s) de liberté(s) par le régime du Président Erdogan. En particulier, l'ouvrage est adressé à notre ami le professeur Ibrahim O Kaboglu, directeur de l'équipe turque du Laboratoire méditerraneen de Droit Public. L'opus résolument tourné vers l'espoir, le Droit et les libertés, se compose de trois parties : la première revendique davantage de libertés d'expression(s) pour nos collègues turcs et offre au lecteur plusieurs points de vues comparés sur les libertés académiques en Méditerranée (Partie I). Par suite, le livre propose de façon militante et assumée des analyses et propositions en faveur du droit constitutionnel et des libertés en Turquie (Partie Il) et en Méditerranée (Partie Ill). Comme l'espère le président Jean-Paul Costa dans son avant-propos, "puisse cet ouvrage collectif, cet hommage solidaire, dépasser le seul symbole ; puissent les témoignages de ces femmes et de ces hommes influer quelque peu sur le cours des choses ! Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre : il fallait en tout cas essayer". Ce livre comprend une trentaine de contributions auxquelles ont participé plus de quarante contributeurs depuis plusieurs pays méditerranéens (Espagne, France, Italie, Liban, Maroc, Turquie) : M le Président Costa, Mmes et MM les professeurs Afroukh, Basilien-Gainche, Bockel, Bonnet, Fontaine, Freixes, Gaillet, Groppi, Iannello, Larralde, Laval, Malaret, Marcou, Mathieu, Maus, Prieur, Rousseau, Starck, Touzeil-Divina & Turk ainsi que Mmes Abderemane, Elshoud, Espagno-Abadie, Eude, Fassi de Magalhaes, Gaboriau, Mestari, Perlo, Rota, Schmitz & MM Altinel, Barrue-Belou, Bin, Degirmenci, Friedrich, Gelblat, Makki, Meyer, Ozenc & Sales. L'image de première de couverture a été réalisée, à Beirut, par Mme Sara Makki. Le présent ouvrage a reçu le généreux soutien du Collectif L'Unité du Droit (CLUD), du Laboratoire méditerranéen de Droit Public (LMDP), de l'Association francaise de Droit Constitutionnel (AFDC) & de L'Association internationale de Droit Constitutionnel (AIDC). Réunies par M le professeur Touzeil-Divina, les présentes contributions parues le jour des élections présidentielles & législatives turques sont un cri d'alarme et un message de fraternité envoyés aux membres de la Communauté universitaire de Turquie.

08/2018

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Sciences politiques

Grand Moyen-Orient. Crises et guerres de la nouvelle phase stratégique

Le conflit en Syrie s'enfonce dans l'affrontement entre la Russie et la Turquie, et l'écho des massacres de Paris ne s'est pas encore tu. Avec son fardeau de morts, le terrorisme réactionnaire a frappé une capitale qui s'est affirmée dans l'histoire comme l'intellect politique de l'Europe, mais qui a également mené, durant deux siècles, sa politique méditerranéenne en Afrique du Nord et au Proche-Orient, en concurrence ou en accord, au fil des décennies, avec l'empire britannique, l'empire russe, et les impérialismes italien, allemand et américain. D'autre part, les attentats de Paris sont un fragment de la déflagration au Moyen-Orient, où l'arme terroriste est monnaie courante dans la confrontation régionale. En plus de l'étude du développement capitaliste et des luttes politiques en Turquie, en Iran, au Pakistan et en Arabie saoudite, ce texte recueille le parcours d'analyse qui a accompagné, au cours de ces années, les événements des " printemps arabes " et leur échec dans la confrontation moyen-orientale. Il y a quatre ans, au moment du déclenchement de la crise en Libye, la prévision de ce qui serait arrivée ne fut pas ardue. Nous écrivions : " Au Moyen-Orient, il est presque de règle que les guerres civiles deviennent le point de départ de guerre entre les Etats. " Depuis, quatre conflits, en Libye, au Mali, en Syrie et au Yémen, ont confirmé cette loi de mouvement, réduisant en poussière la rhétorique démocratique qui avait accompagné ces bouleversements politiques. La guerre en Syrie marque la fin des équilibres de balance garantis par la puissance américaine au Moyen-Orient. La Russie refait son entrée dans la région, positionnée aux côté du régime d'Assad, et l'Europe revient à l'initiative politico-militaire, avec l'intervention militaire de la France et du Royaume-Uni, mais également des rôles pour l'Allemagne et l'Italie. En toile de fond, la mutation des liens énergétiques, tout comme celle de la balance globale, impliquent la Chine et l'Inde, et il est impensable qu'une nouvelle configuration régionale ne prenne pas en compte les deux géants asiatiques. Il y a un peu moins d'un an, nous avons écrit que la crise voyait à l'oeuvre les " trafiquants de peur ", celle fabriquée par le " terrorisme réactionnaire " et celle agitée en retour " aussi bien par le populisme xénophobe, pour des calculs électoraux de boutiquier, que par l'européisme impérialiste, ravi de l'occasion d'expérimenter ses idéologies de masse, aussi bien celles de l'Europe forteresse que les mythes revisités du choc des civilisations ". Nous ajoutons que, avec la progression de la crise, la défaite catastrophique de leurs théories et de leurs idéologies précédentes est devenue encore plus éclatante. L'internationalisme communiste est une nécessité. L'ordre scientifique de la théorie marxiste est sans égal.

02/2016

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Santé, diététique, beauté

Les bactéries, des amies qui vous veulent du bien. Le bonheur est dans l'intestin

Nous naissons stériles, mais sommes envahis dès notre toute première seconde de vie par des bactéries qui resteront en nous définitivement. Fort heureusement, nous vivons en parfaite symbiose avec elles. Nos bactéries sont heureuses en nous et elles nous le rendent bien car, malgré leur mauvaise réputation, elles sont bienveillantes et nous protègent de nombre de maladies. L'intestin, surnommé « deuxième cerveau », nous contrôle grâce à elles : nos amies les bactéries nous aident à digérer, à nous protéger des microbes malveillants et à les combattre, mais surtout elles nous défendent contre l'obésité, les allergies, les douleurs du ventre et les maladies digestives. Mieux encore, elles parviennent à nous protéger des maladies cardiaques ainsi que de certains cancers, et peuvent même modifier notre comportement, nous rendre sensibles ou nous protéger vis-à-vis de la consommation d'alcool. L'évolution de l'humanité a entraîné avec elle l'évolution des bactéries, mais c'est surtout ces dernière années que notre société s'est transformée, et très vite : modifications de notre alimentation (régime trop gras et/ou trop sucré, additifs alimentaires, édulcorants), augmentation des voyages et migrations humaines, apparition des antibiotiques. Nous avons perdu certaines bactéries, et cela a entraîné des conséquences, d'abord insoupçonnées, mais maintenant mieux comprises : notre déséquilibre bactérien, appelé dysbiose, participe à l'obésité, au diabète, aux douleurs et aux maladies cardiaques ou du tube digestif, à l'augmentation de certains cancers et même au développement de troubles psychiatriques, comme le stress ou l'autisme. Comment nos bactéries nous contrôlent-elles ? Comment protéger notre capital bactérien dès notre plus jeune âge et retrouver une flore bactérienne normale en cas de déséquilibre, de dysbiose ? Peut-on se soigner en agissant sur nos bactéries bienveillantes ? Que penser des antibiotiques qui détruisent les bactéries ? Cet ouvrage, réalisé par deux spécialistes des bactéries digestives, permet de comprendre que les bactéries doivent être dédiabolisées. Certaines nous rendent malades, mais celles avec qui nous vivons quotidiennement sont un gage majeur de notre bonne santé, et ce dès la naissance. Le Pr Perlemuter et le Dr Anne-Marie Cassard nous invitent à : comprendre en quoi le concept de bactéries a changé et comment, alors que nous les pensions malveillantes, nous nous sommes rendus compte qu'elles étaient bénéfiques. apprendre comment nous vivons en symbiose avec nos bactéries et pourquoi nous devons nous protéger mutuellement. saisir comment, dès la naissance, nos bactéries nous contrôlent et contrôlent notre santé : pourquoi notre intestin est notre « deuxième cerveau » et comment l'intestin, nos bactéries et notre cerveau interagissent. connaître les interrelations entre nos bactéries et le reste de l'organisme, avec pour corollaire les maladies qui peuvent apparaître en cas de déséquilibre, de dysbiose : par exemple, maladies digestives (colites inflammatoires, maux de ventre), maladies cardiaques, surpoids et obésité, diabète, allergie, alcool, stress et même autisme. découvrir qu'améliorer notre santé physique et mentale au quotidien, c'est s'occuper de nos bactéries en adaptant notre alimentation et en utilisant des prébiotiques, des probiotiques.

03/2016

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Histoire de France

Dictionnaire Louis XIV

LE LIVRE : Louis XIV a fait l'objet de nombreuses biographies et il existe aussi des dictionnaires sur le Grand Siècle et sur l'Ancien Régime. Mais aucun ne lui avait été consacré directement. Celui-ci s'attache à la seule figure de Louis XIV dans sa richesse et sa complexité, en le confrontant aux diverses réalités de son temps, ainsi qu'aux femmes et aux hommes qui ont compté dans sa destinée. L'ouvrage aborde le souverain à travers ses deux dimensions - le roi et la personne royale - en les associant étroitement. D'un côté, la figure symbolique du monarque, gratifié par les écrivains et les artistes de toutes les qualités et de toutes les vertus mais dont le règne - plus de soixante-douze ans - suscite également des critiques acerbes, des caricatures terribles et des resistances tenaces, dans son royaume comme à l'étranger. D'un autre côté, un souverain en tant que tel, lieutenant de Dieu, premier des gentilshommes, père de ses sujets, qui incarne le royaume et dispose d'un pouvoir absolu, faisant la loi et l'appliquant, jugeant aussi en dernier ressort. Ce dictionnaire obéit à une démarche rigoureuse évitant tout parti pris historique qui ne verrait en Louis XIV que Louis le Grand ou le Roi-Soleil. Au contraire, il vise à le dégager d'une gangue de jugements traditionnels, tantôt louanges outrées, tantôt critiques acerbes. Refusant de juger ou de célébrer cet homme d'Etat, il propose des mises au point précises et détaillées, à la lumière des recherches les plus récentes, et une approche simple et claire des faits historiques. Pour donner une image cohérente d'un homme dans son temps, il met en valeur toutes les réalisations originales de son règne, comme ses échecs et les persécutions dont il fut responsable. La personne royale était observée à chaque minute par ses proches ou ses serviteurs. C'est le fruit de cette attention que l'on retrouve ici à travers l'étude du corps du roi, de ses paroles, de sa vie quotidienne. Ses amis, ses amours, sa famille sont présents, tant ils ont compté dans ce petit monde singulier qu'était la cour de France. Ce dictionnaire part aussi de la personnalité du roi pour comprendre l'Etat et la société française de son temps. Il offre, entre autres, une promenade à travers les provinces que Louis XIV a parcourues pour tenter de savoir quelle connaissance il avait de son pays et de sa diversité. Il aborde également les grandes entreprises du règne : réformes, politique économique, guerres, diplomatie. Il brosse enfin un tableau riche et original de la société qui gravite autour de lui, non seulement celle des princes et des privilèges, mais aussi des femmes et des hommes les plus modestes et anonymes qui l'ont suivi et rencontré. Trois cents ans après sa mort, il fallait une entreprise de cette ampleur pour resituer pleinement ce souverain d'exception dans sa seule vérité historique.

09/2015

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Poésie

Mémoire vocale. 200 poèmes allemands du huitième au vingtième siècle stockés et modérés par Thomas Kling, Edition

En 2001, l'éditeur DuMont Verlag pose à Thomas Kling la question suivante : "De quels poèmes en langue allemande avons-nous besoin en ce début de siècle ? " C'est en tant que réponse à cette question qu'il faut lire le choix présenté ici : une sélection de poèmes indispensables pour le poète qu'est Thomas Kling, non une anthologie de plus. Mémoire vocale a valeur de programme poétologique : des formules magiques de Mersebourg aux poètes et poétesses d'aujourd'hui, sont présentés ici des textes destinés à mettre en valeur toutes les ressources qu'offre l'allemand sur une dizaine de siècles, dans la diversité de ses registres : langue incantatoire, jargons et hybridations telles que le rotwelsch, l'argot des classes marginalisées, mêlé d'allemand, de néerlandais et de yiddish et parlé surtout dans l'ouest de l'Allemagne, qui a toujours fasciné le Rhénan qu'était Kling. Si la plupart des noms attendus sont présents (Bachmann, Brecht, Celan, Goethe, Hölderlin, Jandl, Nietzsche, Novalis, Rilke...) Il s'agit là d'un choix singulier, à contre-pied du canon littéraire, notamment par la place limitée faite à la tradition classique et romantique, mais qui offre une part belle à la poésie du Moyen Age, aux audaces de la poésie "baroque" , à la diversité inventive des écritures modernes et contemporaines. Celui pour qui le poème est "instrument optique et acoustique de précision qui provient et se met au service de la perception, la perception exacte de la langue" assume ici la subjectivité d'un choix moins de poètes que de textes admirés, ce qui peut expliquer les surprises que réserve Mémoire vocale : la poétesse d'origine juive Gertrud Kolmar, morte en déportation, est placée dans l'immédiat voisinage de Josef Weinheber, un poète autrichien controversé en raison de sa collaboration avec le régime nazi ; Hans-Magnus Enzensberger, dont Thomas Kling n'a jamais fait mystère du peu d'intérêt qu'il portait à sa poésie de "gardien de musée" , est représenté, alors que Nelly Sachs, lauréate du Prix Nobel de littérature en 1966, ne l'est pas. De même l'Autrichien Hugo von Hofmannsthal, qui a été un représentant important du symbolisme allemand, est absent de cette anthologie, Kling lui préférant son ami Rudolf Borchardt, un strict formaliste, théoricien d'une "Restauration créatrice" nourrie d'Antiquité et de classicisme. Si "mémoire vocale" n'échappe pas au statut de "haie hégémonique" propre à toute anthologie, en ce qu'elle fixe et valorise un corpus par délimitation d'un jardin clos dans lequel s'épanouit un choix de fleurs, il importe de replacer ce florilège dans le contexte de la poétique de Kling qui considère que "la poésie procède du flux de données, elle est - si elle réussit, si elle fonctionne -, un flux dirigé de données et déclenche un tel flux chez le lecteur" . C'est à la reconfiguration d'un tel flux dynamique que travaille mémoire vocale.

02/2023

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Revues

Eidôlon N° 133 : L’art du jugement dans et sur les arts

Une même notion originale (le jugement), prise dans tous ses sens possibles (pas seulement de goût), est déclinée selon les trois approches du titre : le jugement comme art, le jugement dans les arts, le jugement sur les arts, du Moyen Age à nos jours. Ce volume, issu du projet quadriennal HRSM The Exercise of Judgment in the Early Modern Period, financé par le Ministère autrichien de l'Education, de la Science et de la Recherche, se propose d'étudier l'impact de la notion de " jugement " sur le champ des arts (dont, bien sûr, l'art d'écrire) dans un arc de temps allant du Moyen Age à nos jours. Dans la tradition rhétorique, le iudicium regarde la faculté de l'orateur d'évaluer une situation donnée et de s'y adapter pour convaincre ou agir avec succès. L'acception du terme couvre, d'un côté, la capacité de (bien) juger comme qualité de l'esprit et, de l'autre, l'exercice de cette faculté intellectuelle comme action portant à un résultat. Cette catégorie, issue à l'origine de la sphère du droit, change d'aspect au début de l'époque moderne, c'est-à-dire au moment où, dans un nouveau régime épistémique, se pose le problème de l'autorité de celui qui exerce sa capacité de juger. Avec l'établissement des sciences, le jugement se réduit à un jugement pur, exempt de toute passion et fondé sur la raison, qui tend à se libérer de l'autorité de l'Eglise, vicaire de Dieu. En même temps, à l'opposé des scientifiques et des experts qui jugent au nom de la raison, les particuliers s'arrogent le droit de se prononcer sur toutes sortes de sujets librement choisies et d'envahir, par la libre pratique du bon sens, la sphère publique. Cet exercice du jugement a fini par devenir un droit inaliénable, fondement des sociétés civiles modernes qui garantissent à tous les citoyens la liberté d'opinion et d'expression. Pour une étude de l'exercice du jugement, le champ artistique présente un terrain particulièrement fécond, parce qu'il invite à adopter une double perspective, en distinguant le jugement dans l'art du jugement sur l'art, même si l'un est lié à l'autre de bien des façons. D'une part, les auteurs du volume demandent comment le jugement est représenté à travers l'ensemble des textes et des images, de l'autre, ils interrogent l'application du jugement dit de goût aux oeuvres concernées dans l'histoire. L'intérêt porte moins sur les théories du jugement esthétique, qui ont leur point de fuite dans la Critique du jugement de Kant, qu'à ses diverses pratiques dans les domaines de la littérature et des arts. Enfin, on voit émerger de certaines de ces pratiques un art spécifique, un véritable art du jugement lui-même.

11/2022

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Littérature française

État de capacité des filles et des veuves. Des veuves en premières noces sans enfants

[12 pamphlets sur les droits d'aides, 1790-1799]Date de l'édition originale : 1790-1799Sujet de l'ouvrage : Aides (impôt) -- France -- 1789-1815France -- 1789-1799 (Révolution) -- Aspect économiqueComprend : Projet de suppression et remplacement des droits d'aides, et de quelques autres, administrés par la régie générale, lu au comité d'imposition le 27 novembre 1790 ; Projet de décret [de l'Assemblée nationale] relatif aux droits sur les boissons ; Examen et parallèle des différens projets de droits sur les boissons ; Rapport fait au nom du comité de l'imposition par M. Du Pont, député de Nemours, sur les impositions indirectes en général et sur les droits, à raison de la consommation des vins, et des boissons en particulier ; Lettre de M**** à M***** député à l'Assemblée nationale, sur le projet de décret relatif aux droits sur les boissons ; Faux apperçu de M. Dupont, député de Nemours, sur l'impôt relatif aux boissons ; Réplique de M. Du Pont, à M. Didelot, au sujet des droits d'aides sur les boissons ; Rapport au nom du comité d'agriculture et de commerce, par M. Moreau de Saint-Méry, député de la colonie de la Martinique, sur les foires et marchés ; Rapport fait par Borel-Vernière, député de la Haute-Loire, sur l'établissement de deux nouvelles foires dans les cantons de Montbrison et d'Ambierle, département de la LoireLe présent ouvrage s'inscrit dans une politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française mise en place avec la BNF.HACHETTE LIVRE et la BNF proposent ainsi un catalogue de titres indisponibles, la BNF ayant numérisé ces œuvres et HACHETTE LIVRE les imprimant à la demande.Certains de ces ouvrages reflètent des courants de pensée caractéristiques de leur époque, mais qui seraient aujourd'hui jugés condamnables.Ils n'en appartiennent pas moins à l'histoire des idées en France et sont susceptibles de présenter un intérêt scientifique ou historique.Le sens de notre démarche éditoriale consiste ainsi à permettre l'accès à ces œuvres sans pour autant que nous en cautionnions en aucune façon le contenu.Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site hachettebnf.fr

03/2016

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Revues

XVIIe siècle N° 290, 2020 : Pascal, le coeur et la raison

" Le coeur et la raison " : le plus souvent comprise sur le mode de l'antithèse, l'alliance de ces deux termes nous apparaît convenue. On connaît la formule désormais éculée : " Le coeur a ses raisons que la raison ne connait point ". Et cette formule, qui se cite, qui se répète, qui circule aussi facilement, peut-elle s'interroger encore ? L'intensité de sa circulation ne la dérobe-t-elle pas à la réflexion, voire à toute forme de perplexité ? On sait que la distinction de la raison et du coeur au jour dans les Pensées ne s'est pas imposée d'emblée à Pascal. L'opuscule De l'art de persuader (v. 1655), travaillait l'opposition cartésienne de l'entendement et de la volonté. Ce plus tard que le Pascal des Pensées propose de faire dépendre l'exercice de la raison de la disposition d'un coeur désormais compris comme double instance et des principes de la connaissance et des principes de la volonté. Loin que ce coeur ait cependant rien de déraisonnable, et que son opposition à la raison doive être absolument durcie. Chez Pascal, l'opposition entre coeur et raison n'est pas si franche qu'il ne semble. Les Pensées s'attachent plutôt à penser l'unité de ce qu'elles distinguent. Les ordres de l'esprit et du coeur se soutiennent réciproquement sans se contredire, elles refusent aussi d'envisager cette réciprocité en termes de complémentarité : le coeur n'est pas l'autre de la raison. Pascal invite à y reconnaître plus profondément un " régim[e] de rationalité ". De même qu'esprit de géométrie et esprit de finesse participent également de l'ordre de la raison, l'ordre du coeur n'est, à son tour, nullement exclusif de du premier – l'inverse n'étant d'ailleurs pas moins vrai. Alors même qu'il semble emblématiser le fonctionnement de la raison, l'esprit de géométrie n'en est pas moins présenté par Pascal comme " mettant en oeuvre [cette] dimension du ‘sentir" " qui est l'apanage du coeur, en invitant dès lors à prendre acte d'une " infiltration par le sentiment " du domaine rationnel et à ne pas procéder trop vite à une mise en tension simpliste des facultés de la connaissance.

02/2021

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Vie religieuse

Prêtre-ouvrier à Renault Billancourt. L'itinéraire de Daniel Bonnechère

Fils de petits paysans normands, Daniel Bonnechère (1927-2020) connut la guerre et l'exode avec sa famille. Marqué par le scoutisme et un service militaire qui le mènera successivement au Maroc, en Algérie et en Allemagne, il entre au Séminaire d'Issy-les-Moulineaux en 1948. Il y restera jusqu'en 1952 où il rejoindra comme stagiaire la paroisse de Saint-Hippolyte dans le 13e arrondissement de Paris. Dirigée par un prêtre de la jeune Mission de France, cette paroisse est alors, dans un quartier ouvrier, un centre d'initiatives sociales et d'innovations liturgiques. C'est 13 que naît chez Daniel sa vocation de prêtre-ouvrier (PO) qu'il concrétisera, lors de son ordination en 1955, en entrant à la Mission de France. Vicaire à Saint-Hippolyte pour la période 1955-1967, il va se mettre au travail à temps partiel de 1958 à 1965, ensuite à plein-temps dans le métier de soudeur. D'abord dans diverses entreprises, comme Babccok, puis chez Renault Billancourt en 1970 où il restera jusqu'à sa retraite. Bien qu'alors marié, c'est là qu'il réalisera pleinement son engagement de PO. Le combat pour la dignité de ceux qui travaillent à la chaîne et la responsabilité syndicale vont prendre le dessus sur la dimension cultuelle de la vie du prêtre ordinaire. Son livre apporte une riche information sur cette période de la régie Renault, notamment ses innovations technologiques et le travail des OS assuré par un nombre croissant d'immigrés. Vingt-neuf ans après la fermeture de la gigantesque usine de Billancourt en 1992, les anciens travailleurs de l'île Seguin réclament toujours la création d'un lieu de mémoire. En 1969, Daniel avait fait le choix du mariage avec Michèle Bartoli. Cet acte de liberté sur l'obligation du célibat à vie créera une situation de fait à la Mission de France. Son récit nous restitue ainsi les luttes et les expériences de la seconde moitié du XX. siècle, avec des formes nouvelles de solidarité. Alors que la crise du christianisme et de l'Eglise catholique s'avère aujourd'hui profonde et durable, ce livre, écrit par son épouse en forme de témoignage, est éclairant et porteur d'espérance.

10/2021

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Autres

Pistes N° 1/2021 : Ethique, politique, philosophie des techniques

Que peut-on attendre de la philosophie face aux réalités technologiques ? Si elle n'a jamais été insensible à l'agir technique, plus que jamais la pensée philosophique se trouve requise du fait de la puissance de transformation du monde manifestée aujourd'hui par la technologie. Ce volume se donne pour premier objectif minimal de reconstituer la faculté de juger mise à mal ou brouillée par les évolutions contemporaines. Il est également possible que les nouveaux champs technologiques émergents, de par l'originalité et la capacité de reconfiguration des inventions qu'ils connaissent, conduisent bientôt la philosophie à proposer des nouvelles sous-disciplines, en l'obligeant à travailler sur elle-même. Semblent, en ce moment même, susceptible de provoquer ce genre d'évolutions, la combinaison de l'informatique et du numérique ou l'Intelligence Artificielle, ses déclinaisons potentiellement variées à l'infini mais déjà sensibles dans la robotique, la transformation de la production par exemple sous l'effet de l'impression 3D, l'interaction avec des êtres artificiels ou synthétiques de tous ordres et de toutes tailles, qu'il s'agisse des agents conversationnels, des drones ou des smart cities. De telles évolutions en cours font qu'un des attendus de la démarche philosophique peut concerner une vaste ambition, à savoir celle de dessiner les cadres d'un environnement désirable non seulement pour les humains, mais pour toutes les êtres vivants et existants, qu'ils soient naturels ou artificiels. En ce cas, la philosophie appliquée à la technique d'aujourd'hui se donne une ambition normative de très haut niveau en accompagnant le déploiement des nouvelles formes de conscience sensibles à la nature et aux vivants ou agissants non-humains. Les contributions comprises dans ce dossier portent sur l'éthique et la philosophie politique appliquée aux activités humaines telles qu'elles sont aujourd'hui assistées et transformées par la technique faisant système et valant déjà comme vision du monde. En confrontant la philosophie au terrain des innovations et en observant les pratiques, les autrices et les auteurs de ce dossier s'emploient à déterminer les modalités de l'éthique et de la politique appliquée à l'activité humaine telle qu'elle est indissociablement assistée et régie par la technologie.

09/2021

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Droit

Droit et pratique de l'adoption

Si l'adoption revêt de multiples facettes, elle se traduit toujours par la création d'un lien filial entre l'adopté et l'adoptant. Dans tous les pays, elle constitue la rencontre institutionnalisée entre un besoin : celui d'un enfant privé de famille, abandonné ou orphelin, et un désir : celui d'un couple, ou d'une personne seule, de fonder une famille ou agrandir celle déjà formée. Elle peut également concerner, dans certains cas, des familles recomposées, notamment au profit d'adoptés majeurs. D'apparence simple, la procédure d'adoption est régie par des textes, nationaux et internationaux, épars et vieillissants et se traduit, en pratique, par des mécanismes complexes, révélant une distorsion entre le désir et la réalité de l'adoption. Pour pallier les lacunes et écueils de cette réglementation mal adaptée aux défis de l'adoption contemporaine, cet ouvrage envisage le droit de l'adoption de manière globale, tarît dans sa dimension nationale qu'internationale, civile que sociale et tente de concilier ces différentes approches pour apporter des réponses pragmatiques aux professionnels de terrain issus de formations diverses. La baisse du nombre d'enfants adoptables à l'étranger et l'évolution de leur profil rendent la définition des projets d'adoption et leur accompagnement plus complexe. Les évolutions sociétales et l'apparition de "nouvelles familles" sont autant de nouveaux enjeux qui entraînent un changement de regard sur l'institution de l'adoption. Confrontés à ces mutations, les professionnels et les futurs parents doivent déterminer ensemble le projet le plus adapté, entre adoption plénière ou adoption simple, par une meilleure connaissance des effets de ces deux formes d'adoption connues du droit français. Ces problématiques, et bien d'autres, pratiques et théoriques, trouveront leurs solutions dans cet ouvrage à jour des dernières réformes (la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ou encore la loi n° 2013-673 du 26 juillet 2013 relative à l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat) et de la jurisprudence la plus récente (CEDH, 26 sept. 2013, arrêt relatif à la déclaration judiciaire d'abandon).

10/2013

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Ethnologie

Je suis née sous une bonne étoile... Ma vie de femme tsigane en Slovaquie

"Je ne peux plus courir autant qu'avant, mais j'ai du moins plus de temps pour réfléchir, pour faire le bilan de ma vie, pour comprendre ce qui était juste et ce qui ne l'était pas. Je pense de toute façon que je suis née sous une bonne étoile - Ul'il'om tel bachtal'i cerchen. Si je pouvais renaître, je voudrais naître à nouveau romani, je voudrais vivre comme j'ai vécu et faire ce que j'ai fait. J'espère qu'avant de mourir, j'aurai encore le temps d'aider les Roms, d'aider les gens. J'aimerais écrire une bonne parole sur la valeur du cœur romani. Et je suis convaincue que je le verrai recevoir une bonne parole du monde." La vie d'Ilona Lackovà traverse le siècle, depuis son enfance en Slovaquie orientale, dans un village tsigane, jusqu'à ses périples dans le pays pour proposer la colorisation de photos, en passant par son activité d'auteur de théâtre, son diplôme à l'Université de Prague, son activité de fonctionnaire, sa fréquentation des plus hautes autorités. Récit fascinant de la vie d'une femme luttant pour une meilleure entente entre des mondes qui ne se comprennent pas. La vie d'Ilona Lackovà a toujours été régie par le romipen - la tradition, la culture et la langue romani - qui lui a permis, quelles que soient les circonstances, de rester forte et indépendante. Le monde est ici vu par un regard tsigane, lucide et critique. L'ironie décapante permet au lecteur de ressentir la vie sociale et culturelle des Roms, les joies et les peines, les fêtes et les drames, les difficultés de logement, de travail, de scolarisation, la Seconde Guerre mondiale et les pratiques politiques dans un contexte de rejet et de racisme. Ce récit recueilli dans la langue tsigane est le résultat de dix années de travail d'Ilona Lackovà avec Milena Hübschmannovà. Il traverse des questions d'histoire, d'ethnologie, de sociologie, de politique, de pédagogie et bien d'autres encore, mais il est avant tout une magnifique œuvre littéraire, qui permet à tous de plonger dans l'univers tsigane.

05/2000

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Histoire internationale

Une histoire de l'Europe

Comme toute histoire, celle de l'Europe a ses ombres, mais elles n'évincent pas les idéaux élevés nourris en son sein avant de contribuer à les faire croître : ces idéaux qu'elle a donnés en héritage au monde, il appartient plus particulièrement aux siens de continuer à les faire vivre. Pour cela il leur faut savoir d'où ils sont : c'est pourquoi le présent ouvrage raconte ce qui a fait l'Europe, depuis son émergence jusqu'au seuil de notre époque. La pédagogie retenue organise cette histoire en onze noeuds, c'est-à-dire autour de moments durant lesquels le sort de l'Europe s'est noué, pour le meilleur ou pour le pire. Bâtie à partir d'une trame chronologique forte, l'histoire de l'Europe racontée ici tient que cette histoire a un sens, qu'elle procède de l'avant à l'après, et est intelligible au prix d'une synthèse raisonnable. Après la prise de conscience des Grecs soudés par des valeurs communes les distinguant fortement des Orientaux qui ont alors la figure des Perses, l'Europe ainsi émergeante prend sa première forme avec la constitution d'un Empire romain d'ampleur méditerranéenne mais qui reste occidental par bien des aspects, le christianisme donnant finalement un contenu original à cette forme. Dans une Europe qui se regarde désormais comme chrétienne et considérée partout comme telle, l'Empire renaît et ouvre à nouveau la voie d'une construction fédérale néanmoins concurrencée par des royaumes qui s'inscrivent en revanche dans une vision confédérale, alors que, dans le même temps, le monachisme donne à l'Europe sa forme la plus proche de l'Europe actuelle. La modernité naît quant à elle sur fond de conflits, entre la science et la foi, puis entre des Eglises concurrentes : l'Europe perd alors ce qui faisait son unité, les rivalités entre puissances n'étant finalement plus réglées par la recherche d'un consensus mais par celle d'un équilibre des forces en présence. Après avoir mené à son terme l'entreprise de désenchantement du monde, amorcée depuis le coeur du Moyen Age et accentuée lors de l'entrée dans les Temps modernes, les "Lumières" provoquent des ébranlements très profonds. A l'époque contemporaine, ils menacent d'emporter l'héritage européen du fait de l'avènement des régimes totalitaires.

09/2018

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Histoire internationale

Histoire de Prague

André Breton l'appelait " la capitale magique de l'ancienne Europe ". Prague est bien une ville magique, non parce que les alchimistes habitaient dans la ruelle de l'Or - c'est une légende -, mais parce que de multiples cultures ont forgé sa personnalité. Chef-d'œuvre d'urbanisme, capitale religieuse et intellectuelle, Prague est une immense scène de théâtre baroque où se sont déroulés les grands actes de l'histoire européenne. Elle devient capitale du royaume de Bohême sous la dynastie des Premyslides, puis capitale impériale sous Charles IV. L'empereur la transforme en grande cité gothique ; il rénove le château, fait construire un pont de pierre et la dote d'une université réputée. Mais le décor est fragile. Avec Jan Hus, les combattants de Dieu dénoncent bientôt la richesse des églises et se rebellent contre le pouvoir. Après plus d'un demi-siècle de violences religieuses, Prague retrouve son éclat sous les Jagellon puis sous les Habsbourg. A l'époque de Rodolphe II, qui attire à sa cour artistes, savants et mécènes, c'est un des plus brillants foyers de la culture européenne. La fête s'achève tragiquement sous son successeur, quand les protestants " défenestrent " les gouverneurs de la ville. Les Habsbourg reprennent fermement Prague en main et en font le cœur de la Contre Réforme. Peu à peu le baroque s'affirme dans les églises et dans les palais, dans la peinture, la musique, le théâtre. Les revendications nationalistes commencent à se faire entendre au début du XIXe siècle, puis lors de la révolution de 1848, avec le Congrès slave. A la faveur de la croissance économique, Prague est une ville de plus en plus tchèque. Mais l'heure est aussi au cosmopolitisme, à l'ouverture sur la culture européenne, et les cafés de la ville, rendez-vous de l'intelligentsia, entrent dans la légende. Dans l'entre-deux-guerres, elle s'adapte à son rôle de capitale de l'Etat tchécoslovaque, cherchant à supplanter Vienne comme centre économique et financier, tandis que les mouvements d'avant-garde s'y multiplient. Munich sonne le glas de toutes les libertés. Pendant un demi-siècle, presque ininterrompu, la ville vit repliée sur elle-même, sous l'oppression des régimes totalitaires, avant d'entrer dans l'histoire de l'Europe centrale démocratique par une révolution pacifiste.

12/1998

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Diététiques

Je fais la paix avec mon poids

Et si les problèmes de poids étaient dans la tête ? Faire la paix avec son corps et son assiette, plutôt que des régimes, c'est la clé de l'équilibre. Un livre pratique et bienveillant pour mettre du bien-être dans son assiette et retrouver une relation saine avec son poids. Par un diététicien et comportementaliste. Avoir une relation saine avec son corps et son poids n'est pas une mince affaire. Combien d'entre nous se sentent-ils toujours à l'aise avec leur corps ? Ressentent cette petite gêne en s'exposant en maillot de bain sur la plage ? Ou en se comparant aux autres ? Cela semble davantage la norme que l'exception, les études le confirment : en France deux tiers des femmes ayant un poids normal se trouvent trop grosses et voudraient perdre en moyenne cinq kilos. 27 % des hommes de poids normal souhaitent également " peser moins ". Le problème ? Ce sentiment d'insatisfaction corporelle amène souvent au contrôle par la contrainte, et à la résignation, et un cercle vicieux s'installe entrainant une aggravation de la problématique et une diminution du sentiment de bien-être. Et si le problème du poids était dans le regard que l'on porte sur soi et son corps ? Fort de son double bagage de diététicien et thérapeute en psychologie comportementale, Florian Saffer s'attaque ici à ces kilos qui pèsent dans la tête, bien plus que sur la balance. A travers une approche basée sur la bienveillance corporelle (prendre soin de son assiette, sortir des compulsions alimentaires, mettre son corps en mouvement, se faire beau pour soi...), il propose de nombreux exercices et conseils pratiques inspirés de la psychologie comportementale et positive pour prendre soin de son corps, et faire enfin la paix avec son poids. Une approche fondée sur 3 piliers : Se reconnecter à son corps, en renouant avec le vivant en nous : reprendre conscience de ses sensations alimentaires, de ses émotions, de ses besoins de base... Se libérer du poids, en prenant de la distance par rapport à ses schémas de pensées toxiques, à ses réactions émotionnelles inadaptées et à l'emprise excessive du regard des autres. Agir pour le corps et avec le corps pour se réapproprier, de manière active et bienveillante, le vivant en nous, et en prendre soir, à travers ses choix alimentaires, le mouvement, la régulation douce du poids.

01/2023

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Géopolitique

Jours gris et nuages d'acier sur l'Ukraine

De février, jusqu'à l'automne, l'auteur nous livre plusieurs récits sur la guerre en Ukraine et l'état du monde, volontairement subjectifs, nourris d'expériences personnelles, de témoignages, du passé proche et du présent tragique. Il évoque les mouvements antiguerre de Russie et du Bélarus, les dénis et les silences d'une partie des forces progressistes. Il se pose, pour lui-même et à chacun d'entre nous, les questions de la pratique de la solidarité internationale et de la lutte pour la paix et la sécurité. Comment exfiltrer un nouveau-né et sa mère coincés quelque part au sud de Kharkiv ?? Comment faire sortir une journaliste de Moscou et sa famille ?? Comment aider des étudiants nigériens fuyant l'Ukraine et se retrouvant confrontés au racisme des institutions d'Europe ?? Comment soutenir des réfugié·es en Pologne ?? Comment avoir des nouvelles des copines et des copains ?? Et surtout, comment informer et faire comprendre ce que disent les dissidents russes et les résistants ukrainiens. Ce n'est pas la première fois que Bernard Dréano vit ainsi une guerre à distance, tout en étant à la fois bien informé et affectivement touché. Il nous rappelle que, dans son enfance, on parlait des "? évènements d'Afrique du Nord ? " (le gouvernement français de l'époque, comme le russe d'aujourd'hui, ne voulait pas entendre parler de guerre), mais cette guerre-là était venue jusque dans sa rue de la banlieue parisienne. Plus tard, il a vécu, de loin et par moments de plus près, diverses guerres au Proche et Moyen-Orient, dans le Sud-Caucase, lors des guerres de dislocation de la Fédération yougoslave... Que peut-on faire, interroge l'auteur ?? Bien sûr l'indispensable soutien matériel et moral aux réfugié·es, et autant que possible aux civils ukrainiens sur place. Nous sommes en face d'une agression caractérisée perpétrée par l'Etat russe. D'où l'exigence de retrait des troupes russes du territoire ukrainien, pour la paix. Cela passe par le soutien à la résistance populaire ukrainienne, aux opposantes et aux opposants aux régimes russeet biélorusse. Militant de la paix depuis des décennies, Bernard Dréano explique ici en quoi la lutte contre la guerre et pour la paix passe par le soutien actif à la résistance ukrainienne.

02/2023

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Afghanistan

De Massoud à Massoud. 20 ans après

Le 11 septembre 2021 le Monde va célébrer le terrifiant anniversaire des attaques islamistes sur New-York. Attaques précédées deux jours plus tôt par l'assassinat du mythique Commandant Ahmad Shah Massoud. Vingt ans après, l'écrivain et journaliste Salvatore Lombardo se penche sur le destin lumineux et métaphorique de celui que l'on considère comme le Che Guevara musulman. Spécialiste du monde arabo-musulman, auteur de deux ouvrages dédiés au héros national afghan, Salvatore Lombardo dialogue avec Ahmad Massoud, le jeune fils du Commandant, et avec ceux qui furent ses fidèles. Du vice-président et ancien chef de services secrets Amrullah Saleh, à Abdullah Abdullah, Chef de l'exécutif et ex-ministre des affaires étrangères, en passant par ses frères Ahmed Zia, Wali et Yaya. Au fil des rencontres et des conversations, avec pour fil rouge le texte-testament confié à Lombardo par Massoud en septembre 2020, l'Afghanistan se dévoile et nous révèle l'envers d'une histoire contemporaine marquée par l'irruption de l'islamisme radical et le naufrage idéologique d'un Occident néocolonial jusqu'à l'absurde. Vingt ans après les Talibans sont de retour et l'univers arabo-musulman explose de colère et de désespoir. Massoud, assassiné par deux terroristes tunisiens du parti Ennahada, parti aujourd'hui au pouvoir en Tunisie, serait-il mort pour rien ? Lui qui avait tout prévu... Reste la possibilité d'une rédemption démocratique par la grâce d'un fils devenu à son tour icône politique, ce jeune Ahmad qui s'efforçait de ne pas pleurer en septembre 2002 alors que l'on célébrait dans le stade de Kaboul le premier anniversaire de la mort de son père. Face à lui, vingt mille moudjahidines hurlaient leur peine et demandaient leur revanche. Rien n'a changé hélas. Mais en filigrane à la désintégration des certitudes politiciennes, voici apparaître une autre métaphore destinée à l'édification des peuples occidentaux égarés par des évènements qu'ils ne peuvent appréhender sans le lexique afghan. Tout y est, depuis la collusion des services américains avec les Talibans jusqu'à l'invraisemblable démantèlement des régimes arabes et à l'irruption dans les villes européennes des nouveaux mercenaires de l'apocalypse. Ahmad Massoud le dit : "Mon père avait tout prévu, tout annoncé. Personne ne l'a entendu !"

09/2021

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Histoire de l'art

Winckelmann & l'oeuvre d'art

Souvent associé à la sculpture antique, Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) s'est pourtant intéressé à une extrême variété de genres, matériaux et techniques artistiques de l'Antiquité méditerranéenne. Philologue de formation, bibliothécaire, il apprit le dessin à Dresde et exerça son regard en visitant la galerie du prince-électeur de Saxe, puis les collections et les monuments antiques d'Italie. Ses écrits sont d'abord ceux d'un dilettante s'adressant aux amateurs d'art, avant de devenir de véritables modèles méthodologiques à l'attention des artistes. Ce recueil analyse la perception complexe de l'oeuvre d'art de ce grand auteur du XVIIIe siècle, met en lumière sa conception du style et de l'allégorie et se penche sur la réception de ses textes en France au début du XIXe siècle. L'importance de Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) dans la naissance de l'histoire de l'art comme discipline scientifique à l'époque moderne n'est plus à démontrer. Mais, jusqu'ici, on a surtout retenu du grand antiquaire une efficace périodisation stylistique ou le poids des différents régimes politiques dans l'épanouissement artistique des civilisations méditerranéennes de l'Antiquité. Le présent volume, issu du seul hommage qui lui ait été rendu en France à l'occasion des anniversaires de sa naissance et de sa mort, remet en perspective la démarche de Winckelmann en insistant sur le fait qu'il a en priorité écrit pour les amateurs d'art et pour les artistes et qu'il se fonda non seulement sur les textes anciens, mais surtout sur une observation assidue des oeuvres antiques et sur la production artistique contemporaine. La sculpture joue un rôle majeur dans sa conception de l'art, mais celle-ci s'est nourrie de l'observation des inscriptions, des monnaies, des peintures ou des vases. Les spécialistes internationaux réunis dans ce volume réévaluent en outre sa conception de l'allégorie et du style et revisitent la façon dont son oeuvre fut perçue dans la France du XIXe siècle. Cet ouvrage, qui renouvelle sensiblement l'image de l'auteur de l'Histoire de l'art dans l'Antiquité, sera une référence obligée pour tous les lecteurs intéressés par l'histoire de l'art antique, l'art au siècle des Lumières, l'esthétique, l'historiographie et l'histoire des institutions et des théories artistiques en Europe.

06/2021

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Philosophie

Les politiques de réconciliation. Analyses, expériences, bilans

Comment les sociétés gravement affectées par une période de violence et d'arbitraire sortent-elles de la répression, de la division de la société et de la guerre civile ? Elles ont souvent eu recours à l'amnistie sans phrase, aux tribunaux ou à l'épuration. Le temps finit aussi. comme on dit, par effacer les blessures et les rancoeurs : l'arrivée de nouveaux venus affaiblit le souvenir des souffrances des luttes et de la répression. Mais lorsqu'il y a eu manifestes violations des droits de l'homme, le silence et l'oubli sont répugnants. Or, voilà que dès 1983, en Argentine, une fois la dictature militaire renversée, on avance un mot non pas nouveau, niais auquel on fait porter une charge éthique nouvelle et une trame politique inédite : la réconciliation. Pour réaliser la réconciliation, les nouveaux régimes politiques mettent en place des Commissions qui travaillent dans des contextes toujours particuliers mais qui soulèvent partout des débats intenses et riches. Les vieilles notions de Vérité, Justice, Paix, etc, sont investies de valeurs et de significations contradictoires et sont l'objet de conflits qui vont jusqu'au différend entre les acteurs de ces politiques. A la réconciliation attendue s'ajoutent tes exigences de réparations. Parmi les associations de familles de disparus et de victimes, les délais pour rendre la justice, les obstacles à dire ce qui s'est passé et à identifier des responsables d'actes atroces imposent l'idée que les politiques de réconciliation ont peu à voir avec la vérité et la justice. Quant au pardon, un rejet salutaire à son égard s'est installé : appeler les victimes à pardonner à leurs bourreaux revient à faire reposer la réconciliation sur la conscience des premiers sans qu'aient été satisfaits leur besoin de vérité et la restauration de leur dignité. Cependant, le pardon reste une possibilité rare et imprévue. Plus de trente ans après la première expérience de réconciliation, il est possible de proposer des analyses des notions engagées dans ces politiques(quelle "vérité", quelle réconciliation, quelle politique), de faire le récit d'expériences (en Colombie, au Pérou. en Afrique du Sud) et d'esquisser un bilan de ce qui a été manqué (Guatemala) ou seulement aperçu (l'Afrique des Grands Lacs), et de l'écart entre une utopie et les réalités individuelles (Rwanda).

12/2013

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Sciences politiques

Charles Nodier. Le politique masqué

Bibliophile exceptionnel, polygraphe, précurseur du romantisme, l'écrivain Charles Nodier (1780-1844) a publié à la fois des romans, des contes, des récits, des allégories et des articles pleins d'ironie. Il lui arrivait de ne pas signer ses livres, de prendre des pseudonymes et de multiplier les masques au point que s'impose assez vite la question de son rapport aux divers régimes politiques qui, depuis la Révolution jusqu'à la Monarchie de Juillet, ont constitué le temps historique dans lequel il écrivait. L'hypothèse d'Anne Kupiec est d'emblée politique : Nodier a éprouvé d'une manière suraiguë le moment révolutionnaire, en dépit du fait qu'il l'a vécu en étant encore un enfant. Le fil conducteur politique qui ouvre la lecture de l'oeuvre se confronte alors à des difficultés irréductibles, celle des formes changeantes de l'expression littéraire de Nodier, celle des masques multiples de l'écrivain et, enfin, celle d'une ambiguïté des positions politiques. En effet, Nodier fait à la fois l'éloge de Bonald et de Saint-Simon, de Madame de Staël et de Babeuf ou de Buonarroti, il critique le despotisme de l'Empire et se trouve déçu par la Monarchie de Juillet. L'analyse doit ainsi s'élever à la saisie du sens profond de l'ambiguïté, après en avoir traversé toutes les formes et toutes les variations. Ainsi s'éclaire peu à peu la nature d'un scepticisme politique qui doute de tout sans renoncer à rien, qui use des formes multiples de l'écriture pour éveiller son lecteur à l'interrogation, sinon à la critique, du présent et des éléments de positivité de ce présent. La pensée politique fait le détour du fantastique, du rêve animalier, de l'éloge paradoxal, de la "monomanie réflective" , de la fiction pour conjurer le désenchantement et ménager des perspectives d'écart, de recul, d'exil par rapport aux déceptions que la période post-révolutionnaire a suscitées. De manière étonnante Nodier est celui qui, en 1835, au moment de l'édition du Discours de la servitude volontaire par Lamennais, propose d'éditer les oeuvres complètes de La Boétie. Cette proposition est d'autant plus significative que Nodier a été l'éditeur des Institutions républicaines de Saint-Just... Le penseur politique n'est pas démasqué, mais son masque d'écritures découvre ses vrais enjeux.

10/2018

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Témoins

Joseph Vialatoux (1880-1970)

Le livre introduit dans la pensée citoyenne et politique de Joseph Vialatoux (1880-1970), un grand représentant du catholicisme social français de la première moitié du vingtième siècle, et le met dans un contexte de pensée qui dépasse les frontières de la francophonie. Les trois sujets importants sont ici articulés : la critique du totalitarisme, le défi de la liberté, et enfin la légitimité de la résistance. En effet, Vialatoux, qui appartenait au cercle des catholiques intellectuels autour du philosophe et journaliste Marius Gonin, a répondu avec ses amis à l'appel du pape Léon XIII d'entrer dans le dialoque avec société et de défendre ici les principes chrétiens. De ses textes politiques il est donc possible de dégager trois grande lignes de sa pensée dans laquelle Vialatoux défend surtout la personne humaine et la société civile ouverte. D'abord, il s'agit de la critique des régimes totalitaires du vingtième siècle. Vialatoux a découvert une forte ressemblance entre les systèmes totalitaires, représentés alors par le nazisme et le communisme, et la conception de société de Thomas Hobbes. La combinaison curieuse de l'irrationnel et de la logique pure de Hobbes correspond tout à fait aux systèmes totalitaires modernes. Ensuite, le refus du totalitarisme a provoqué chez Vialatoux la question sur la liberté humaine. En fait, cette dernière représente la condition nécéssaire pour la société politique. Dans cette partie du livre nous mettons Vialatoux, en tant que philosophe chrétien, en confrontation avec d'autres penseurs de la liberté, dont Isaiah Berlin, Hannah Arendt ou Erich Fromm. Finalement, le troisième thème proposé et articulé avec les deux précedents concerne la capacité humaine de s'engager dans la société. Cette capacité se révèle de la manière la plus évidente justement dans les moments sombres de l'histoire de la nation. Dans sa pensée citoyenne Vialatoux a développé ses réflexions sur la résistance pendant la deuxième guerre mondiale et posé la question sur la légitimité du pouvoir politique. Même si Vialatoux ne s'est pas référé expressément une seule fois aux sources d'inspiration, il est très frappant comment il s'est rapproché du schéma scolastique tardive, qu'on trouve par exemple chez Francisco Suárez. Alors, par ce fait il a expliqué non seulement ce que c'était le pouvoir politique, mais de plus il a prouvé la continuité dans la pensée sociale chrétienne entre la fin du seizième et du vingtième siècle.

03/2021

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Littérature étrangère

Le voyage de Kokochkin

On est en 2005. Fiodor Kokochkin, un alerte nonagénaire, professeur émérite de biologie, retourne à New York sur le Queen Mary. Juif, il a dû émigrer aux Etats-Unis où il est devenu un scientifique mondialement connu. Chaque jour offre le tableau de cette sociabilité si particulière des traversées transatlantiques où les conversations de table, les distractions programmées, les promenades sur le pont sont autant d’occasions de rencontre. C’est ainsi que Kokochkin retrouve toute sa verdeur en se faisant le chevalier servant d’une jeune (pour lui) architecte de cinquante ans, Olga Noborra. L’humour tout en subtilité de Schädlich donne ici toute sa mesure. Mais ces aimables instantanés du présent sont entrecoupés de retours sur le passé, un passé qui fut tout sauf aimable. En effet, si le vieux monsieur revient d’Europe, c’est qu’il a voulu revoir les lieux de son enfance et de sa jeunesse, et à son luxueux voyage immobile sur la mer fait contrepoint son voyage sur terre doublement fatigant, à cause des longs trajets épuisants mais plus encore de l’émotion que ces retrouvailles avec les lieux de son passé suscitent. A commencer par St-Pétersbourg, où Kokochkin est né et où il a vécu jusqu’à l’assassinat de son père, député menchevik, par les Bolcheviks ; puis Odessa où sa mère allait retrouver une partie de l’intelligentsia russe en exil – Bounine, qui l’aidera, et surtout Nina Berberova, dont elle partagera l’exil. Devenues de grandes amies, elles émigrent près de Berlin, là où vivait une grande colonie d’artistes et d’intellectuels russes, parmi lesquels notamment Maxime Gorki. Kokochkin fréquente alors un lycée allemand à Templin, dont on peut admirer au passage la pédagogie progressiste, et plus tard l’Institut de biologie de Berlin. C’est alors que l’arrivée des nazis l’oblige à fuir une fois de plus et il se réfugie provisoirement à Prague. Il parvient quatre ans plus tard à gagner les Etats-Unis tandis que sa mère, qui n’est pas juive, vit à Paris, comme Nina Berberova. Cette double fuite au péril de sa vie devant les deux régimes totalitaires les plus sanglants du XXe siècle, évoquée dans l’atmosphère faussement rassurante du grand paquebot, donne à ce roman une profondeur légère qui est la marque du grand écrivain qu’est H. J. Schädlich.

02/2012