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Philosophie

La conscience. Approches croisées, des classiques aux sciences cognitives

L'être humain ne se conçoit pas sans une relation plus ou moins profonde avec lui-même, où il va de la perception qu'il a de son corps, de son existence, de celle des autres, de son adhésion à telle ou telle valeur, etc. Pas d'expérience plus commune, et en même temps rien de plus complexe, de plus problématique. La notion même de conscience n'apparaît qu'au XVIIe siècle, mais ce concept tard venu n'a cessé de commander depuis une dynamique sans fin d'interrogation et de recherches plurielles. L'originalité du présent ouvrage est d'aborder la question selon les angles philosophique, mais aussi psychologique, psychanalytique, phénoménologique, psychiatrique, cognitif, religieux et spirituel : faire droit, pleinement et avec une rigueur constante, à l'hybridation interdisciplinaire du thème de la conscience constituait un défi indispensable - enfin relevé ici. L'auteur redonne vie à l'aventure : anticipation dans le contexte gréco-latin ; problématisation dans les conceptions classiques ; séisme dû à la mise en évidence de l'inconscient par la psychanalyse ; élargissement au corps et au monde par la phénoménologie ; interrogations permises par l'exploration psychiatrique du pathologique ; forte implication, enfin, dans le débat cognitif contemporain, tant il apparaît qu'une méthodologie en première personne peut renouveler les conditions et l'approche de l'objectivité empirique. La richesse du parcours rend particulièrement fécond l'examen final des traditions spirituelles, véritable retour aux sources de l'interrogation. Ce livre, par-delà une présentation efficace des repères essentiels, aidera à entrer de plain-pied dans les débats les plus actuels concernant la relation entre ce que vit le sujet en première personne, sur un mode phénoménal, interne, intime, voire spirituel, et les observations empiriques, au niveau comportemental et neuronal, de la structure de son esprit et de son cerveau, que ce rapport soit entendu comme causal, isomorphique ou co-génératif.

06/2001

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Critique littéraire

Les bords de la fiction

On le sait depuis Aristote : ce qui distingue la fiction de l'expérience ordinaire, ce n'est pas un défaut de réalité mais un surcroît de rationalité. Elle dédaigne en effet l'ordinaire des choses qui arrivent les unes après les autres pour montrer comment l'inattendu advient, le bonheur se transforme en malheur et l'ignorance en savoir. Cette rationalité fictionnelle a subi à l'âge moderne un destin contradictoire. La science sociale a étendu à l'ensemble des rapports humains le modèle d'enchaînement causal qu'elle réservait aux actions d'êtres choisis. La littérature, à l'inverse, l'a remis en cause pour se mettre au rythme du quotidien quelconque et des existences ordinaires et s'installer sur le bord extrême qui sépare ce qu'il y a de ce qui arrive. Dans les fictions avouées de la littérature comme dans les fictions inavouées de la politique, de la science sociale ou du journalisme, il s'agit toujours de construire les formes perceptibles et pensables d'un monde commun. De Stendhal à João Guimarães Rosa ou de Marx à Sebald, en passant par Balzac, Poe, Maupassant, Proust, Rilke, Conrad, Auerbach, Faulkner et quelques autres, ce livre explore ces constructions au bord du rien et du tout. En un temps où la médiocre fiction nommée " information " prétend saturer le champ de l'actuel avec ses feuilletons éculés de petits arrivistes à l'assaut du pouvoir sur fond de récits immémoriaux d'atrocités lointaines, une telle recherche peut contribuer à élargir l'horizon des regards et des pensées sur ce qu'on appelle un monde et sur les manières de l'habiter. Né à Alger en 1940, Jacques Rancière est professeur émérite de philosophie à l'université Paris VIII. Il a consacré de nombreux ouvrages aux relations entre politique, art et littérature. Il a notamment publié au Seuil, dans " La Librairie du XXIe siècle ", Courts voyages au pays du peuple (1990), Les Mots de l'Histoire (1992), La Fable cinématographique (2001) et Chroniques des temps consensuels (2005).

09/2017

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Histoire des idées politiques

Le culte du moi. sous l'oeil des barbares

" MON CHER AMI, Ce volume , Sous l'oeil des Barbares, mis en vente depuis six semaines, était ignoré du public, et la plupart des professionnels le jugeaient incompréhensible et choquant, quand vous lui apportâtes votre autorité et voire amitié fraternelle. Vous m'en avez continué le bénéfice jusqu'à ce jour. Vous m'avez abrégé de quelques années le temps fort pénible où un écrivain se cherche un public. Peut-être aussi mon travail m'est-il devenu plus agréable à moi-même, grâce à cette courtoise et affectueuse compréhension par où vous négligez les imperfections de ces pages pour y souligner ce qu'elles comportent de tentatives intéressantes. Ah ! les chères journées entre autres que nous avons passées à Hyères ! Comme vous écriviez Un coeur de femme, nous n'avions souci que du viveur Casal, de Poyanne, de la pliante madame de Tillière, puis aussi de la jeune Bérénice et de cet idiot de Charles Martin qui faisaient alors ma complaisance. Ils nous amusaient parfaitement. J'ajoute que vous avez un art incomparable pour organiser la vie dans ses moindres détails, c'est-à-dire donner de l'intelligence aux hôteliers et de la timidité aux importuns ; à ce point que pas une fois, en me mettant à table, dans ce temps-là, il ne me vint à l'esprit une réflexion qui m'attriste en voyage, à savoir qu'étant donné le grand nombre de bêtes qu'on rencontre à travers le monde, il est bien pénible que seuls, ou à peu près, le veau, le boeuf et le mouton soient comestibles. Et c'est ainsi, mon cher Bourget, que vous m'avez procuré le plaisir le plus doux pour un jeune esprit, qui est d'aimer celui qu'il admire. Si j'ajoute que vous êtes le penseur de ce temps ayant la vue la plus nette des méthodes convenables à chaque espèce d'esprit et le goût le plus vif pour en discuter, on s'expliquera surabondamment que je prenne la liberté de vous adresser ce petit travail, ou je me suis proposé d'examiner quelques questions que soulève cette théorie de la culture du Moi développée dans Sous l'oeil des Barbares, Un homme libre et le Jardin de Bérénice".

05/2023

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Sociologie urbaine

Sans-abris au coeur de la ville. Rendre visible, comprendre, alerter pour réagir

Cet ouvrage témoigne d'une volonté de transmettre un regard, de faire connaître, de rendre visible les invisibles de la rue. Il ne s'agit pas d' une enquête sociologique, ni d'un reportage, mais de l'observation du réel, appuyée par l'expérience d'un engagement dans une action collective de plusieurs décennies. Mais au-delà de rendre visible l'auteur contribue à produire la connaissance indispensable pour peser sur les orientations politiques et les décisions qui en découlent. L'engagement des associations, des militants, des riverains parfois et des personnes concernées est le plus souvent, dans un dialogue avec les pouvoirs publics, à l'origine de la construction des réponses possibles. Il y en a de nombreuses, souvent entravées par des questions partisanes, parfois par des prises de position idéologiques, comme celle qui considère que chaque action positive en faveur des exclus et des étrangers serait source d'appel d' air. Une posture qui permet de nier que la " crise des migrants " est en réalité la crise de l' accueil. C'est l'absence de connaissance qui empêche d' ancrer la lutte contre le mal logement dans une dimension transversale, à l'heure où elle devrait s'inscrire dans un mouvement et une volonté globale de résolution des crises des institutions, psychiatriques, judiciaires, pénitentiaires et de la protection sociale... Les réponses relèvent le plus souvent du bon sens et de l'intérêt général : utiliser les friches et la vacance immobilière pour ne pas gaspiller des moyens, élaborer des réponses en direction des enfants et de leurs mères, mettre en service un habitat temporaire digne et de qualité pour attendre des jours meilleurs. Les réalisations prennent de plus en plus une place dans la Cité, et c'est bien. Certes, il reste beaucoup à faire. L'imagination des associations, trop souvent contraintes dans une multiplication d'appels à projets élaborés de manière administrative ou technocratique, mérite d' être encouragée. La reconnaissance de la réalité de la rue est indispensable et doit être le préalable à l' affirmation collective d' une volonté de changements réels vers plus de justice sociale.

11/2023

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Science-fiction

La chute de Mirial

Depuis bientôt cinq ans, Layela Delamores est la Gardienne de Mirial et, sous son règne, la planète a repris vie – la flore s'épanouit comme pendant ses plus beaux jours, les travaux de reconstruction vont bon train et, comble de bonheur, Layela a accouché d'une fille, Ardice, qui est destinée à devenir Gardienne à son tour. Or, contre toute attente, la naissance de la petite Ardice a provoqué de graves perturbations dans l'éther et de plus en plus de Mirialains blâment la trop grande libéralité de Layela relativement aux traditions pour ce subit changement. Quand un groupe de rebelles propose de la destituer et de s'en prendre à son enfant pour calmer l'éther, Layela quitte en catastrophe la planète, laissant celle-ci aux mains des opposants. Contrairement à ce que pensent les insurgés, le départ précipité de la Gardienne n'est pas une fuite. De fait, Layela veut rejoindre Gobran Kipso, ancien commandant de la Victoire et seul humain qui puisse expliquer pourquoi l'étoile de Mirial s'est déréglée. Mais ce que son vieil ami lui révèle est consternant : seuls les Semeurs, une race mythique, seraient en mesure de rétablir la situation... mais personne n'a jamais su les trouver. La trilogie de Mirial est un space opera magistral et ambitieux. Mirial est une étoile mythique dégageant une force mystérieuse, l'éther, fournissant autant la vie que certains pouvoirs aux différents peuples sous son influence, les éthériques. Les humains n'en sont pas, mais c'est toutefois l'une des leurs, appelée la Gardienne, titre traditionnellement passé de mère en fille, qui doit en assurer la protection et la pérennité. Toutefois, la vacance du poste a de graves conséquences sur son système planétaire : détérioration rapide de la flore, extinction de la faune, affaiblissement des races éthériques. Sur une quinzaine d'années, on suit la destinée de Layela, une jeune femme qui, bien malgré elle, est appelée à servir comme Gardienne. Après la prise du pouvoir et la réjuvénation de la planète, elle devra faire face à une insurrection, sera forcée d'exiler sa fille naissante pour la soustraire à son destin cruel et, finalement, l'étoile menaçant de s'éteindre, elle devra préparer les siens à un exil massif vers une nouvelle Première Etoile.

08/2017

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Littérature française

Le jardin des absents

Il y a le soleil, la mer, les maisons aux ocres juteuses, les musiques et les danses. Ce pourrait être un village de vacances. Il s'en faudrait de très peu... Et c'est là, au bout du monde, que Joden se réveille un matin. Que lui est-il arrivé ? Est-il fou ? malade ? et qui hurle à voix basse au fond du jardin ? Sans rivage et sans mémoire, Joden se débat dans l'angle mort de sa vie. Alors, survient Agna qu'il n'a jamais cessé d'aimer. Elle est désormais son seul lien avec le passé, mais, changée et meurtrie par les épreuves, acceptera-t-elle de se sauver avec lui ? Autour d'eux, des hommes et des femmes jouent à s'aimer et s'inventent un passé glorieux sous le regard impassible des gardiens. La parade sociale, dérisoire et nostalgique, ne sert qu'à masquer la vacance des esprits et des coeurs. Pour quelle faute, tous ces hommes, doivent-ils subir un éternel été de paresse et d'oubli ? Ainsi qu'une enquête policière, le récit progresse avec une logique implacable de découverte en découverte au rythme de Joden, de ses expériences et de ses tentatives d'évasion. Ce climat à la fois tragique et sensuel provoque un étrange malaise. Sont-elles vraiment si rares ou si lointaines, ces prisons, parfois délicieuses, du plaisir, de l'irresponsabilité ou de l'oubli collectif ? Et, certains matins, ne nous réveillons-nous pas comme exilés de nous-mêmes ? On reconnaît ici l'ampleur et la variété des thèmes qui donnaient déjà aux Gens de Misar leur puissance, leur richesse d'évocation. Nicole Avril, mieux que quiconque, sait rendre vivant le mystère, présent le rêve, intense et émouvant le plus subtil des mythes. Elle nous entraîne, avec ce Jardin des Absents, dans un univers romanesque d'une insolite grandeur. D'abord professeur, Nicole Avril abandonne la pédagogie pour la comédie. Quelques tentatives au théâtre et à la télévision avant de réussir enfin, en 1972, à concilier ses aspirations littéraires et son désir de création par la publication de son premier roman Les Gens de Misar qui obtiendra le prix des Quatre Jurys, la consécration du Livre de Poche et prochainement celle du cinéma. En 1973, elle tourne en Inde un film pour la télévision : Auroville. En 1975, elle écrit Les Remparts d'Adrien, bientôt suivi par Le Jardin des Absents.

08/1977

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Esthétique

Libre cours. A l'épreuve de l'oisiveté

Par son originalité et la simplicité apparente de son style alerte Marion Milner occupe une place à part dans le panthéon de la pensée psychanalytique. Sa réflexion sur la créativité dans la séance comme à l'extérieur de ce cadre sont une source constante de renouvellement pour la réflexion. Sa perspective s'inscrit dans le sillon tracé par Winnicott : il s'agit pour elle de souligner les mouvements susceptibles de favoriser l'authenticité d'un sujet - en s'affranchissant de la pression que peuvent exercer sur lui ceux qu'il aime ou qu'il redoute. Dans ce livre, la réflexion emprunte le chemin de l'analyse des états d'âme qui accompagnent les variations du quotidien dans les situations les moins bien balisées. C'est ainsi que l'auteur est amenée à poser la question de la vacance : que faire de son temps libre ? Si l'on a des certitudes sur le monde, une telle interrogation disparait. Mais si l'on est moins affirmatif, plus conscient de l'identité des autres que de la sienne propre, le problème devient réel. Le risque de vivre par raccroc, à la remorque de l'autre, de ses désirs et de son bien être, s'accroit. En l'occurrence, malgré leur émancipation, la question reste cruciale pour bien des femmes. Faisant recours à une méthode tient de l'enquête, de la psychanalyse et de l'observation de soi, l'auteur, qui a mené constamment une double activité de peintre et de psychanalyste, s'efforce de recenser et d'analyser les mouvements intimes de la vie quotidienne pour parvenir à cerner ce qui nous rend créatif et peut arracher notre pensée aux ornières du conformisme, de la routine et de la complaisance. Pour y parvenir, Marion Milner part de l'analyse de son journal intime. Elle en reprend les notations cursives pour en souligner certains aspects imprévus et profonds. Au demeurant, lorsque certaines de ses pensées sont consacrées aux jours les plus noirs de la décennie précédant la seconde guerre mondiale, elles offrent une ressaisie remarquable de l'écho intérieur de la montée des fascismes en Europe. Libre cours rappelle alors les plus belles pages du Monde d'hier de Stefan Zweig. A ce titre, comme le souhaite l'auteur, le livre permet "à toute personne ordinaire de prendre conscience de certains des processus à l'oeuvre à l'intérieur d'elle-même". Et de ce qu'il en advient en temps de crise.

07/2023

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Sports

Coups de poing et points à la ligne

Ce livre aurait pu s'intituler la boxe dans la ville. Il est une chronique de la vie perpignanaise dans ses rapports avec le noble art de 1885, date à laquelle la boxe anglaise fait son apparition, à la fin du XXe où elle peut fêter plus d'un siècle d'existence. Cet ouvrage est tout à la fois une histoire des boxeurs, des clubs et des prévôts, des dirigeants mais aussi des quartiers, des rues, des cafés... car cette vie sportive s'est inscrite dans des lieux familiers encore visibles qui ne sont plus que hantés par les gants de cuir rouge, les coups de gong et des hommes sur des rings parfois improvisés. L'ancien Alcazar, devenu cinéma Familia et son parc ont disparu, mais l'ancien hôpital militaire avec ce qui fut le siège du Foyer Léo-Lagrange est toujours là, gardien des souvenirs, des sons, des odeurs... aujourd'hui encore en longeant ses hauts murs on voit passer les ombres des cogneurs, des stylistes, des encaisseurs tragiques de coups fabuleux, des k.o. techniques. Dans une soirée, le drame pouvait côtoyer la comédie et le tragique avoir sa part de ridicule devant un public le plus souvent féroce. Le Casal Catala et le Théâtre de Verdure aux Platanes, le Nouveau Théâtre, le Vélodrome ont aussi rejoint le Paradis des constructions festives perdues mais le Centro Espagnol est encore là même si depuis bien longtemps, il n'accueille plus les puncheurs venus de Barcelone et il n'y a plus de combat au Théâtre Municipal.... Il reste les bars, les cafés et il existe le Palais des Congrès. Ce livre fait revivre dans le contexte urbain des figures tutélaires presque mythiques du sport roussillonnais, de la boxe catalane, les héros oubliés : ils sont tous dans ce livre... petits ou grands, amateurs ou professionels... Admirable carrière de Biosca, des salles parisiennes à celles de Madrid, Barcelone, Milan, Alger... Nos boxeurs voyageaient et l'Indépendant donnait parfois de leurs nouvelles. Ils sont tous ou presque dans ce livre avec leurs clubs, leurs dirigeants emblématiques et souvent pittoresques, toujours passionnés : " Napoleon Orliac ", Gaetano, on ne peut les citer... Les petits clubs, les groupements éphémères, ont eux aussi droit au chapitre au même titre que les grands, les omni-sports : l'U.S.A.P. et le Foyer Léo-Lagrange qui eurent encore, vers les années 1960 de formidables équipes de boxeurs. Cette chronique n'oublie pas combien la boxe et le rugby furent proches. Les villes et villages du département, où il y eut des clubs (Rivesaltes, Port-Vendres, Ille sur Têt, Bages...) qui défendaient les couleurs de leur coin de Roussillon. Les jours heureux et les jours noirs, dans la ville qui bouge avant guerre, après guerre qui s'agrandit... L'histoire de la boxe se mélange avec une chronique des grands jours de joies, de fêtes. Chronique contemporaine de ceux qui montent sur un ring pour échanger des coups avec un inconnu et n'ont que quelques minutes pour montrer leur courage et souvent leur limites tant physiques que morales, ceux qui le lendemain reprenaient leur travail à l'usine, aux abattoirs, au nettoiement des rues, aux écuries du faubourg, à la gare, employés, ouvriers, ceux qui après défaite ou victoire, reprenaient l'entraînement amenaient femmes et enfants le dimanche, voir Lord Jim au cinéma ; leurs pères étaient allés voir le cirque Pinder où Carpentier rejouait avec application son match contre Dempsey... ceux là aussi méritaient quelques pages. Perpignan a ses " rugby ", son Castillet, la Sardane, et, grâce à Dalí, le centre du monde.... avec ce livre les Perpignanais n'oublieront pas que des coups de gong ont accompagné son histoire.

04/2012

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Sociologie

Revue de philologie, de littérature et d'histoire anciennes volume 94-1. Fascicule 1

Sébastien Barbara. - Les phalanges de Socrate (X. , Mem. , I, 3, 11-13) Xénophon (Mem. , I, 3, 11-13) attribue à Socrate une image rapprochant les baisers des beaux garçons des envenimements causés par les araignées dites phalanges (? ??? ? ??? ). Parallèlement, Platon (Smp. , 217e-218b) prête à Alcibiade l'image de la morsure de vipère à propos de l'amour-philosophie. Ces images issues des topoi populaires de la morsure-piqûre de l'amour témoignent d'une tendance des socratiques à développer des comparaisons en rapport avec la sphère médicale et des échanges entre philosophes et médecins dans l'Athènes des Ve-IVe s. Dans le cas des phalanges le témoignage de Xénophon atteste, par sa date haute, une diffusion précoce de savoirs iologiques précis, notamment le lien causal entre symptômes critiques et morsure de la veuve noire méditerranéenne (Latrodectus tredecimguttatus Rossi) qui n'est pourtant pas facile à établir. Pauline Belin. - Le concept de consuetudo dans les traités rhétoriques de Cicéron Cet article se propose d'explorer les implications du terme consuetudo dans les traités rhétoriques cicéroniens où le terme est utilisé : De inuentione, 84-83 av. J. -C. , De oratore, 55 av. J. -C. , Brutus, 46 av. J. -C. , Orator, 46 av. J-C. , et les Partitiones oratoriae, 46 av. J. -C. Cette étude du terme de consuetudo entend retracer les origines du concept linguistique de consuetudo, formulé par Cicéron et repris par Quintilien dans l'élaboration de son Institution oratoire, et précisera les liens entre le sens général du terme et l'acception proprement linguistique qu'il acquiert, tout en éclaircissant les enjeux de ces différentes acceptions. Jaime Curbera. - Les noms de la mandragore selon Dioscoride Cet article traite des six noms de mandragores transmis dans le De materia medica de Dioscoride (? ??? ? ??? ? , ??? ? ??? ? ? , ??? ? ??? / ??? ? ??? , ??? ? ?? , ??? ? ??? ? ?? , ??? ? ??? ? ??? ), ainsi que des quinze synonymes donnés dans les manuscrits alphabétiques de Dioscoride. L'article met l'accent sur l'aspect lexical (étymologie, brachylogie, emprunts), mais il traite inévitablement d'autres questions, comme les prières des herboristes, et il propose de nouvelles lectures pour les noms corrompus (? ??? ? ? , ??? ? ??? , ??? ? ??? ? ?? , ??? ? ??? ). Une dernière annexe explique un curieux nom de la plante en grec moderne (? ??? ? ??? ). Concepción Fernández Martínez. - Rythmes métriques accidentels ou locutions idiomatiques dans des inscriptions gauloises considérées comme carmina (CIL, XIII, 1983, 1972, 2073, 2216, 1849) L'article analyse les possibles formes métriques d'une série d'inscriptions latines considérées comme métriques, afin de décider de leur inclusion ou de leur exclusion du corpus des Carmina Latina epigraphica des Gaules. En outre, l'article propose une édition critique et un commentaire philologique de ces inscriptions. Jorge Martínez-Pinna. - Le nom de Servius Tullius Cet article traite du nom de Seruius Tullius, roi de Rome. Un lien avec le terme latin seruus, ainsi qu'une origine étrusque semblent peu admissibles. Au contraire, l'analyse de ce nom révèle une origine latine du personnage et son appartenance à un niveau social élevé. Jean-Louis Perpillou. - Anges et démons Dans ce texte posthume, qui fait suite à "Pouvoirs d'un chiffre" , paru dans ??? ? ??? ? ??? ? ? . Mélanges offerts à Charles de Lamberterie (Louvain, Peeters, 2020, p. 637-650), Jean-Louis Perpillou examine trois nouvelles séries d'exemples de la formule "3 fois 9" : les inscriptions d'Asie Mineure impliquant le dieu Mèn, un rite agraire lituanien et son correspondant grec (Hérodote VIII, 137), ainsi que des bylines russes qui relatent des pratiques magiques adressées à des démons ou des (arch)anges. La valeur non comptable de cette formule, très probablement héritée, s'y trouve confirmée. Gerd Van Riel, Victor Gysembergh. - L'Athéna de Saïs dans l'In Timaeum de Proclus Dans sa discussion du mythe de l'Atlantide, raconté par un prêtre de Saïs dans le Timée de Platon, Proclus se tourne vers la relation entre la déesse Athéna et la cité de Saïs en Egypte septentrionale. L'une des connexions astrologiques mentionnées par Proclus est qu'Athéna était un des astres arctiques. Dans ce contexte, le texte reçu du Commentaire sur le Timée de Proclus fait référence à certains qui lient Athéna à "la lune qui est là-bas" . Dans cet article nous analysons les diverses explications et émendations du texte. Nous examinons leur valeur par rapport aux spéculations astronomiques des Egyptiens et des Grecs, mettant à profit de récentes découvertes sur la transmission textuelle du commentaire de Proclus. A partir de cet examen, nous proposons de corriger le texte transmis. Inés Warburg. - De Lerina insula : tradición manuscrita, textos y edición El poema De Lerina insula, atribuido a Dinamio de Marsella (? 595 c.), celebra en dísticos elegíacos la fundación cristiana de San Honorato mediante una serie de tópicos tradicionales sobre la isla "santa" y sus habitantes. Dos códices de Isidoro de Sevilla (ms. Klosterneuburg 723 del siglo XII y ms. Göttweig 64 (78) del siglo XIII) incluyen la colección de inscripciones romanas conocida como Sylloge Turonensis ; en el apéndice de esta síloge se conserva el poema - no epigráfico y no romano - de Dinamio. Esta contribución propone una edición crítica del poema a partir de ambos testimonios, ya que las dos ediciones del siglo XIX se basan alternativamente en copias de uno de los dos manuscritos : la primera edición de 1888, en una copia de Klosterneuburg 723 y la segunda edición de 1897, en una copia de Göttweig 64. Los testimonios derivan de un ascendiente en común, pero ambos textos son independientes y complementarios.

02/2022

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Littérature étrangère

Histoire de la colonne infâme

L'oeuvre d'essayiste de Manzoni est un peu moins connue, mais sa Storia della colonna infame (Histoire de la colonne infâme), qui fait l'objet de ce projet de nouvelle traduction, est cependant elle aussi couramment (quoique moins systématiquement) étudiée à l'école, à l'instar de L'affaire Calas de Voltaire, texte avec lequel celui-ci a quelque parenté. La "colonne infâme" du titre désigne un monument qui fut édifié, par la volonté des juges, pour commémorer le procès (mené à grand renfort de terrifiants supplices), la condamnation et l'exécution, en 1630 à Milan, de plusieurs hommes accusés d'avoir propagé délibérément la peste par des "onctions pestifères" , c'est-à-dire en barbouillant les murs d'un certain quartier d'une substance empoisonnée, supposément mortifère. Cet atroce fait divers avait déjà inspiré à Pietro Verri, un représentant milanais de la philosophie des Lumières versant italien, un texte mémorable, Observations sur la torture, paru en 1769 (retraduit en français en 1992 et publié par les Editions Viviane Hamy), où l'auteur dresse un réquisitoire inflexible contre cette pratique intolérable. En 1764, un autre philosophe, Cesare Beccaria , avait publié Dei delitti e delle pene (dont il existe, sous le titre Des délits et des peines, plusieurs éditions françaises récentes), un magnifique petit essai, très en avance sur son temps, contre la torture et la peine de mort. C'est dans ce contexte intellectuel que se situe l'Histoire de la colonne infâme. Mais, tandis que Verri et Beccaria publient leurs essais à une époque où la torture est encore en vigueur dans nombre de pays et régions d'Europe, et notamment à Milan , quand le texte de Manzoni paraît, en 1840, elle a été abolie - du moins officiellement - à peu près partout. L'intention de Manzoni n'est donc pas tout à fait la même que celle qui animait ses devanciers, lesquels visaient avant tout à démontrer le caractère exécrable et inutile de la torture et à la voir disparaître des codes de procédure. Pour Manzoni, cependant, il s'agit d'abord, sans doute, de consolider dans les esprits l'usage récent de ne plus mettre à la question les prévenus. On sait combien les progrès de ce genre sont fragiles et peuvent être abandonnés au détour de l'histoire ; quant à la torture, notamment, il serait naïf ou de mauvaise foi de prétendre qu'elle n'appartient qu'au passé lointain et aux civilisations archaïques. Sous des formes diverses, qui disent rarement leur nom, la torture demeure une réalité contemporaine, y compris dans nos démocraties avancées. On peut, d'autre part, supposer que Manzoni entend oeuvrer à son tour à l'amélioration, toujours possible, de la justice humaine : même sous une législation imparfaite, sinon coupable, les juges gardent la faculté de juger honnêtement. Mais, plus encore, il s'agit pour Manzoni de soulever une question générale, à la fois philosophique et politique : celle de la liberté de choix des individus, mise en regard de ce qu'on pourrait appeler, dans un anachronisme calculé, les conditionnements socio-historiques. Pour Verri, tous les juristes et criminalistes du passé sont coupables d'avoir toléré, cautionné et même encouragé la torture. Dès lors, les juges qui condamnèrent les supposés propagateurs de peste commirent, certes, une affreuse erreur judiciaire, mais dont la responsabilité incombe à la science juridique dans son ensemble, au système pénal en tant que tel - et même à l'état général de la connaissance et de la culture propres à leur temps. La faute des juges en tant qu'individus se dissout ou en tout cas s'estompe dans la mauvaiseté des lois et dans la cruauté à quoi conduirait invinciblement l'ignorance. La faute des juges n'est pas tant personnelle que collective, et indissociable d'une époque dont Verri - et avec lui tous les philosophes des Lumières italiennes - appelle le dépassement. Verri, en d'autres termes, travaille à éclairer son temps, pour le réformer dans le sens de la raison et de ce qu'on appellerait aujourd'hui les droits de l'homme . C'est sur cette question de la responsabilité des juges que Manzoni croise le fer avec son illustre prédécesseur. Dans l'Histoire de la colonne infâme, il s'attache à montrer que, même en des temps d'ignorance et dans un système pénal qui prévoit qu'on puisse infliger à un accusé - y compris en amont de la certitude de sa culpabilité - des sévices atroces, les juges conservaient la possibilité, la liberté morale de ne pas le faire. Aussi, reprenant en main les textes des juristes que Verri cite pour les accabler, Manzoni s'efforce-t-il de montrer que tous, bien que n'étant pas opposés par principe à la torture, recommandaient cependant de n'en user qu'avec discernement et modération, et jamais pour obtenir des aveux. Manzoni entend ainsi rendre justice aux criminalistes du passé, que Verri blâme selon lui injustement, au prix d'incompréhensions voire de distorsions des textes qu'il produit pour preuves de sa thèse. Mais il veut surtout convaincre que les juges qui, en 1630, firent torturer et exécuter ces malheureux, puis firent construire un monument en leur éternel déshonneur, disposaient, dans les traités juridiques de référence de leur époque, d'éléments qui leur auraient permis, qui auraient dû leur permettre de juger dignement. Selon Manzoni, si la torture était régulièrement en vigueur dans les affaires criminelles, et couramment pratiquée dès la phase d'instruction du procès, cela n'imposait pourtant pas à des esprits éclairés et probes d'y recourir. Les juges sont donc comptables à titre personnel de leur jugement, qui s'apparente à un crime. Manzoni défend ainsi l'idée que, de tout temps, jusque dans le pire des systèmes politico-juridiques, les individus conservent une part d'autonomie, la faculté de s'affranchir des préjugés de leur époque, et de se comporter selon ce qui est juste et bon. Ce qui est en jeu, implicitement, c'est donc aussi la question, ancienne et débattue depuis des siècles dans la théologie chrétienne, du libre arbitre. Mais tout autant, si l'on veut, avant l'heure, sa version plus moderne, celle du déterminisme - social, historique, politique, culturel. Sommes-nous libres de nos actions, de nos décisions, de nos pensées ? Ou sommes-nous si profondément (et inconsciemment) modelés par notre temps, par notre culture, par nos institutions, que nos "choix" ne sont, au vrai, que les conséquences inéluctables de ces divers conditionnements ? Pour l'écrivain italien, récuser l'idée que, malgré les aberrations de leur temps, malgré les vices de la forma mentis du monde auquel ils appartenaient, les juges de 1630 auraient pu juger justement reviendrait à admettre, ni plus ni moins, l'impossibilité générale et affreuse d'espérer que des hommes qui commettent un crime abominable puissent jamais agir différemment ; cela obligerait, en somme, à reconnaître que les pires scélérats ne peuvent aucunement, par principe, être tenus pour responsables de leurs forfaits : "Si, dans un ensemble de faits atroces commis par l'homme contre l'homme, nous croyons voir un effet des temps et des circonstances, nous éprouvons, en même temps que de l'horreur et de la compassion, un découragement, une sorte de désespérance. Il nous semble voir la nature humaine poussée invinciblement au mal par des facteurs indépendants de sa volonté, et comme enchaînée dans un rêve pervers et fébrile, dont elle n'a nul moyen de se déprendre, dont elle ne peut pas même se rendre compte". La question demeure d'une parfaite actualité. Il n'est que de songer aux polémiques qui ont entouré telles tentatives d'explication d'attentats terroristes récents en France. En réponse aux sociologues qui tentaient de comprendre ces actes dans un tableau causal complexe, des personnages politiques de premier plan objectèrent qu'expliquer, c'était déjà justifier. Plus que jamais, il nous semble au contraire requis, pour inconfortable que cela puisse être, d'enquêter inlassablement sur les raisons de la violence. L'Histoire de la colonne infâme nous est une invitation à ne pas refermer trop vite le questionnement sur les racines du mal.

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Littérature Italienne

Histoire de la colonne infâme

L'oeuvre d'essayiste de Manzoni est un peu moins connue, mais sa Storia della colonna infame (Histoire de la colonne infâme), qui fait l'objet de ce projet de nouvelle traduction, est cependant elle aussi couramment (quoique moins systématiquement) étudiée à l'école, à l'instar de L'affaire Calas de Voltaire, texte avec lequel celui-ci a quelque parenté. La "colonne infâme" du titre désigne un monument qui fut édifié, par la volonté des juges, pour commémorer le procès (mené à grand renfort de terrifiants supplices), la condamnation et l'exécution, en 1630 à Milan, de plusieurs hommes accusés d'avoir propagé délibérément la peste par des "onctions pestifères" , c'est-à-dire en barbouillant les murs d'un certain quartier d'une substance empoisonnée, supposément mortifère. Cet atroce fait divers avait déjà inspiré à Pietro Verri, un représentant milanais de la philosophie des Lumières versant italien, un texte mémorable, Observations sur la torture, paru en 1769 (retraduit en français en 1992 et publié par les Editions Viviane Hamy), où l'auteur dresse un réquisitoire inflexible contre cette pratique intolérable. En 1764, un autre philosophe, Cesare Beccaria , avait publié Dei delitti e delle pene (dont il existe, sous le titre Des délits et des peines, plusieurs éditions françaises récentes), un magnifique petit essai, très en avance sur son temps, contre la torture et la peine de mort. C'est dans ce contexte intellectuel que se situe l'Histoire de la colonne infâme. Mais, tandis que Verri et Beccaria publient leurs essais à une époque où la torture est encore en vigueur dans nombre de pays et régions d'Europe, et notamment à Milan , quand le texte de Manzoni paraît, en 1840, elle a été abolie - du moins officiellement - à peu près partout. L'intention de Manzoni n'est donc pas tout à fait la même que celle qui animait ses devanciers, lesquels visaient avant tout à démontrer le caractère exécrable et inutile de la torture et à la voir disparaître des codes de procédure. Pour Manzoni, cependant, il s'agit d'abord, sans doute, de consolider dans les esprits l'usage récent de ne plus mettre à la question les prévenus. On sait combien les progrès de ce genre sont fragiles et peuvent être abandonnés au détour de l'histoire ; quant à la torture, notamment, il serait naïf ou de mauvaise foi de prétendre qu'elle n'appartient qu'au passé lointain et aux civilisations archaïques. Sous des formes diverses, qui disent rarement leur nom, la torture demeure une réalité contemporaine, y compris dans nos démocraties avancées. On peut, d'autre part, supposer que Manzoni entend oeuvrer à son tour à l'amélioration, toujours possible, de la justice humaine : même sous une législation imparfaite, sinon coupable, les juges gardent la faculté de juger honnêtement. Mais, plus encore, il s'agit pour Manzoni de soulever une question générale, à la fois philosophique et politique : celle de la liberté de choix des individus, mise en regard de ce qu'on pourrait appeler, dans un anachronisme calculé, les conditionnements socio-historiques. Pour Verri, tous les juristes et criminalistes du passé sont coupables d'avoir toléré, cautionné et même encouragé la torture. Dès lors, les juges qui condamnèrent les supposés propagateurs de peste commirent, certes, une affreuse erreur judiciaire, mais dont la responsabilité incombe à la science juridique dans son ensemble, au système pénal en tant que tel - et même à l'état général de la connaissance et de la culture propres à leur temps. La faute des juges en tant qu'individus se dissout ou en tout cas s'estompe dans la mauvaiseté des lois et dans la cruauté à quoi conduirait invinciblement l'ignorance. La faute des juges n'est pas tant personnelle que collective, et indissociable d'une époque dont Verri - et avec lui tous les philosophes des Lumières italiennes - appelle le dépassement. Verri, en d'autres termes, travaille à éclairer son temps, pour le réformer dans le sens de la raison et de ce qu'on appellerait aujourd'hui les droits de l'homme . C'est sur cette question de la responsabilité des juges que Manzoni croise le fer avec son illustre prédécesseur. Dans l'Histoire de la colonne infâme, il s'attache à montrer que, même en des temps d'ignorance et dans un système pénal qui prévoit qu'on puisse infliger à un accusé - y compris en amont de la certitude de sa culpabilité - des sévices atroces, les juges conservaient la possibilité, la liberté morale de ne pas le faire. Aussi, reprenant en main les textes des juristes que Verri cite pour les accabler, Manzoni s'efforce-t-il de montrer que tous, bien que n'étant pas opposés par principe à la torture, recommandaient cependant de n'en user qu'avec discernement et modération, et jamais pour obtenir des aveux. Manzoni entend ainsi rendre justice aux criminalistes du passé, que Verri blâme selon lui injustement, au prix d'incompréhensions voire de distorsions des textes qu'il produit pour preuves de sa thèse. Mais il veut surtout convaincre que les juges qui, en 1630, firent torturer et exécuter ces malheureux, puis firent construire un monument en leur éternel déshonneur, disposaient, dans les traités juridiques de référence de leur époque, d'éléments qui leur auraient permis, qui auraient dû leur permettre de juger dignement. Selon Manzoni, si la torture était régulièrement en vigueur dans les affaires criminelles, et couramment pratiquée dès la phase d'instruction du procès, cela n'imposait pourtant pas à des esprits éclairés et probes d'y recourir. Les juges sont donc comptables à titre personnel de leur jugement, qui s'apparente à un crime. Manzoni défend ainsi l'idée que, de tout temps, jusque dans le pire des systèmes politico-juridiques, les individus conservent une part d'autonomie, la faculté de s'affranchir des préjugés de leur époque, et de se comporter selon ce qui est juste et bon. Ce qui est en jeu, implicitement, c'est donc aussi la question, ancienne et débattue depuis des siècles dans la théologie chrétienne, du libre arbitre. Mais tout autant, si l'on veut, avant l'heure, sa version plus moderne, celle du déterminisme - social, historique, politique, culturel. Sommes-nous libres de nos actions, de nos décisions, de nos pensées ? Ou sommes-nous si profondément (et inconsciemment) modelés par notre temps, par notre culture, par nos institutions, que nos "choix" ne sont, au vrai, que les conséquences inéluctables de ces divers conditionnements ? Pour l'écrivain italien, récuser l'idée que, malgré les aberrations de leur temps, malgré les vices de la forma mentis du monde auquel ils appartenaient, les juges de 1630 auraient pu juger justement reviendrait à admettre, ni plus ni moins, l'impossibilité générale et affreuse d'espérer que des hommes qui commettent un crime abominable puissent jamais agir différemment ; cela obligerait, en somme, à reconnaître que les pires scélérats ne peuvent aucunement, par principe, être tenus pour responsables de leurs forfaits : "Si, dans un ensemble de faits atroces commis par l'homme contre l'homme, nous croyons voir un effet des temps et des circonstances, nous éprouvons, en même temps que de l'horreur et de la compassion, un découragement, une sorte de désespérance. Il nous semble voir la nature humaine poussée invinciblement au mal par des facteurs indépendants de sa volonté, et comme enchaînée dans un rêve pervers et fébrile, dont elle n'a nul moyen de se déprendre, dont elle ne peut pas même se rendre compte". La question demeure d'une parfaite actualité. Il n'est que de songer aux polémiques qui ont entouré telles tentatives d'explication d'attentats terroristes récents en France. En réponse aux sociologues qui tentaient de comprendre ces actes dans un tableau causal complexe, des personnages politiques de premier plan objectèrent qu'expliquer, c'était déjà justifier. Plus que jamais, il nous semble au contraire requis, pour inconfortable que cela puisse être, d'enquêter inlassablement sur les raisons de la violence. L'Histoire de la colonne infâme nous est une invitation à ne pas refermer trop vite le questionnement sur les racines du mal.

03/2024