humeur Chereau dessin

Alors que gazouillent les Twittos de concert avec les rossignols, l’écrivain, heureux, dès potron-minet, s’élance idée en tête à la conquête d’un nouveau roman. Quelque temps plus tard, elle a fait son chemin, et c’est un livre qui se trouve posé sur la table. Et si les vents furent propices, des lecteurs transis se massent...

Avec la journée consacrée aux bibliothèques du 10 avril, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a avancé les bases d’une nouvelle politique d’ouverture des établissements. Des préconisations, pas des consignes, dont les élus doivent encore s’emparer. Mais ce serait pas mal qu’ils le fassent, et dans les délais les plus brefs...

Il paraît que tout a déjà été écrit — du moins après la bibliothèque de Babel par Borgès, il est assuré que tout existe. Même ces premières lignes sont en l’état une reproduction de ce qu’imagina le romancier. D’autant que de nos jours, on n’achète plus l’œuvre, mais « le potentiel existant du produit ». PARDON ! De l’auteur, évidemment…

Ah, la télévision. Ce tube anciennement cathodique devenu plus plat et fin avec le temps. Cette merveilleuse boîte à images garantit une portée et une influence magique pour les livres. Jugements à l’emporte-pièce, toujours avec la perspective de tacler, bâcher, frapper fort, et parfois d’autant plus que l’on ne frappe pas juste.

Voici l’histoire d’un ex-ministre de la République française qui, durant quatre mois, va ouvertement mentir à tout un pays, avec cette expression qui restera célèbre : « Les yeux dans les yeux. » Jérôme Cahuzac, détenteur d’un compte en Suisse, alors qu’il était en responsabilité, s’est mis dans une sacrée panade. Jugé pour fraude fiscale, ce dernier pose quelques interrogations.

Les résultats économiques de l’enseigne Amazon font des bonds, des p’tits bonds, encore des p’tits bonds. Pour le 4e trimestre, hausse de 38,2 % du chiffre d’affaires. Et dans la foulée, un montant de 60,45 milliards $ pour cette période. Le tout avec un bénéfice de 1,86 milliard $. Champagne !

Tous les chefs, des premières pousses aux plus confirmés ont affronté la terrible question : que faire avec le croupion ? décemment, propose-t-on à la carte, ou en plat du jour, un morceau qui prête aux allusions les plus graveleuses ? La raie, passe encore, mais le croupion ?

C’est connu, il suffit parfois de mourir pour connaître un succès auquel jamais, de son vivant, on n’aurait pu accéder. Rance est la rançon du succès, comme le clamait le chanteur, qui continue pourtant de remplir bien des salles, de son vivant. Mais que voulez-vous, ma bonne dame, on fait ce qu’on peut.

Ils ne rêvent que d’elle, obsédants dans ses formes plates, ultra plates, ses 8 K dont on ne sait plus ce qu’ils affichent au compteur. Dire qu’ils ont la dalle du cathodique serait un pléonasme : les auteurs, et leurs éditeurs, ne rêvent que de La Grande Librairie. L’émission télé phare de l’industrie du livre.

Les romans à clefs ont fleuri durant cette rentrée littéraire. Des secrets à demi-mot dévoilés, des vérités qui éclaboussent – à condition de comprendre et savoir lire entre les lignes. Fort heureusement, pour cela, il y a des journalistes qui décryptent pour les lecteurs.

De l’auteur à l’éditeur, c’est toute une relation de confiance qui s’instaure, au fil du temps. Il faut avoir le courage, quand on croit au talent, de s’engager, s’investir, passer du temps... et savoir tempérer les ardeurs, pas seulement littéraires d’ailleurs.

La vie d’auteur n’est pas de tout repos : les gouvernements se suivent et les perturbations fiscales avec eux... Mais le lecteur, lui, demeure, fidèle au poste, attendant avec une tendre affection que son auteur favori produise enfin la suite, le prochain, le précieux prochain. À la différence du chien, le lecteur ne supporte en revanche pas la trahison.

 Au royaume de la tolérance, la novlangue est reine : pour que cesse l’emploi récurrent de l’expression « nègre littéraire », il a finalement été décidé de changer pour « prête-plume ». L’expression ne manquera certainement pas de faire réagir Bernard Pivot, mais au moins la société et la langue françaises font une belle avancée. Ou pas ?

Certains lui auraient volontiers volé dans les plumes, tant ils ont le sentiment — à très juste titre —de s’être fait plumer. C’est l’époque qui veut ça : dans quelques semaines, à peine, sortiront de terre les décorations de Noël, et il fallait des dindes pour tous : artistes et auteurs seront les dindons de la farce orchestrée par Emmanuel Macron. Le bras armé gouvernemental augmente la CSG, et qui va le payer ?

Ah la belle rentrée littéraire que voici ! Bercée par les frimas de l’automne, les listes tombent, effeuillant les ouvrages les plus divers, concourant dans des sélections plus prestigieuses, les unes que les autres. Les maisons s’observent en chiens de faïence, cherchant là un indice, glanant ici la moindre information... 

C’est parti : dans quelques semaines les deux locomotives de l’édition française, Marc Levy et Guillaume Musso publieront leurs nouveaux romans. Une bouffée d’oxygène pour les librairies, et pour les fans, le grand retour. Ensuite...

Le président Macron tente par tous les moyens de convaincre les retraités que la réforme de la CSG est une bonne nouvelle pour le pays. Et que, oui, cela permettra de relancer l’économie, pour que les jeunes puissent payer les retraites de leurs aînés. Mais le message passe mal.

Ah, la gloire, le succès, le champagne qui coule sous la douche – et tant pis si c’est moins commode que l’eau claire pour se laver ! Les pelletées de caviar en sandwich entre deux tranches de Pata Negra Bellota... Bref, la gloire...

On évoque souvent le travail de l'auteur, les heures passées penché au-dessus de la page blanche, avec le lumbago à l'affût... Mais il existe un autre type d'auteurs, tout aussi besogneux : les critiques. Ici aussi, le style doit être fulgurant, la formule bien tournée, et la verve à la hauteur de la médiocrité qu'il s'agit de dénoncer.

Ah, la vocation... cet instant de grâce où l'auteur en devenir sent soudainement le doigt de la Muse inspiratrice lui caresser le front, pendant que lui, ou elle, se gratte le papier, voire le clavier. Le moment est crucial dans une vie, et ne tient parfois qu'à la rencontre avec une oeuvre, justement, qui suscitera l'allégresse subite.

C’est l’heure des remises, des prix fracassés et des opérations de solde, avant l’heure : le Black Friday, importé des États-Unis, a débarqué voilà quelques années en Europe. Et les marchands s’en donnent à cœur joie, bien avant les fêtes, pour attirer le chaland. 

Avec 567 nouveaux romans pour la rentrée littéraire 2018, les comptes sont bons : ça fait beaucoup. Maintenant que les auteurs ont fait leur boulot, charge aux attaché.e.s de presse de faire le leur. Et aux journalistes de produire les chroniques qui attireront l’attention, de défendre leurs choix en conférence de rédaction, de se battre, en somme.

C’est le nerf de la guerre : comme disait Denis Mollat, patron de la librairie bordelaise éponyme, on reproche toujours au libraire de ne pas avoir le livre que l’on cherche. Eh ! Possiblement parce qu’il en existe beaucoup, et que les librairies ne peuvent pas posséder tout le fonds de la création — littéraire, s’entend.

On aurait tout aussi bien pu dire que les cordonniers sont les plus mal chaussés. En cette époque de développement personnel et d’enrichissement des compétences, il est de bon ton de lire. Pour s’instruire, s’optimiser, travailler à sa perfectibilité, comme dirait Rousseau.

C’est durant la période estivale que l’on se retrouvera au hasard des instants, stylo en main, à laisser gambader une idée, quelques mots jetés... et pourquoi pas se prendre à rêver : compter parmi les auteurs d’une prochaine rentrée littéraire ? Le temps est doux, une brise saupoudre la chaleur...

Dans la tête, on est déjà en vacances, mais dans les valises, il reste encore à trouver les livres qui accompagneront la période estivale. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, il suffira de se rendre en bas de chez vous pour trouver en librairie ces petits rayons de plaisir.

Derrière leurs tables et les piles de livres soigneusement alignées, ils ressemblent parfois à ces chevaliers abrités entre créneaux et merlons, toisant l’agresseur venu mettre à sac le fort. Un sac au fort, c’est un comble, pour un écrivain ! Mais en réalité, loin d’être suspicieux, ils attendent qu’un lecteur se manifeste et ose les solliciter… Ah, vendre et dédicacer des livres en salon.

La rentrée littéraire, c’est le retour prochain des feuilles mortes, qui succéderont finalement aux bonnes feuilles. Les salons, les festivals, les manifestations littéraires relancent la saison, accompagnant les grands prix de l’automne. 

Le livre est-il écoresponsable ? L’industrie de l’édition agit-elle vertueusement dans la gestion du papier sur lequel s’imprimeront les plus belles histoires dont les lecteurs se régaleront ? Une récente étude communiquée par le Syndicat des éditeurs le laisse entendre. Maître Chereau, sur sa palette graphique penchée, s’en gratte encore l’occiput.

On appelle reddition de comptes le moment où un éditeur fournit à un auteur les données sur les ventes de son dernier ouvrage – voire des précédents, s’il y a eu des évolutions. L’expression semble assez barbare, mais permet avant tout de prendre la mesure tant de la popularité de l’ouvrage que de ses retombées économiques. Et géographiques.